Trois semaines plus tard

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Paris leur sert de terrain d’entraînement.
Leurs pas s’y croisent, s’y attrapent, s’y consument.
Un café du 9ᵉ, où Élias la dévore du regard pendant qu’elle feint de s’absorber dans un roman dont elle ne retient pas une ligne.
Un comptoir un peu trop haut où elle s’assoit, jambes croisées, pendant qu’il glisse ses doigts sous sa jupe — juste assez pour effleurer la ligne tiède qui la rend déjà folle.
Une librairie, poussière noble et papier glacé, où elle s’appuie contre une étagère pour mieux sentir son épaule, pendant qu’il feuillette un incunable dont le titre s’efface aussitôt.

Pas de grandes déclarations. Pas de contrats signés.
Juste un désir devenu routine — brut, précis, parfois presque attendri.

Puis, au détour d’une soirée, Élias lui annonce qu’il part pour un colloque, quelque part à l’autre bout du pays.
Son ventre se contracte immédiatement, ses cuisses se pressent l’une contre l’autre comme si elles avaient déjà compris le manque à venir.
Alors c’est sorti, sec, sans réfléchir, un sourire carnassier au coin de sa bouche :
— « Pas d’orgasme jusqu’à ton retour. Ni toi, ni moi. Promis. »

Il avait ri, bas, son front collé au sien, sa main déjà sur sa nuque.
— « Tu vas exploser avant moi. »

— « On verra. »
Sa voix avait vacillé, à peine, mais il l’avait sentie, son sourire s’était élargi.

Lucy, jour 4

Lucy débarque dans l’appartement comme un chien fou, totebag débordant de bouteilles bio et laptop déjà ouvert sous le bras.

Ariane est vautrée sur le canapé, un coussin contre son ventre, les jambes repliées sous elle — posture d’animal blessé qu’elle ne maîtrise pas.

— « Putain Ari, t’as une tête… On dirait que t’as oublié comment on respire. »

— « Ferme-la. Je bosse trop, c’est tout. »

Lucy éclate de rire, l’attrape par la cheville, la tire pour la déséquilibrer. Ariane se tortille, mais finit aplatie sur le dossier.

— « Bullshit. T’as la bouche d’une gosse privée de dessert. Et tes cuisses, elles me racontent tout. »

Ariane ferme les yeux, soupire longuement. Puis elle lâche, presque honteuse :
— « On s’est fait une promesse. Pas jouir tant qu’il est pas revenu. Pas même un doigt. »

Lucy arque un sourcil, son sourire s’élargit, presque carnivore.

— « Oh mon dieu… mais c’est incroyable. Vous êtes deux ados brillants qui préfèrent signer des pactes de non-agression plutôt que dire que vous êtes ensemble. »

Ariane grogne, planque son visage derrière un coussin. Lucy lui flanque une tape dessus.

— « Quoi qu’il en soit, tu ne seras pas là le week-end prochain. »
Un clin d’œil entendu qu’elle regrette aussitôt.

Lucy plisse les yeux, siffle entre ses dents.

— « Putain… vous êtes irrécupérables. J’espère au moins que tu le fais saigner un peu. »

Ariane ricane, un son cassé.
— « C’est réciproque. »

Lucy éclate d’un rire sonore, tape le dossier du canapé.

— « J’adore. Continuez votre petite tragédie sexuelle. Ça me fait mes soirées. »

Salle de bain, jour 6

Le miroir est brumeux, taché d’auréoles. La buée n’a pas encore décidé si elle allait masquer son reflet ou le dévoiler tout entier.

Son téléphone vibre sur le rebord du lavabo.

Élias :
« J-2. J’en crève déjà.
Dis-moi que tu tiens.
Ou mens-moi. »

Ses cuisses se contractent aussitôt, un soupir lui échappe.
Elle pose le téléphone à plat, loin d’elle, comme s’il était radioactif.

Puis son regard glisse sur la boîte noire posée à côté.
Elle hésite.
L’ouvre.

Le plug repose là, petit bijou d’acier, émeraude insolente qui lui renvoie son propre regard trouble.

Ariane le prend, le fait tourner dans sa paume. La pierre pulse, froide au début, puis tiède déjà — est-ce sa main ou son ventre qui la chauffe ainsi ?

Elle écarte un peu les jambes, sa robe remonte toute seule sur ses cuisses.
Son autre main glisse, effleure la peau lisse de son bas-ventre, descend encore. Elle frôle son sexe gonflé, son clitoris se tend immédiatement sous l’effleurement.
Un petit son lui échappe, presque un jappement.

Elle laisse la base du plug caresser l’intérieur de sa cuisse, puis le presse contre son bouton brûlant. Son bassin ondule, sa respiration se casse.

— « Non… » souffle-t-elle. Mais ses hanches roulent d’elles-mêmes, la pierre froide écrase son clitoris juste ce qu’il faut pour déclencher une vague cruelle.

Son corps crie qu’il veut. Qu’il est prêt à tout, même à se faire remplir là, debout, sur le carrelage glacé.
Elle imagine Élias derrière elle, sa main sur sa nuque, sa bouche au creux de son épaule.
Un petit rire, sale, fend ses lèvres.
— « Tu me ferais le mettre toi-même, pas vrai ? »

Elle se penche, pose le plug contre l’entrée de son sexe, juste pour sentir la morsure du métal, la menace. Sa chair palpite, son ventre ondule, une brûlure monte de son clitoris à sa gorge.

Puis d’un geste sec, elle repousse le bijou, le range dans son écrin.
Sa main s’écrase sur le lavabo, ses ongles crissent sur la porcelaine.
Son front cogne presque le miroir.

— « Tiens encore, Ariane. Tiens. Parce que quand tu craqueras… ce sera pour lui. Et il saura exactement ce qu’il t’a fait. »

Elle ferme les yeux, son souffle revient par saccades, son corps encore tout contracté d’un orgasme qu’elle refuse.

Et quand elle rouvre les paupières, son reflet a les joues roses, les yeux brillants, la bouche gonflée de morsures qu’elle s’est infligée seule.

Elle sourit. Un sourire de prédatrice affamée

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