Course d'endurance
Calme, il fallait rester calme ! Ju était repartie le plus vite possible dans sa chambre pour se changer, et maintenant elle tentait de calmer ses nerfs qui semblaient sur le point d'exploser. Elle voulait bien supporter pas mal d'ignominies, mais là, s'en était trop ! … Non ! Elle devait se calmer ! Surtout rester lucide ! Inspirer. Des étoiles dorées. Expirer. La fumée noire de ses soucis... Quand elle parvint à reprendre un état stable, elle arrêta l'exercice. La petite voix dans sa tête qui menaçait de prendre la contrôle disparut, et elle se dépêcha de rejoindre sa classe.
- Vous allez courir autour du stade à différentes allures, expliqua le professeur, vous allez partir, un par à un, à trente secondes de décalage. D'accord ? On commence à six kilomètres heure, puis de plus en plus vite. Pour ça, vous devez remplir un temps de référence pour chaque tour à chaque vitesse. Si vous êtes trop lents, vous ne faites pas la série d'après. Je veux pouvoir mesurer vos performances, vos limites. Des questions ? Non ? Dans ce cas, c'est parti !
Les élèves qui n'avaient pas réfléchi avant de courir épuisèrent rapidement leur force et leur endurance, y compris quand celle-ci était grande. Ceux-là s'arrêtèrent entre huit et onze kilomètres heure. Cependant, certains élèves savaient réfléchir, et étaient restés au rythme nécessaire pour passer, mais pas plus. Morg eut ainsi l'occasion de vérifier qui réfléchissait avant d'agir, et qui agissait avant de penser à quoi que ce soit...
Parmi les quelques élèves qui restaient encore à treize kilomètres heure, on comptait Ju. En plus d'avoir une bonne endurance, elle avait très vite compris que le but n'était pas de courir à fond dès le début de l'exercice. Elle courut son tour à quatorze kilomètres heure, et arriva avec cinq secondes d'avance sur le temps de référence. Ça devenait juste... Quand ils arrivèrent à seize kilomètres heure, ils n'étaient plus que trois. Ju essaya de se rappeler du prénom de ses camarades. Il y avait ce petit brun vif qui était arrivé d'Espagne trois ans auparavant... Esperanzo ? Oui, c'était ça. L'autre était une armoire à glace, blond, les yeux d'un bleu très clair, qui venait d'Allemagne et qui avait intégrer sa classe quand il avait onze ans. Dimitri, peut-être ? Ah non ! Ça lui revint. Lukas ! Même si elle était la seule fille, elle ne se laisserait pas marcher sur les pieds !
Même si elle le cachait bien, Ju savait, au fond d'elle-même, qu'elle détestait perdre face aux autres. Elle devait se contenir à chaque test pour ne pas répondre juste à toutes les questions, puis à la correction de ne pas hurler qu'elle le savait, qu'elle l'avait fait exprès ! En fait, elle devait s'empêcher ne serait-ce que de parler. Mais tout cela semblait facile à faire, quand elle pensait aux probables conséquences, si jamais quelqu'un découvrait son terrible secret. Il ne fallait surtout pas que cela arrive ! Seulement voilà, en sport, elle se laissait parfois prendre au jeu... jusqu'au moment où elle se rendait compte que ça devenait dangereux et qu'elle allait sortir des limites qu'elle s'était imposées.
Elle continua de courir jusqu'à vingt kilomètres heure, puis vingt-trois. Les garçons ne lâchaient toujours rien. Elle pensa à sortir le grand jeu... avant de se rappeler immédiatement après que c'était suicidaire. Effrayée par le fait d'avoir penser à ça, elle ralentit imperceptiblement au tour d'après, pas assez pour que ça se remarque, mais juste pour ne pas être dans les temps. Le professeur la regarda avec un regard septique, comme s'il avait compris qu'elle pouvait faire bien mieux. Elle simula l'essoufflement pour paraître plus crédible. Il détourna le regard et regarda les garçons faire leur dernier tour. Puis ils rentrèrent en classe, se dirent au revoir et retournèrent dans leurs chambres.
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