Match

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Le salon baigne dans une lumière miel, tamisée par un abat-jour en lin au-dessus de la table basse.
Un vieux tapis persan s’étire sous leurs pieds nus, bordé par deux fauteuils ronds et un canapé un peu affaissé, moelleux comme un nid.

Sur les murs, des affiches de vieilles expos — Mucha, Klimt, un poster usé de Blade Runner — se mêlent aux étagères chargées de livres cabossés, de figurines articulées et de cailloux ramenés de voyages.
Une bougie brûle sur la console, diffuse un mélange d’oud et de bois fumé qui flotte jusqu’aux rideaux crème.

Ariane est affalée dans un coin du canapé, ses hanches calées contre un coussin grenat, jambes croisées haut.
Sa robe en maille verte glisse sur son épaule.
Ses cheveux brun miel tombent en cascade, un peu emmêlés.
Elle arbore ce sourire en coin, mi-amusé mi-carnassier, qui apparaît toujours quand elle explore un nouveau terrain de jeu — même si pour l’instant, il se limite à son téléphone.

23h48. Je tourne en rond sur Adopte pour tromper l’ennui.
Franchement, si je vois encore un mec en selfie dans sa salle de bain, je me désinscris direct.

Et puis… Élias, 42 ans.
Photo un peu sombre, décor de rayonnages pleins de SF, fauteuil club fatigué.
Un autre cliché le montre avec un verre de whisky, un sourire rare au coin des lèvres — genre il a déjà décidé qu’il n’expliquerait pas la blague.

Sa bio me fait lever un sourcil, puis éclater d’un petit rire :

« Casanier épicurien, architecte de mondes imaginaires, micro-gourou du vinyle.
Collectionne les cartes (anciennes et mentales), préfère la vérité frontale aux promesses molles.
Cherche amazone érudite, capable de gloser sur Dune puis de me surprendre avec une hypothèse byzantine. »

Oh.
C’est pointu, un brin prétentieux, mais drôle.
Ça sent le type qui réfléchit trop, qui se protège derrière Pausanias.
Exactement le genre que j’adore titiller, juste pour voir combien de temps son détachement tiendra.

Je souris pour moi-même.
Allez, je swipe.
Pas parce que je suis touchée — plutôt parce que je flaire un terrain de jeu mental qui promet quelques passes d’armes délicieuses.
Et puis, au pire, si on fusionne nos bibliothèques, ça finira en after.

Ok, Ariane. Pas de grand élan. Pas de phrase alambiquée à la Tacite.
Juste un petit trait, histoire de montrer que t’as capté ses marges et que t’as envie de tester son humour.

« J’aurais pu swiper juste pour Tacite & Le Guin. Mais tes marginalia me donnent envie de garder la gomme à portée. »

Ça suffit. Ni trop mielleux, ni trop sec.
Je tape, j’envoie. Pas de cœur qui galope, pas de drama.
Je ferme l’appli, je me verse un verre d’eau.
Je suis juste curieuse de voir si ce cartographe saura tenir la distance. Pas plus.

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