EPISODE 13 : LA CINQUIÈME ROUE DU HUMMER (ATHENA)
Je suis totalement excitée : une mission secrète en dehors du train ! Voilà ce que mes efforts m'ont permis de décrocher. Je crois qu'Alice est vraiment tombée malade, pas seulement de jalousie. Trop cool : moi, Mike, Cindy... Je ne pouvais pas rêver mieux. À part Julia — elle va me manquer. Mais Mike est super gentil, et j'adore Cindy ! Quel pied. Je me demande ce qu'on va faire.
Pour nous rendre en ville, un compartiment contenait cinq motos militaires et une rampe mobile donnant sur l'extérieur du train. Cindy nous mit en garde : le train ralentirait, mais descendre en marche restait dangereux. Elle ne voulait pas que l'un de nous deux meure — ou la fasse tuer. Elle supervisa donc notre départ, puis nous suivit de près.
Nous roulions à fond dans ces plaines désertiques. C'était sans aucun doute l'un des plus beaux moments de ma vie, surtout lorsque le soleil commença à se coucher. Personne ne disait rien...
1 240 kilomètres avalés à moto, en silence, dans ce désert rocheux vierge.
Le soir, je préparai le campement. Cindy était dehors, avec une sorte de tablette accrochée au cou, reposant sur le haut de sa poitrine : un équipement tactique. Elle travaillait en permanence dessus et pouvait tout faire à distance, les mains libres, sur commande vocale ou, pensée... Je commençais à comprendre qu'elle pouvait être un data snake. Ça collait avec son profil scientifique : capacités physiques plus limitées, mais intelligence cybernétique étendue et faculté de communiquer avec n'importe quel logiciel. Un modèle, je crois, encore plus rare et plus cher que le mien.
J'étais avec Mike. Je lui dis, en riant :
— La dernière fois que nous étions dans cette tente, elle était virtuelle, tu pleurais... et après, t'es mort...
Mais quand je vis le regard qu'il me lançait, je ravisai ma taquinerie. À la place, je me rapprochai et lui demandai s'il allait bien, en passant mon bras sur son épaule. Il ne me regarda pas, s'écarta et me lança froidement :
— Tu peux t'habiller un peu, s'te plaît ?
J'étais confuse. Je me sentis un peu bête, en débardeur et en petite culotte, mais il faisait tellement chaud... D'habitude, ça ne lui posait pas de problème. Pourquoi était-il si troublé ?
Le soir, Cindy nous briefa sur la mission. Nous devions remettre une mallette au maire de la ville, rencontrer les ingénieurs qui allaient réparer le noyau nucléaire et rapporter des conteneurs. Simple. On avait besoin d'une Araignée pour sa force, et d'un Snake pour la surveillance.
Au moment du dîner, je me risquai à faire un petit feu pour réchauffer nos rations, à l'ancienne. Cette ambiance au cœur du désert était inoubliable.
La nuit, je me levai. Ma transformation me permettait de survivre dans n'importe quel biome — désert, neige, jungle — mais le pipi, on n'y échappe pas. Je sortis un instant de la tente, histoire de me rafraîchir un peu et de profiter du silence.
Après deux pas, j'aperçus, derrière la tente, un peu plus loin vers les caissons, la botte de Mike. Tiens, lui aussi est sorti ? J'allais en profiter pour lui parler un peu et tirer ça au clair... Mais en m'approchant, je vis un pied, et un pantalon baissé à son genou. Je m'arrêtai net. Quelque chose en moi savait déjà. Pourtant, sans m'en rendre compte, je me penchai quand même, comme poussée par une force absurde.
Mon regard remonta lentement. D'abord la botte. Puis le mollet. La cuisse. Le bassin. Le t-shirt froissé... Et juste au-dessus, je croisai les yeux de Cindy, qui m'avait vue arriver. Elle était appuyée sur le caisson, le visage de Mike entre les cuisses, parfaitement calme. Son PC toujours allumé autour du cou, ses lunettes bien en place. Elle posa alors une main sur sa tête, pour l'empêcher de se tourner. Ça, c'était la gaffe de ma vie.
Je ne suis pas prude ! Mais là, j'étais vraiment prise au dépourvu. Je ne pus détacher mon regard du sien pendant quelques secondes, jusqu'à ce que je me ressaisisse et détale comme une enfant qui vient de surprendre ses parents.
Je partis vite me coucher, laissant décanter l'émotion... Bravo pour le bol d'air frais. Lorsque j'y réfléchissais, ce n'était pas grave en soi. Mais peut-être que si. Car Cindy est notre supérieure et notre formatrice... et elle se tape des recrues ? Comme si je n'avais pas moi-même couché avec Spider... J'avais vraiment du mal à m'y faire. Mike. Le petit Mike ?!
Le lendemain, comme les autres jours, Cindy restait impassible. Et moi, je savais que je devais, de toute façon, la boucler.
J'étais profondément contrariée, sans comprendre pourquoi. Cindy m'avait peut-être privée d'un ami. Mais bon... je n'allais pas gâcher une belle occasion pour si peu.
Je me résolus à cesser d'y penser et à profiter du reste du voyage.
Le lendemain, nous arrivâmes enfin en ville. Le cœur de la mission.
Après avoir passé en revue les derniers détails du plan, nous regagnâmes le hall de l'immense hôtel de ville. Un lieu aussi beau qu'impressionnant, glacé comme un mausolée.
Nous restions debout, sans un mot, dans un coin de la pièce. Presque invisibles. Comme toujours.
Mike était à mes côtés, raide comme un piquet, les mains jointes devant lui comme s'il priait — probablement en train de penser à Cindy.
Moi, je passais le temps à rassembler les souvenirs : ma sœur, mes parents, nos passages ici... Je réalisai que cela faisait plusieurs années que je n'étais pas revenue dans la ville où j'avais grandi.
Nous attendions le contingent.
Un déploiement impressionnant, pour de simples billets de train.
Et pourtant, ils avaient ordre de tirer à vue — sans sommation. Les livraisons se faisaient en convoi de quatre véhicules blindés.
J'avais appris qu'Elisabeth avait eu ses billets grâce à Josh.
Même la petite Rebecca avait sa place.
Elle s'était bien débrouillée, ma petite sœur.
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