Mais pourquoi le sort s'acharnait-il contre elle ? Un contrôle de maths, et puis quoi encore ? Tout était si simple... Elle regarda la montre argentée qu'elle portait au poignet. Dix minutes avant la fin programmée de l'épreuve, elle prit son stylo noir et regarda l'énoncé.

« Enfin », entendit-elle.

Ah non ! Pas maintenant ! Elle secoua un peu la tête et répondit au questionnaire. Elle ajouta quelques erreurs qui lui semblaient grossières, mais normales pour les autres élèves de sa classe.

« Comme ça j'aurais exactement treize, pensa-t-elle, et l'autre ne m'énervera plus ».

Deux minutes avant la fin de l'épreuve, elle reposa son stylo devant elle, déposa sa copie au coin de la table et se remit la tête entre les bras.

Le professeur, au bord de la crise de nerfs, se demanda à combien de questions elle pouvait bien avoir répondu, sur les vingt posées. Cinq peut-être ? Il fut très étonné, en ramassant les copies, de voir le questionnaire complet, quand bien même ses camarades avaient eu tant de mal à y répondre entièrement avec tout le temps qui leur était imparti. Ce fut ainsi pour tous les autres tests. À la pause méridienne, chacun alla manger dans sa chambre. « Ça ira, se dit la jeune fille, après tout j'ai fait en sorte de régler mes notes de treize à quinze. Il ne se doutera de rien.

• Tu es sûre ? demanda une petite voix
• Vas-t'en ! »

Et la voix s'en alla. Ju n'était pas son véritable nom. En vérité, au début, ce n'était qu'une énième plaisanterie de ses charmants camarades... Mais elle se moquait bien de ce que pensait d'elle tous les autres. Puis elle avait fini par apprécier ce surnom, et par l'adopter. Tout le monde l'appelait comme ça désormais.

Elle réajusta sa mèche, cachant précautionneusement son œil droit. Elle vérifia l'état de ses vêtements, mit son stylo dans la poche, puis sortit de sa chambre en direction de la salle de classe.

Ju, Morg et tous les autres se trouvaient dans un gigantesque complexe. Là, on faisait des enfants qu'on recueillait à des âges disparates, des érudits capables de se battre pour survivre dehors. Panaam était l'un des derniers complexes du globe de ce genre qui n'avait pas encore été découvert et démantelé par les Créatures.

Alors qu'elle avançait dans les couloirs gris et ternes, Ju remarqua une présence ténue derrière elle. Ce crétin de prof la suivait ! Elle alla sans détours jusqu'à la salle, faisant mine de ne pas avoir remarqué l'homme. Elle s'assit à sa place et s'avachit sur sa table. Un de ses idiots de camarades ne trouva rien de mieux à faire que de lui renverser un verre d'eau glacée sur la tête. Elle se leva, cherchant le coupable des yeux, lorsque la porte s'ouvrit.

Morg était encore en train de se demander si la brunette l'avait aperçu quand il ouvrit la porte. Une autre question s'apposa à son esprit, et il la cria sans ménagement :

• Mais qu'est-ce qui se passe ici ?!

Tout le monde sembla s'arrêter pendant une demi-seconde, comme des statues. Un garçon aux cheveux bruns courait vers la porte, un verre vide à la main. Ju, trempée, était debout, et regardait d'un œil haineux ses camarades. Certains rigolaient discrètement.

Puis tous sans exception se tournèrent vers le professeur, surpris ou complètement terrorisés par cette arrivée inattendue. Ils arrêtèrent leurs bêtises. Morg fit la remontrance du siècle au petit malin, avant d'emmener la classe en sport, décidant que ça les calmerait un peu. Ju alla se changer et arriva juste avant le début des explications du professeur.