Mercredi 19 h 53
Sur la console, le tote-bag pâle repose ; un triangle de coton blanc dépasse encore du Bedos-Rezak.
Dans le salon, une ampoule ambre inonde la pochette glacée de Chet Baker, tandis que l’unique parfum du Lapsang en infusion flotte, fumée, presque épicée. Ariane baisse le volume.

20 h 01
— « Cinquième, porte gauche. »
L’ascenseur halète, la grille claque, trois coups secs.

Élias apparaît : veste de lin anthracite, chemise entrouverte.
— « Mon otage médiéval réclame des arriérés ? »
— « Je l’amadoue au thé fumé. »

Ils s’enfoncent dans le canapé lichen ; un coussin grenat trace une frontière légère.
— « Lucy n’est pas là ? »
— « Elle ferme le bar jusqu’à minuit ; terrain libre. »

Le livre change de mains. Deux phrases érudites, étincelle de connivence ; le coussin tombe. Le vinyle tourne ; Élias se penche pour le retourner, raidissant l’atmosphère.

Premier baiser : rosée. Deuxième : plus sombre, langues avides. Ariane passe à califourchon, arrache son tee-shirt ; la dentelle claire tranche la pénombre. Les doigts d’Élias déboutonnent son jean ; le zip s’ouvre dans un soupir. Elle pousse le denim aux genoux : culotte en tulle champagne. Elle se soulève ; Élias glisse la lingerie jusqu’aux chevilles, dévoile la chair luisante, effleure le pli de sa langue.
— « Sa place est dans un musée. » souffle-t-il, lèvres toutes proches.

Sa bouche ventouse son clitoris. Deux doigts s’enfoncent, paume tournée vers le haut. Cadence obstinée qui pulse contre le point rêvé. Le souffle d’Ariane se déchire, ses mains crèvent le velours.

Deux coups de langue plus pressants…

Grincement brutal de la cage d’escalier, pas rapides, clefs qui tintent. Les corps se figent ; Élias retient son souffle, toujours collé à elle. Ariane se contracte, une sueur froide perle entre ses omoplates. Silence absolu. Elle expire, tremble : « Continue… »

Il replonge. Chaque succion arrache un gémissement plus profond.
— « Je… » sa phrase se brise.
Son bassin s’arque ; Élias serre le bourgeon. Le sang cogne à ses tempes comme un tambour taiko ; son cri heurte le plafond, un écho se tord dans le sillon du vinyle. L’orgasme la terrasse en rafales salées, qu’il avale jusqu’au dernier spasme.

À genoux, il relève la tête, lèche son propre doigt ; la lumière ambre lustre ses lèvres. Ariane s’effondre, fièvre au front, cœur au galop. Elle remonte la culotte à mi-cuisse. Ses yeux tombent sur le livre : le triangle blanc dépasse, taché d’une goutte ambrée.

— « On devrait cataloguer ta technique… » murmure-t-elle.
Il embrasse le creux de son épaule, referme vaguement sa chemise.

— « Je te rends ton prisonnier avant qu’il ne me traite d’hérétique. »
Élias cale le volume sous son bras, noue le ruban émeraude.
— « Tartare à la brasserie ? »
— « Parfait. » Elle chausse ses baskets, saisit ses clés. « La prochaine fois, je dessinerai la carte. »
— « Et moi, je chercherai les pièges. »

La porte claque. Dans l’escalier, leurs cœurs battent plus vite que leurs pas.

-

La semaine s’étire en éclats phosphorescents de notifications : entre deux réunions, Ariane dégoupille des gifs 16-bits et des clins d’œil érudits ; Élias réplique avec des marginalia scannées et des plans de boss secrets. Chaque vibration de smartphone réactive la morsure laissée par sa langue sur son clitoris ; chaque émoji-manette lui rappelle qu’il croit encore pouvoir tenir la manette.

Vendredi, 21 h – « Streets of Rage 2 chez moi ? » tape-t-il. Ariane lève les yeux de son clavier : c’est elle qui dessinera la carte, cette fois. Elle portera la jupe constellée et le tanga noir glacé – tenues de conquête. Son sourire s’aiguise : Player 1 changera de côté, et il ne verra pas le glitch venir.