EPISODE 20 : BLACKOUT (ATHENA)

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Nous étions assises toutes les deux sur le lit pendant que Mike prenait sa douche...

Je dis à Alice :

— Mais qu’est-ce qu’on fout ici ?

Elle me répond :

— Attends, tu vas voir.

Sûre d’elle. Je dois avouer que je l’ai rarement vue dans cet état-là. C’est pourquoi j’ai accepté de la suivre...

Le pauvre Mike sort de la douche, nu derrière sa serviette, et nous trouve toutes les deux assises sur son uniforme, justement...

À peine avait-il eu le temps d’enfiler son boxer qu’Alice se lève et l’agresse :

— T’étais où hier ? Réponds !

Mike ne dit rien, mais recule sous la pression d’Alice.

Je commence à trouver ce silence suspect.

Alice s’énerve :

— T’étais où hier ? T’as foutu quoi ?

Et lui, comme un âne, répond :

— Bah rien... non, rien.

Alors elle sort son écran et nous montre une vidéo d’un bus scolaire qui arrive dans le souterrain. Cindy est là pour l’accueillir. Lui descend du bus en tenue, avec sa casquette.

— C’est quoi, ça ? C’est les enfants de qui ?

Et là, Mike change de tête, s’énerve pour de bon, lui arrache l’écran des mains et le brise par terre.

Mon cœur se mit à battre soudainement. Il l’attrapa par le col et la plaqua contre le mur, réellement prêt à la frapper :

— T’occupe pas de ça. Ce sont les ordres, OK ?

J’eus à peine le temps de réagir qu’il la relâcha et partit...

On l’entendait dans le couloir crier, donner des coups dans le mur en hurlant comme un fou :

— Ce sont les ordres ! Alors on obéit !

Puis il le répéta encore, de manière obsessionnelle. Son cri résonnait dans tout le couloir, dérangeant, presque pathétique. On sentait qu’il perdait pied. Les recrues sortirent, alertées par le chaos sonore.

Je regardais Alice... mutuellement bouche bée... C’est-à-dire qu’on ne l’avait jamais vu comme ça. Depuis quand est-il aussi agressif ?

Alors on entendit un grand fracas.

Nous suivions le couloir pour nous diriger vers la cafétéria : il était passé en mode rampage et détruisait toute la cantine... terrorisait tout le monde, donnait des coups de pied dans les chaises, arrachait et jetait tout ce qu’il trouvait... Impossible de le calmer. Il n’entendait plus rien. Et il continuait de hurler, rouge de colère :

— Ce sont les ordres ! Alors on obéit !

Je tournai la tête à droite et croisai le regard de Cindy qui me fixait. Et c’est à ce moment-là qu’un éclair noir fendit l’air entre nous, traversa notre champ de vision, et stoppa net la course de Mike.

Il s’écroula.

C’était le colonel Gideon.

Il releva le corps inconscient de Mike juste pour pouvoir le frapper à nouveau :

— Bon à rien...

Avant que son corps ne retombe au sol, tout le monde avait détalé. Il ne restait que la pauvre Julia, plaquée contre le mur, tremblante avec son pain au chocolat et son café... devant ce qu’il restait de sa table. Elle devait se demander, comme nous, ce qui était arrivé au pauvre Miki...

Tout le monde était parti, mais moi, j’avais traîné, encore ma maudite curiosité. Je restais derrière le mur discrètement ; j’attendais Julia, c’était mon excuse... Et pendant qu’elle soignait Mike, je vis dans le reflet de la baie vitrée Gideon s’approcher agressivement de Cindy et murmurer :

— Je t’avais dit de pas coucher avec lui, sorcière...

Il la dominait complètement et pourtant, même penchée en arrière comme ça, elle lui rétorqua avec un doux sourire insolent :

— Justement, si.

Gideon était fou de rage. Il ne supportait pas l’idée d’être manipulé par elle à travers son frère... mais il tourna les talons en silence...

J’étais fascinée et terrorisée à la fois... Qu’est-ce qui me prenait d’espionner comme ça ? Si Cindy me voyait, ça pourrait très mal tourner. Alors je fuis doucement mais sûrement...

Quelques heures plus tard, Julia vint me voir... Je croyais qu’elle voulait me parler, mais elle voulait juste être rassurée... Je crois qu’elle était la seule à l’avoir vu venir finalement... Moi, j’avais pris ça à la rigolade... Ce mode berserk, je l’ai connu moi aussi... Mais en la voyant pleurer ainsi, silencieusement, je compris la profondeur de cette douleur... Mike avait craqué pour de vrai, ce n’était en rien comparable à mes crises d’ado... Je tâchais de la réconforter comme je pouvais.

