EPISODE 17 – ITINÉRAIRE D’UNE CHASSEUSE (partie 2) (CHRISTINE)

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Je suis convoquée avec ma fille Grenadine dans le bureau de la directrice.

Assis tous les trois dans ce décor fade aux murs couverts d’affiches « Apprendre en s’amusant », le professeur prend une voix grave :

— « Il semblerait que, pendant la récréation, votre fille ait sectionné toutes les lanières des sacs à dos de ses camarades. Toute la classe. »

Après un long silence, je réponds :

— « Comment pouvez-vous affirmer cela ? Vous avez des preuves ? Avez-vous retrouvé une lame quelconque ? »

— « Heuuuuu… Non. »

Je reprends :

— « Quelqu’un l’a-t-elle vue faire ? »

— « Non plus. »

— « Alors qu’est-ce qui vous fait penser que c’est elle ? »

Le professeur, gêné mais faisant mine d’être sûr de lui :

— « Eh bien… c’est la seule dont les lanières n’ont pas été coupées ! C’est assez évident. »

Heureusement, je suis méticuleuse. Après ma phase d’observation, je sais toujours tout sur tout le monde avant de me lancer en infiltration…

Un silence. Je souris en regardant la directrice droit dans les yeux :

— « Peut-être… était-elle simplement plus attentive. Et que son petit professeur mesquin n’a finalement pas réussi à couper son sac, à elle. »

Alors Grenadine relève la tête et fixe la directrice en lui souriant à son tour.

C’est, je dois l’avouer, mon premier vrai moment de bonheur depuis trois semaines. En voyant ce petit bout de chou m’imiter, je sens monter en moi une chaleur inconnue. Maternelle…

Je reprends :

— « Personne n’a rien vu, donc il ne s’est rien passé. Vous comprenez ? »

Grenadine acquiesce fièrement.

La directrice et le professeur me regardent, bouche bée, mais toujours de manière condescendante.

Alors je m’approche du bureau et je lâche :

— « Vous voyez, c’est comme vos petites turlutes du midi au sous-directeur, n’est-ce pas, madame ? Avec un doigt dans la tarte pour le dessert. »

La directrice devient cramoisie. Le professeur bondit de sa chaise :

— « Quoi ?! Avec lui ?! »

Je me réajuste en me levant :

— « Veuillez ne plus harceler mon enfant avec cette histoire. Sinon, vous aurez affaire à mon avocat. Maître Caméléon. Il est viscéralement méchant. »

Puis je sors, la tête haute. Grenadine sautille derrière moi, ravie.

Tandis que les voix s’évanouissent dans le couloir désert, on entend :

— « Maman, c’est qui Maître Caméléon ? »
— « Je te le présenterai peut-être, si tu es sage. Mais je te préviens, il fait très peur… Dis-moi ma chérie, où as-tu caché la lame que maman t’a donnée ? »
— « Dans ma semelle, comme tu m’as dit. »
— « Ah, c’est bien ma chérie… »

la soirée arrive

Ce soir, j’ai l’aubergine à lunettes. Une chose que jamais je n’aurais imaginé devoir toucher.

Lorsqu’il pose ses lèvres mouillées sur les miennes, j’ai un tel frisson de dégoût que j’en suis transportée ailleurs. C’est ça, la vraie transcendance. Un genre de nirvana inversé.

Mais ses grosses mains potelées sont étonnamment agiles, alternant le souple et le ferme avec aisance. Ces cinq petites saucisses qui lui servent de doigts trouvent finalement leur chemin.

Si seulement il pouvait arrêter de faire des blagues. De s’excuser. Puis de s’excuser de faire des blagues. Et de faire une blague sur ses excuses !

Mais concentre-toi un peu ! Tu as une tueuse dans ton lit qui peut te régler ton compte à n’importe quel moment ! Sois présent.

Juste avant son orgasme, je m’arrête net :

— « Non, je ne peux pas, je suis désolée. »

Lui, reprenant derrière, affolé :

— « Mais si, chérie, tu peux, tu peux ! »

— « Non ! Quelque chose ne va plus ! »

Et là, nous y sommes enfin. Ce stratagème a une chance sur deux de marcher, mais avec lui, c’est facile.

Je lui dis que je ne crois plus en notre amour et que nous devons nous confier de vrais secrets — ceux qui nous mettraient en péril s’ils venaient à être révélés. C’est le seul et unique moyen de restaurer la confiance absolue, d’après l’article de magazine que j’ai sorti et posé par-dessus les préservatifs.

— « Il faut qu’on se fasse confiance avec de vrais secrets ! Sinon, il n’y a pas d’amour. Et sans amour, je ne peux pas te faire ce que tu aimes au lit… D’ailleurs, on ne pourra plus jamais rien faire, je pense… »

Après l’avoir travaillé pendant une heure et lui avoir fait miroiter des pratiques expertes, Porcinet marche presque sur le plafond :

— « D’accord… Quatre heures du matin, il n’y aura personne… Viens avec moi maintenant, comme ça tu verras toi-même que ce sont les bons codes et qu’ils marchent ! Mais d’abord, c’est quoi ton secret ? »

Je lui raconte alors comment j’ai tué et enterré le chien de la voisine sous sa balancelle. Il est comme fou, grisé !

Nous prenons sa voiture et nous nous rendons à la centrale, où nous entrons sans problème. Zaccharie nous suit, invisible, derrière.

Après avoir ouvert la dernière porte, Zaccharie, suspendu au plafond, lui arrache la trachée et jette son corps dans un coin du bureau. Nous avons la carte et les codes de remplacement. Nous allons pouvoir poursuivre selon les instructions du Maître. Mission enfin accomplie.

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