Retro-gaming

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Le thé Yuzu fumait encore lorsqu’Ariane franchit la dernière marche. Du bout du pied, elle repoussa un Joystick puis, à l’emplacement libéré, posa son gobelet. Élias haussa imperceptiblement les épaules.

La porte se referma ; Ariane huma l’odeur mêlée de papier ancien et de résine chauffée. Elle avisa sur le mur plusieurs tirages d’Ilya Rashap — des femmes nues ou en lingerie, capturées de dos, éclairées comme des pixels vivants. Sourire carnassier, elle lança : — Qu’est‑ce qu’il y a comme culs chez toi !

Élias, dans la pénombre verte de la lampe‑banque, esquissa un haussement de sourcil. — J’aime les beaux cadrages, glissa‑t‑il. Si tu veux enrichir la galerie, la place d’honneur t’attend.

Il lui tendit une manette Mega Drive ; leurs doigts frôlèrent la jointure, promesse d’instabilité intérieure. Ariane sentit le pouls d’Élias s’emballer et jubila : déjà à sa merci. Pas de nuit complète, avait‑elle décrété ; seule une envie au bord de la rupture méritait la suite.

Ils s’enfoncèrent dans le canapé club étroit ; leurs cuisses déjà en combat rapproché. Ariane pivota, souleva un pan de sa jupe constellée, révélant furtivement l’éclat satiné de son tanga noir : le nylon glacé effleura la toile rêche du jeans d’Élias, lui arrachant une déglutition sèche. Au même instant, une chaleur sourde irradia son bas‑ventre et une micro‑décharge crépita au creux de ses reins. Il fixe, je commande.

L’écran cathodique lança Streets of Rage 2 en couleurs pastel. Épaule contre épaule, ils s’affrontèrent : Ariane improvisait quand Élias micro‑optimisait, et leurs jauges de vie se talonnaient. Elle buvait ses micro‑réactions : la perle de sueur à sa tempe. Chaque signe validait sa prise de contrôle.

Premier boss abattu ; Ariane bascula le petit sablier. — Gage : changeons de place.

Elle se glissa sur ses genoux, amazone inversée, dos à Elias. Le tissu léger effleura la peau nue d’Élias ; la cadence du jeu épousa la sienne. Son propre regard, caché à la caméra masculine, pétillait : Tu joues sur ma map, joueur 2.

Ariane suspendit le mouvement, maintenant son bassin à un souffle du sien ; l’air vibra d’une tension statique, dense et presque audible. Elle respira sa fébrilité : son propre désir palpitait, tenu en laisse, tandis qu’Élias demeurait immobile, souffle court, yeux écarquillés. Le temps se dilata, puis, d’un frémissement calculé de hanches, elle relança la partie — mais à ses conditions.

Un crépitement sec coupa net la bande‑son ; l'écran cathodique se figea, Axel pixelisé dans un arrêt sur image. Le câble péritel venait de se désenclencher. Ariane, toujours juchée sur ses genoux, se cambra légèrement, dévoilant le haut de son tanga pour le désarçonner ; Élias laissa échapper un soupir. Elle laissa filer un tsss et le maintint en apnée. Elle effleura le connecteur du bout des ongles, le laissa hors‑prise un battement de plus, puis le rebrancha d'un clic décidé. Sans prévenir, elle reprit sa chevauchée, implacable.

Le sablier vida son dernier grain ; Élias perdit la manche suivante. Ariane quitta le canapé, genoux amortis par le tapis persan, posa la manette près de la théière, puis se retourna, gorge vibrante : — Ready Player One.

Elle effleura la fermeture éclair, releva les yeux ; dans le halo vert, elle vit son émoi brut. À moi, le high‑score. La pointe de sa langue dessina une arabesque lente avant de l’engloutir d’un mouvement sûr. Une vague saline envahit aussitôt ses papilles. La peau lustrée vibra contre sa langue, un spasme discret serra son ventre, qu'elle réprima d'une inspiration ferme. Sa paume soutenait sans presser, métronome muet réglant la cadence. Un courant sourd vibrait dans ses hanches, retenu comme une dynamo sous tension. Elle alterna accueils paresseux et accélérations soudaines au rythme 16‑bits, guettant les ondes qu’elle déclenchait. Chaque râle la nourrissait ; elle sentit son propre désir enfler mais le contint, reine clémente reportant son festin.

Dans sa caméra mentale, Élias superposa les barres de vie clignotantes aux battements qui cognaient dans sa cage thoracique ; il agrippa le rebord du canapé, persuadé que le prochain flash le ferait exploser en pixels.

Ariane releva la tête, un éclat conquérant au coin des lèvres, soutint le regard enfiévré d'Elias.

Elle le termina d’un va‑et‑vient impérieux ; Élias se répandit dans un râle ; un glitch stroboscopique éclata contre le cuir, suivi d’un soupir rauque — un acquiescement muet.

Elle, brasier contenu sous une mer calme, sentit la victoire vibrer sous sa cage thoracique. Pas aujourd’hui, se promit‑elle. Je garde cet orage pour moi.

— Game over, Player 2, murmura‑t‑elle.

Elle se redressa, rejeta ses cheveux en arrière, lissa la jupe, ramassa la manette. Avant de tourner les talons, elle pinça l’ourlet, souleva la jupe d’un seul geste et exhiba la courbe pleine de ses fesses — Musée, vendredi, intérêts composés, prévint‑elle, souveraine.

Puis elle s’éclipsa dans l’escalier. Dans le silence retrouvé, Élias sentit encore la brûlure de sa domination, tandis que sur l’écran, Axel restait figé en posture de garde – comme lui.

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L’ascenseur grince ; Ariane s’envole, joues d’un rose insolent. L’écho de la défaite d’Élias – un râle pixelisé dans le cuir – pulse encore entre ses cuisses Nouvelle assemblée . Elle dévale l’escalier, jupe battante, le cœur martial d’avoir repris la haute main.

Porte claquée, verrou tourné : déjà sa paume cherche son Coco. Dix minutes, un seul réglage, l’orgasme la traverse comme un flash blanc, net, brutal – juste de quoi tenir le siège. Allongée, haletante, elle pianote :

« Vendredi prochain, 19 h – Musée. Prépare ton regard. »

Une semaine : c’est long pour un corps encore strié d’étincelles, court pour affûter un nouveau piège. Ariane ferme les paupières ; la braise sous sa peau fredonne déjà le rythme sourd du futur projecteur, là-bas, dans la salle vidéo où le Birth of Love attend de passer en boucle.

Game over, Player 2 ; prochain niveau : art et obscurité.

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