ÉPISODE 18 : LES NOCES DE L’ARAIGNÉE (ATHENA) 

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Je ne l’avais pas revu depuis la simulation. Pas un mot. Pas une apparition. Juste ce manque qui grandissait, jour après jour.

Et puis, sans prévenir, il était là. Proche. Réel dans le sombre couloir de la rame qui mène aux quartiers, comme s’il n’était jamais parti.

Un léger courant d’air m’effleura.

Je reconnus immédiatement sa présence.

Je choisis de ne pas me retourner. Je préférais le sentir ainsi, tapi dans l’ombre, comme notre première fois dans la salle de gym… Il me dit :

— Tu fais partie de l’équipe maintenant.

— Oui...

Il s’approcha plus près.

— Tu es officiellement mon binôme…

Il s’approcha encore.Je murmurai timidement :

— Oui... mais pas que sur le terrain, j’espère...

Ma respiration s’accéléra, je sentais qu’il était de plus en plus attiré, c’est ce que je voulais, ici et maintenant.

Je sentis ses longues et puissantes mains me basculer en arrière. Il m’embrassa avec passion, sa langue envahissant ma bouche avant que j’aie le temps de reprendre mon souffle. Puis sa main glissa sous mon legging pour me masser vigoureusement le sexe. J’étais coincée, incapable de bouger, et il le savait.

Ce n’était pas comme la première fois. Cette fois, il était engagé pour de bon. Il me susurra :

« Tu m’as manqué, tu sais. »

Mais ma réponse n’avait aucune importance. Il me traîna dans sa cabine — première fois que je voyais l’intérieur d’une cabine d’officier. Il baissa mon pantalon moulant et me jeta sur le lit, sur le ventre. J’étais exposée, haletante. Sa respiration se mêlait à la mienne, de plus en plus rapide. Puis il se pressa sur moi. Il était déjà en moi.

Une extase fulgurante me traversa. Ses secousses, d’abord longues et contrôlées, s’accéléraient. Chaque fois que je croyais atteindre le sommet, le plaisir montait encore. J’étais un nuage, j’étais quelqu’un d’autre. Je me mis à gémir plus fort, comme une possédée... hors de moi.

Et soudain, je l’entendis crier, affolé : « Non, non, attends ! »

Un clic. Un sifflement. Sans le vouloir, j’avais accroché mes connecteurs aux siens. Mon exosquelette se déploya : pattes, lames, tout surgit à travers mes chairs. Les murs explosèrent, le plafond éventré, le lit pulvérisé.

Puis un autre fracas : Spider, qui n’avait plus le choix, s’était transformé à son tour. L’Araignée complète venait d’être formée.

Comme je perdis conscience un instant, il put reprendre le contrôle, provoquer la rétractation des membres et nous déconnecter.

Un instant plus tard, silence.

Nous étions au sol, couverts de sang et de chair. Spider, hilare, ne parvenait pas à s’arrêter de rire malgré le choc. Et il dit :

— Bon, puisqu’on en est là, autant en profiter pour te montrer…

Il me releva et me plaça face au miroir. C’était incroyable. L’envie était toujours là, peut-être même plus forte qu’avant. Et là, je vis : deux exosquelettes robotiques enlacés, caressant leurs membres d’acier noir, seules nos têtes et quelques parties de notre corps demeuraient encore humaines. Une vision d’horreur… mais une sensation sublime. Ainsi transformée, je ne pouvais pas paniquer. Je ne me sentais plus humaine, je me sentais invulnérable à l’intérieur. J’étais la machine, forte, froide, vivante.

Quelqu’un frappa. Julia entra, choquée. Les larmes aux yeux, la main sur la bouche, elle murmura avec de grands yeux ronds : « Alors c’est ça, une Araignée... J’en avais déjà vu, mais que de loin, sautiller partout... jamais d’aussi près... » Elle prit un moment pour se remettre de la vue de tout ce sang : un exosquelette d’Araignée, c’est deux os supplémentaires repliés sur eux-mêmes dans la jambe, plus les lames. Lorsqu’ils sortent, ils n’ont pas d’autre choix que de déchirer la chair synthétique...

