CHAPITRE 2 : LA LOGISTIQUE DE L’ABANDON/ ÉPISODE 13 : JE LUI APPARTIENS (MIKE)

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Avant même de savoir qui elle était, je savais que je voulais lui obéir. Elle parlait bas, mais chaque mot secouait mon cœur. Ses mains, son parfum, tout m’inspirait la perfection.

Depuis que nous avions quitté le laboratoire, après la mort de ma mère adoptive — Carole, celle qui nous avait inoculé le protocole Serpent —, nous avions été placés dans ce programme pourri de super-soldats à la petite semaine.

J’étais arrivé dans cette caserne avec mon grand frère, le beau, grand et fort Gideon. Mais personne ne voyait jamais le démon qu’il était, le tortionnaire pervers qui prenait du plaisir à faire souffrir son prochain...

Je ne comprends pas. Jeune, c’était mon roc. Il était toujours le premier à me défendre... Quand est-ce qu’il a changé ? Quand a-t-il cessé d’avoir un cœur ??

Moi, j’étais ce qu’on appelait un Snake dormant. Un Snake nul, comme aimait à le répéter Gideon. Le pétard mouillé de la fratrie. J’avais subi le protocole Snake, mais apparemment, mes nouvelles cellules ne me permettaient aucune acrobatie : ni vitesse, ni force, ni souplesse. Juste un petit gars normal à qui on faisait subir l’enfer, encore et encore, pour tenter de réveiller ces foutues cellules. Au prix de l’opération, ils ne se sont pas gênés.

Et mon grand frère, l’un des plus célèbres Snakes de tous les temps, n’a pas aidé : « On en veut un deuxième comme lui », c’est ce qu’ils m’ont balancé en face, texto.

Après soixante-deux fractures, ils ont commencé à réfléchir. Quelqu’un a enfin proposé de me laisser tranquille et de m’envoyer dans le programme régulier de sélection. On ne sait jamais, le singe pourrait apprendre à sauter un de ces quatre matins !

J’avais juste envie de mourir. Absolument plus rien ne m’intéressait... rien, jusqu’à ce qu’elle croise mon regard. Jamais je n’aurais cru que Cindy, notre formatrice, puisse me remarquer. Même de loin.

Mais après cette nuit-là...

Je traversais le couloir qui menait au dortoir. J’adorais contempler le paysage depuis le Black Train, la nuit, par ses grandes fenêtres panoramiques. Je restais exprès dans le noir pour mieux voir ce qui se passait dehors.

C’est alors que j’entendis cette voix ferme et suave me traverser les os :

— Je ne crois pas que vos performances vous permettent de vous passer de sommeil, recrue.

Elle s’approchait lentement. J’osais à peine la regarder. Juste par à-coups. Je ne pouvais pas m’en empêcher non plus.

Lorsque son parfum m’atteignit, je fus instantanément apaisé. Mes yeux commencèrent à se remplir de douces larmes de répit. Mais devant elle, je devais me ressaisir. Mes pieds nus ne touchaient plus la moquette du couloir. Les cactus, le paysage, le sable pourpre dans la nuit étaient sublimes sous cette énorme lune.

Elle posa sa main sur mon épaule :

— Recrue, puisque vous êtes là, j’ai un travail à vous faire faire. Suivez-moi.

Le cœur battant. Un travail ? Pour moi ? Peut-être que je suis spécial, après tout. Peut-être qu’à ses yeux, je vaux quelque chose... J’ai dû faire un truc bien... mais quoi ?

Elle me fit ranger des sacs de déchets biologiques dans de lourdes caisses cryogéniques toute la nuit avant de les verrouiller. Trop petites pour être des corps adultes — j’aurais parié sur des corps d’animaux de laboratoire. C’est ce que j’ai déduit en la voyant, en blouse, avec ses lunettes, tapoter sur son écran... assise seule sur une chaise pliante, au fond du hangar. Elle était si belle. Elle avait l’air si parfaite...

Au petit matin, elle posa sa main sur mon bras, juste au-dessus du coude et me dit :

— Si vous savez rester discipliné et discret, j’aurai sans doute besoin de vous pour d’autres travaux. C’est possible ?

J’étais au septième ciel. Ce train que je détestais tant était devenu mon paradis depuis cette nuit-là. Je ne vivais que pour l’impressionner. Et mes scores augmentèrent de 23 % dans toutes les catégories. Ces petites missions étaient mes seuls bonheurs. Je comptais les jours jusqu’à la suivante.

Elle était plus détendue. Et plus tactile, aussi. Je commençais à être confus, et je ne voulais pas me bercer de fausses illusions... Mais c’était plus fort que moi. Elle me motivait. Elle me rendait fort. Elle était mon idéal. Ma raison de vivre. Mon guide.

Un soir, elle me dit :

— Ce soir, tu vas passer un test. Si tu le réussis, tu partiras avec moi en mission.

C’était trop beau pour être vrai. Une mission rien qu’avec elle !! Je m’étais alors préparé à tout. J’avais même augmenté mes résultats physiques de 10 %. Je devais être plus fort.

Le soir venu, j’ai transporté les mêmes caisses cryogéniques dans un étrange endroit, vers l’arrière du train. L’accès était hautement sécurisé. Il n’y avait que moi, elle, une tranquille lumière nocturne... et la caisse, bien sûr. Nous étions sur une plateforme à l’extérieur, et il y avait un genre d’incinérateur devant moi, large comme une benne.

Elle ouvrit l’énorme coffre. Dedans, plusieurs sacs mortuaires L.I.F.E. Les mêmes que la dernière fois. Avec, sur chacun, le même symbole des déchets médicaux dangereux.

Encore des animaux de laboratoire, j’imagine. Je ne me suis même pas posé la question, en fait. Je m’en foutais.

Elle me demanda de les détruire. Ce que je fis sans broncher.

Après avoir mis le dernier, je vis alors à quel point elle était heureuse. Elle me caressa la joue :

— Enfin quelqu’un sur qui je peux compter, me dit-elle en faisant cette petite moue adorable.

Elle s’approcha tout contre moi, près de mon épaule et me chuchota à l’oreille :

— Tu sais, tu es devenu très spécial pour moi, Miki. Si tu sais comment protéger mes intérêts, alors je protégerai les tiens.

Puis elle me regarda dans les yeux. Elle avait l’air d’attendre une réponse ou une confirmation...

Je ne comprenais pas trop. Je fais déjà tout pour elle. Je lui appartiens. Elle le sait, non ?

Pourquoi elle redemande ?

Je répondis quand même :

— Tout ce que vous voudrez, madame.

Et j’eus en retour son plus beau sourire.

Elle me serra dans ses bras. Tendrement. Longuement. Assez pour que je me sente choisi.

— C’est bien, petit Miki... C’est très bien...

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