Au final, l’ambiance de la caserne avait changé : et pour moi, on commençait à ressembler à une grande famille... Ça me rendait heureuse. J’essayais de me changer les idées, de voir le positif, de rester forte. Je me disais que, de toute façon, ce n’était pas nos oignons et qu’on était là pour obéir aux ordres. Mais clairement, Alice n’était pas de cet avis. Je la sentais prête à faire une grosse connerie. Elle refusait d’en parler...

Et puis ça m’a frappée en retournant dans ma cabine...

"C’est parce que je suis avec Spider maintenant."

C’est comme si je faisais partie du cercle des officiers sans en faire partie. Et ça, c’est vraiment une place intenable...

Ça explique le regard de Cindy ce matin...

Et aussi pourquoi je me sens plus forte et plus inquiète...

Tandis que j’étais perdue dans mes pensées, Spider me surprit par derrière et m’annonça notre première sortie... Apparemment, une faction rebelle prévoit d’attaquer le train maintenant qu’on est à l’arrêt... et je n’ai que quelques jours pour préparer ma première sortie réelle.

Il me demanda de le rejoindre dans la salle des simulateurs pour s’entraîner toute la nuit à l’assemblage de l’araignée. Ce serait une session spéciale, rien que nous deux. Il m’expliqua que c’était un moment important, une sorte de passage obligé : comprendre l’assemblage, c’était comprendre notre place dans le dispositif. Je hochai la tête, sans trop savoir si j’étais excitée ou terrifiée.

Je mis ma combinaison d’entraînement et trottinai dans le couloir lorsque je vis cette trappe ouverte...

Alors je levai la tête, curieuse. Ce devait être une des trappes qui mènent sur le toit... On peut voir l’extérieur. J’avais oublié qu’on était à l’arrêt. Toutes les trappes avaient été rouvertes. Alors je décidai de monter prendre mon premier bol d’air frais en solitaire...

Après avoir escaladé une longue échelle verticale qui menait hors du train, j’arrivai sur une plate-forme. La vue était sublime. Le soleil se couchait et je suivais ce long corridor extérieur qui longeait les wagons, comme une jetée au-dessus des arbres qui n’en finissait pas. Ça faisait tellement de bien d’être dehors.

Cela faisait vingt minutes que je marchais quand, soudain, j’entendis des voix... Une femme en uniforme noir...

Des cheveux aussi longs ? Ça ne pouvait pas être Alice. Et il y avait un homme à côté d’elle... L’ambiance devint très bizarre...

— Oh, tiens, mais c’est notre bébé araignée...

Mon sang ne fit qu’un tour. C’était Christine... Elle était si détendue et chaleureuse que je ne l’avais pas reconnue. Mais lorsqu’elle croisa mon regard, là, oui.

J’étais prise d’un vertige léger, comme la dernière fois. J’avais l’impression d’être hors du temps, comme dans un rêve... Elle avait une voix de petite fille, agréable, espiègle...

Et l’homme à côté d’elle, c’est qui ?

Il avait une présence monstrueuse. C’est bien eux que j’avais croisés sur le chantier, mais là, ils étaient frétillants et heureux. Tout était trouble. J’étais bien, mais je sentais que quelque chose n’allait pas. J’étais morte de trouille, mais à l’aise. Je détournais le regard à gauche et à droite, puis en entendant ces mots, mes yeux s’accrochèrent à l’orange violet de l’horizon. Les nuages étaient flous. Je me demandais vraiment si j’étais là ou pas...

L’homme dit :

— Attends, attends, ça y est !

Là, Christine me prit par les épaules et me dit :

— Regarde, bébé araignée, regarde bien !

Trois, deux, un...

Je vis une énorme lumière déchirer le ciel. Un souffle lointain, presque silencieux, mais si brillant que mes pupilles se contractèrent sur-le-champ. J’inspirai bruyamment, comme quelqu’un qui se réveille en sursaut... C’était la centrale. Elle venait d’exploser. L’air semblait suspendu, comme si tout refusait d’admettre ce qui venait de se produire. Le silence après l’onde de choc.

Je restai ainsi prostrée, les mains serrées sur la balustrade, avec elle suspendue à mon cou. Je sentis mes tympans vibrer, mes jambes trembler, comme si le monde s’était compressé en une seule note muette.

Elle s’était rapprochée de moi. Ses bras étaient doux, mais me clouaient. Son souffle chaud contre ma nuque me glaçait. Elle m’avait enlacée, mais pas à la manière d’un amant. Plutôt comme une mante religieuse prête à me manger la tête. Elle me murmura à l’oreille :

— Ne t’inquiète pas, bébé araignée, on a enlevé le noyau avant. Sinon, on serait morts nous aussi... hein ?

Elle riait.

Alors que je restais figée sous le choc, elle déposa un baiser sur ma joue... Et ils s’en allèrent tous les deux, tandis que je voyais la ville sombrer dans le chaos.

Et moi, je restais là, incapable de bouger, pendant que le monde finissait de brûler.

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