Puis elle se ressaisit et appuya sur le clavier de son avant-bras. Deux caissons de régénération téléguidés arrivèrent dans la pièce et s’ouvrirent. Elle s’approcha, me demanda de m’asseoir sur le bord et m’expliqua la procédure de régénération et aussi ce qui venait de se passer : nous venions juste de commencer à nous assembler, nous avions déclenché l’Araignée complète. Elle me montra les connecteurs situés de chaque côté du bas-ventre : je dois apprendre à les contrôler.

Cindy et Gideon arrivèrent et observaient de loin. Ils essayaient de ne pas avoir l’air choqués, mais c’était plus fort qu’eux. Je ne sais pas si c’était à cause de nos exosquelettes, ou parce que Spider était amusé par cette situation... mais il est vrai que l’Araignée est un engin de mort, probablement le plus fatal de tous... pas forcément un sujet de rigolade, plus un sujet de cour martiale. Spider s’excusa sincèrement auprès de tous. Il dit, le sourire au bord des lèvres, qu’il s’était laissé prendre par la passion et qu’il avait oublié que j’étais une débutante, que c’était totalement de sa faute...

Cindy et Gideon prirent un air dégoûté, non pas par la scène, mais à cause des sentiments transparents et naïfs de Spider pour moi... Ils avaient l’air de dire : « Qui tombe encore amoureux comme un jeune adolescent au point de faire ce genre de conneries aujourd’hui ? »

On nous déménagea dans une autre cabine.

Après quelques heures dans les caissons de récupération, nos corps, d’abord bleus à cause de cette gelée que Julia utilisait, redevinrent ce qu’ils étaient. J’étais encore assoupie. Spider vint frapper doucement sur la vitre de mon caisson pour voir si j’étais réveillée. Il l’ouvrit, me regarda, puis me porta, ainsi nue, sur notre nouveau lit — un lit spécialement conçu pour les couples Araignée ; cette chambre high-tech devait probablement coûter une fortune. Il murmura finalement :

— T’as bien fait de détruire ma cabine...

Je souriais, mais tout ce que je voulais, c’était dormir. Pourtant, mon esprit traçait encore, absorbé par la douleur intense des chairs déchirées par le déploiement, par le choc psychologique de me voir ainsi. Et je réalisais enfin l’ampleur de mon opération. Je comprenais que je n’étais plus la même du tout. J’avais aussi aperçu la radicalité sourde de mon engagement : pourquoi avoir choisi une voie aussi brutale, dangereuse, irréversible ? Quelle force m’avait emmenée jusqu’ici ? Je découvrais cette formidable puissance, mais aussi, caché dans la pénombre depuis des décennies, un monstre qui sommeillait au plus profond de moi... qui était réellement aux commandes...

Puis je sentis de nouveau la main de Spider me ramener vers lui... Il avait des gestes tellement doux. Il m’apaisait totalement. Il m’enroula dans ses bras, et bien que je sentisse clairement qu’il était prêt à plus d’action, il me dit :

— Je vais être cruel avec toi, mais désormais tu vas rester dormir ici. Car nous devrons faire des exercices de synchronisation en permanence, ça facilitera les choses.

— En quoi est-ce une mauvaise nouvelle ? dis-je ironiquement.

Alors il prit une voix encore plus basse :

— On ne pourra plus avoir de rapports avant la fin de ton entraînement. Ces connecteurs sont une calamité à maîtriser... Apparemment, tu es une Araignée très sensible… Ce qui est une très bonne chose pour le champ de bataille, mais cela signifie deux fois plus de discipline...

Je m’endormis ainsi, enfin en paix. Une forme de repos s’installa, comme un répit bien mérité. Enfin un semblant de vacances.

Après quelques jours, je retrouvai mon équipe, et le train allait bientôt s’arrêter. Nous étions depuis une semaine dans un tunnel souterrain sans voir la lumière du soleil.

Le soir, à la cantine, alors que je dînais avec Alice, Mike et Anton, je vis au loin les deux Snakes que j’avais rencontrés sur le chantier, en combinaison d’employés de la centrale : Zaccharie et Christine. À cinq tables de là, elle me lança un regard et me fixa dans les yeux. Elle m’avait parfaitement reconnue. Une forte angoisse me gagna. Mon cœur s'emballa.

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