EPISODE 5 - COUP DE CHAUD (ATHENA)

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On disait de l’Araignée qu’elle était la renverseuse de guerre. Mettez-en une sur un champ de bataille… et la bataille est gagnée.

L.I.F.E. Industries avait créé toutes sortes d’armes biogénétiques avancées, en plus de ses cybertechnologies. Parmi elles, la plus extraordinaire restait l’Araignée : une unité de combat d’infanterie, rapide, légère, indestructible, agile… Surtout, incroyablement puissante.

Moi, j’avais effectivement été renversée par une Araignée la nuit dernière. Et j'avais tout perdu dans le noir : ma virginité, ma fierté, tout.

J’avais ce secret espoir de le retrouver dans le simulateur. J'avais reconnu ses cicatrices. Il avait eu la même opération que moi. Ma logique était simple : il n’y en avait pas cent cinquante-six avec ma spécialité.

Alors peut-être… qu’on serait binômes. Peut-être que ce serait lui.

Et là, je le vis.

Je vis le grade. Je lus la plaque.

Spider. Le Spider.

On l’appelait comme ça parce que peu d’hommes avaient atteint les 90 % de fusion avec la technologie qu’on leur avait greffée.

La meilleure Araignée encore en vie. Mes parents parlaient déjà de lui quand j’étais une ado qui ne servait à rien. Et maintenant, c’était lui qu’on m’avait assigné. Pour me former. Moi, qui avais encore du mal à pisser depuis ma dernière opération… Moi, on m’avait collé la légende.

Je tournai aussitôt la tête. Je me collai contre le flanc métallique de la cabine, comme si ça allait changer quoi que ce soit.

Il avançait. Calme. Lisse. Tranquille. Comme le marbre.

Il s’installa sur les sièges dos à dos réservés aux Araignées. Je restai plantée là comme une sombre idiote.

« Putain, mais qu’est-ce qui m’arrive ? Bouge. Ce n’est pas la fin du monde. … Si. Si, ça l’est. »

Je levai les yeux, en quête d’un peu de réconfort. Mauvaise pioche. Je croisai le regard d’Alice. Du mépris pur. Elle tapa du pied, furieuse, et fila vers sa cabine solo. Voilà. Elle savait très bien qui il était. Et moi, je l’avais eu.

Je baissai les yeux. Je finis par me forcer à m’asseoir.

Et c’est là que je l’entendis :

— Enchantée, recrue Athena.

Sa voix était douce. Calme. Presque familière. Il ne voulait pas m’effrayer. Mais maintenant que j’y pense… il faisait très sombre, ce soir-là. Avec un peu de chance, il ne m’avait pas reconnue…

Je levai alors la tête pour le regarder dans les yeux.

Et là, il a dit : — Je serai ton binôme pour cette opération. Prête pour la simulation, soldat ?

Eh bien non… Il voit très bien qui je suis.

Faut vraiment être un animal pour oublier avec qui on a… Bref. Quelle idiote je fais.

Il était gentil. Aimable. Avançant avec ce naturel désarmant. Et moi, j’étais là, à me tortiller comme un asticot, feignant de régler le siège.

Il reprit :

— Heureusement, ils vont nous faire commencer par un petit échauffement dans les déserts rocheux. J’adore cet endroit. Tu auras le temps de t’acclimater.

Ah, tiens, il veut parler maintenant. Mais ma nervosité ne voulait pas partir.

De toute façon… Moi, je ne veux pas parler. Et si je ne parle pas, qu’est-ce qu’il va penser ? Qu’il a raison ? Mais pourquoi ce serait à moi de remettre ça sur le tapis ? Pour qui il se prend, à faire comme si de rien n’était ?

La colère monta. Sèche. Brûlante.

Et avant même de m’en rendre compte, je lui balançai :

— Tu te souviens de moi, au moins ?

Un silence.

Il fixa le tableau de bord droit devant lui, qu’il commençait à régler, puis dit à voix basse, presque pour lui-même :

— Comment veux-tu que j’oublie ça ?

Il s’interrompit. Sourit presque.

— Bon… ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour en parler, hein ?

Puis il s’arrêta et me fixa longuement.

— Ne t’inquiète pas. L’assemblage, ce n’est pas pour aujourd’hui. Ça demande de la préparation. Ton objectif à toi, c’est de maintenir 50 % de taux de fusion avec ton nouveau corps. Pour une première mission de ce niveau, ce sera déjà très bien.

Je hochai la tête comme une demeurée. Cinquante pour cent… C’était déjà la lune pour moi.

En fait, il l’a plutôt bien pris.

Il m’écoutait. Il me parlait. Et moi, je me la ramenais ? Franchement… pour qui je me prenais.

Nous étions parés pour le départ.

Les câbles sortirent lentement des sièges, comme de longs serpents métalliques.

Dommage… j’aurais bien voulu tester l’assemblage aujourd’hui. C’est la meilleure partie d’être une Araignée…

Un homme et une femme, liés électro-neurologiquement. Synchronisés quotidiennement. Ça paraît anodin dit comme ça. Mais… Lier votre système nerveux à quelqu’un d’autre, apprendre à vous mouvoir ensemble, c’est bien au-delà de l’intimité.

Il ajouta, sur le ton de la confidence :

— Une petite astuce. Laisse une minute trente entre chaque branchement. Ce sera moins douloureux. Et ça favorisera ton lien.

Il était doux. Et c’est ça qui me désarmait le plus.

Il croyait que j’avais peur de la mission. Mais c’était lui, le problème. Lui, tout court.

Après avoir inséré les câbles tout le long de ma colonne, je sentis peu à peu une chaleur douce m’envahir. Une montée de dopamine. Cette ivresse intense des premières minutes… Avant l’enfer.

Je m’étais ressaisie. J’étais déterminée à lui montrer de quoi j’étais capable.

Et quand le simulateur nous déposa en voléoptère, au petit matin, entre les rochers… j’étais prête.

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