Réminiscences

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Une journée ! C'est le temps qu'il avait fallu à Morg pour voir la couleur des yeux (ou du moins de l'oeil gauche, mais il supposait que les deux étaient de la même couleur) de cette « Ju ». Quand elle était arrivée en retard de quelques secondes à son dernier tour, elle l'avait enfin regardé. Et il avait vu quelque chose qu'il ne regrettait pas d'avoir vu. L’œil de la brunette avait une couleur très particulière, d'un bleu qui virait au turquoise, entouré de vert. C'était très joli. Morg sortit de ses rêves éveillés et commença à corriger les copies.

Les notes différaient souvent beaucoup selon les matières pour chaque élèves. La plupart viendrait en soutien, au moins pour une matière. Étonnamment, la jeune Ju avait réussi à obtenir au moins treize à tous les contrôles. Elle avait pourtant tout fait à dix minutes de la fin à chaque fois. Mais comment ? Morg décida de se poser la question une autre fois. Et puis, ses résultats n'étaient pas excellents. Il regarda les copies du roux à lunettes du premier rang. Paul. Lui, par contre, avait de sacrément bons résultats ! Il ne lui manquait pas grand chose pour faire le score parfait ! Dommage pour lui qu'il soit si mauvais en sport... Il allait devoir aller en maintien physique. Finalement, seuls quatre élèves éviteraient le soutien pour cette première période. En lui-même, Morg se jura de découvrir le secret de la jeune fille du troisième rang. Il y avait définitivement quelque chose chez elle qui clochait.


La demoiselle au cheveux bruns réfléchissait patiemment sur son lit. Elle avait pris des risques cet après-midi, et ce sans même vraiment s'en rendre compte. Elle ne devait plus jamais recommencer ça ! Sinon, elle était sûre qu'elle passerait les limites, et révèlerait tout ce qu'elle avait toujours eu tant de mal à garder caché. Monsieur Fidz lui manquait. Lui au moins la comprenait. Il ne l'obligeait pas à faire des tests idiots et simples comme bonjour, ce qui l'obligeait à mentir sur ses capacités. Il ne l'obligeait pas non plus à dire son nom, ni même à lui parler. Il acceptait sa différence sans poser de questions. Ce Morg devait être un arrivé de fraîche date. Sinon, il aurait su que tous les élèves d'ici ont leurs petits secrets. La plupart étaient des orphelins arrivés ici par miracle, ou transférés d'un autre établissement, trop menacé par les Créatures pour continuer d'héberger qui que ce soit.

Ju pensa alors au jour où elle était arrivée ici. Peut-être un peu trop d'ailleurs. Elle se retrouva coincée dans son souvenir. « Ça faisait longtemps... » pensa-t-elle. Mais elle se laissa aller dans ses réminiscences. Et elle observa. Elle était de retour dans les Ruines. Avant, il y avait eu une ville ici. Maintenant, ce n'était plus qu'un champ de pierres, de maisons démolies, de poussière et de sable rougeâtre. Tout était rouge et gris. Une petite courait dans les Ruines, fuyant quelque chose derrière elle. Des larmes coulaient le long de ses joues. Elle continua de courir.

Ju fut alors projetée devant une grande porte en fer, censée être invisible. La petite fille, courant encore, se protégeait la tête. D'étranges rayons verts et bleus la frôlaient de tous côtés, mais sans parvenir à la toucher. Elle atteint la porte et frappa des deux poings dessus, le plus fort qu'elle put. Une main, gigantesque comparée à la taille de la petite, l'attrapa et la prit de force à l'intérieur.

Ju fut téléportée à l'intérieur. L'homme détaillait la fillette des yeux. Lui, faisait bien un mètre quatre-vingt. Il avait une barbe de quelques jours et des cheveux noirs très courts. Ses yeux étaient marrons et contrastaient fortement avec sa peau, très pâle. La petite fille le regardait, pas effrayée le moins du monde. Elle semblait plutôt... interrogative. Ju regarda son ancien-elle. Son alter-ego de quatre ans mesurait à peine un mètre. Elle avait déjà les cheveux longs et d'un brun presque noir. Sa robe grise était recouverte de poussière et de taches de sang séché. Le grand homme prit sa petite main dans la sienne et l'emmena avec elle. Le souvenir s'estompa. Et Ju put enfin revenir à elle-même. Épuisée par ce retour en arrière, la jeune fille se coucha tôt, et s'endormit très rapidement.

La semaine qui suivit fut lente. Très lente. Les cours l'ennuyaient, et comme il pleuvait, elle ne pouvait pas se défouler en sport. Ce dimanche là, elle faillit faire exploser sa salle de classe, quand le petit malin qui l'avait aspergée la semaine passée vint vers elle, feignant de vouloir s'excuser, et fit tomber son pot d'encre sur sa table, dégoulinant partout autour d'elle. Le professeur, voyant qu'elle était hors d'elle et incapable de se calmer, lui conseilla de retourner dans sa chambre jusqu'au lendemain. Elle resta dans son lit à méditer, sans réussir à trouver le sommeil avant tard dans la nuit.



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