Ping-pong
Notification.
Je souris déjà rien qu’en voyant son pseudo. Puis je lis.
Et je me fige — c’est à la fois élégant et outrageusement clair, sous couvert de belles phrases :
« Je crois que si je devais choisir entre Tacite et toi,
je prendrais la version qui tremble quand je la touche.
Mais je garde Tacite pour après, au lit, histoire de prolonger la soif. »
Je reste le téléphone levé, sourcil haussé, bouche entrouverte.
Ok, monsieur veut clairement me faire grimper aux rideaux — mais il le dit avec trois subjonctifs et un clin d’œil de bibliothèque.
Je tape tout de suite, plus piquante que prévu :
« La version qui tremble a besoin qu’on la fasse un peu languir.
Sinon elle se lasse vite.
Et Tacite au lit, vraiment ? Tu risques de finir seul avec ton livre pendant que je glisse ailleurs. »
Élias
« Oh, mais glisser c’est tout ce que je demande.
Du moment que ça se fait sur moi avant de filer hors des draps.
Pour le reste, je peux te promettre qu’aucune page ne restera froide. »
Putain, ce type parle comme un salon littéraire sous acide.
Et chaque mot me donne envie de sa main sous ma jupe.
« Tu sais que tu pourrais dire : ‘passe-moi le sel’, et ça sonnerait encore comme une proposition indécente ?
T’as un vrai don. »
Élias
« J’ai surtout envie de le vérifier avec tes genoux de chaque côté de mes hanches.
Je parie que ça change un peu la diction. »
Mon ventre se contracte.
Ok, là c’est frontal — mais toujours habillé de cette plume dangereuse.
« Possible.
Encore faut-il que tu saches lire sans baisser les yeux au mauvais endroit. »
Élias
« Ou que je les baisse exactement où il faut. »
Je referme l’appli, le téléphone encore chaud dans ma paume.
Lucy me regarde par-dessus son mug, jambes repliées sous elle, laptop sur les genoux.
« Bon ? T’as la tête de celle qui vient d’avaler une réplique bien salée. »
« Ce mec arrive à me dire qu’il veut me baiser sans jamais employer un mot cru.
Ça passe par des bouquins, des pages, des genoux, des tremblements…
C’est encore pire. Ça file direct dans mon bas-ventre. »
« Normal. C’est du dirty talk pour intellos.
Avec toi, c’est le seul cheat code qui marche à tous les coups. »
Je roule des yeux, mais un sourire me trahit.
Je fais défiler l’écran, relis son « je parie que ça change un peu la diction ».
Un frisson. Je croise les jambes plus fort.
« Il me sort qu’il veut que je glisse sur lui. Et moi je réponds du tac au tac.
C’est léger, classe… et je crois que je suis déjà en train de construire l’après.
Putain, j’suis pas censée. »
Lucy pose son mug, me fixe avec un petit sourire carnivore.
« Si. T’es exactement censée.
Et tu vas adorer détester ça. Alors continue. »
Je secoue la tête, m’enfonce dans un coussin.
Lucy tapote mon genou, faussement compatissante, puis retourne à son écran.
Et moi je rouvre l’appli, déjà prête à replonger.
Ariane relit le dernier message d’Élias, un petit sourire étire sa bouche sans qu’elle s’en rende compte.
Lucy claque son laptop, le pose sur la table basse, puis la fixe sans pitié, coudes sur les genoux.
« Tu sais que t’as un sourire de chatte repue, là ?
Sauf qu’en vrai, t’as encore rien goûté. »
Ariane pouffe, balance son pied pour la chasser, mais Lucy attrape sa cheville, la retient un instant, la regarde droit dans les yeux.
« Ari… arrête de faire semblant.
Ce mec te plaît.
Pas juste parce qu’il aligne des subjonctifs et fantasme sur les hanches antiques.
Il te plaît parce qu’il parle comme si ton cerveau et ton cul étaient branchés sur la même prise. »
Ariane grimace, détourne le regard.
« C’est peut-être juste… un jeu. Un ping-pong textuel pour occuper mes soirées. Je gère. »
Lucy hausse les épaules, se rassoit, ton neutre qui glisse vers le taquin :
« Ouais, ouais.
En attendant, t’en es déjà à la sixième relance de la journée, à répondre avec trois points de suspension pour bien faire monter la sauce.
Alors pourquoi pas l’after IRL ? »
Ariane soupire, lève les yeux vers le plafond, comme pour y chercher une réponse.
Ses hanches roulent presque malgré elle contre le coussin.
« Et s’il me saoule ?
S’il est juste un geek socialement maladroit ?
Ou pire… s’il est excellent, et que ça me fait perdre la haute main ? »
Lucy glisse un petit sourire carnivore :
« Dans les deux cas, t’auras ta réponse.
Et arrête ton cinéma de Vénus invincible : ça te ferait pas de mal de perdre la haute main une nuit ou deux. »
Ariane la fusille du regard, éclate d’un rire nerveux.
Ses doigts pianotent déjà l’écran du téléphone, comme si son corps avait décidé pour elle.
Lucy se relève, tasse à la main :
« Allez, propose-lui un café. Terrain neutre, plein de gens, pas d’obligation.
Si c’est nul, tu rentres te branler en pensant à ses messages.
Win-win. »
Ariane ricane, secoue la tête :
« T’es vraiment la pire. »
« La meilleure, tu veux dire. Je t’achèterai même les croissants pour ton debrief du lendemain. »
Ariane soupire, son pouce se cale sur l’appli, déjà prêt à ouvrir la conversation.
Son ventre frémit d’un truc entre l’excitation et le trac.
Elle tape :
« Tacite c’est sympa, mais on pourrait peut-être lui laisser sa bibliothèque pour une heure ?
Un café, cette semaine ? »
Elle balance le téléphone sur le canapé, ferme les yeux comme si elle venait de sauter du haut d’un plongeoir.
Notification.
Ariane se redresse, un frisson court le long de sa nuque avant même qu’elle ait ouvert le message.
Elle lit.
« Un café ?
J’allais justement te proposer de troquer les marges contre une vraie tasse de Volcan salvadorien, pour voir si ton sourire tient toujours quand tes mains ne tiennent plus un clavier. »
Petite pause. Trois points. Puis :
« Et pour être honnête, je suis curieux de vérifier si la courbe de ta nuque est aussi éloquente que celle de tes phrases.
(Je me contenterai d’un café noir. Pour le moment.) »
Ariane sent son ventre se contracter — pas de panique, juste cette vague qu’elle connaît trop bien, quand le corps précède la tête.
Elle ricane pour elle-même, puis tape, déjà décidée :
« Va pour le café.
Mais sache que ma nuque parle surtout quand on la regarde trop longtemps.
Je décline toute responsabilité si ça finit par te donner soif d’autre chose. »
Puis elle balance le téléphone sur le canapé, se laisse retomber contre le dossier, un sourire vissé aux lèvres malgré elle
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