Retour à la réalité

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La porte claque. Lucy entre en trombe, son totebag balance contre le mur, ses chaussures grincent sur le parquet. Ariane fronce le nez, grogne.

Trop tard. La porte de la chambre s’ouvre à la volée.

— « Pour des grands prédateurs, vous êtes sacrément tendres. J’ai apporté les croissants, finissez et venez prendre le petit dej. »

Ariane et Élias se retournent d’un bloc, les draps jusqu’aux épaules.

— « Barre-toi Lucy ! »

Lucy rit, un son clair, claque la porte derrière elle.

— « Ok, j’vous donne deux minutes. Après je mange toute la confiture.

Ils finissent par émerger, froissés, Ariane dans son grand t-shirt, Élias torse nu, encore un peu moites du sommeil et de la veille. Lucy est déjà attablée, laptop ouvert et croissant en main, l’air de ne rien rater du spectacle.

Quand elle les voit s’installer, son sourire se fait carnassier.

— « Alors, les grands félins sont enfin réveillés. Vous êtes tout chiffonnés, on dirait que vous avez roulé ensemble toute la nuit. »

Ariane se planque derrière sa tasse, Élias se racle la gorge, évite soigneusement le regard de Lucy. Mais elle insiste, son coude sur la table, son menton niché dans sa paume.

— « Franchement, pour des grands prédateurs, vous êtes sacrément tendres. On dirait deux mômes qui viennent de découvrir que l’autre brille quand on éteint la lumière. Comme si vous aviez trouvé un… je sais pas… un joyau. »

Elle ponctue ça d’un petit rire.
Ariane sursaute, son genou heurte la table, sa tasse claque dans sa soucoupe. Un éclat d’angoisse passe sur son visage, aussitôt masqué par une grimace moqueuse.

— « T’es vraiment conne, Lucy. »

Lucy fronce les sourcils, intriguée par la réaction démesurée, puis hausse les épaules, faussement innocente.

— « Quoi ? C’est juste une image. Vous avez pas un secret honteux planqué quelque part, quand même ? »

Élias tourne lentement la tête vers Ariane, son regard se rétrécit, légèrement carnassier mais surtout curieux. Ariane se retient de le fusiller du regard, se contente de secouer la tête, un petit rire nerveux au bord des lèvres.

— « Fermez-la toutes les deux, sérieux. J’essaie de finir mon café avant que vous m’offriez une crise cardiaque. »

Lucy rigole, attrape un autre croissant.

— « Pauvre Ariane. Si fragile après ses nuits de chasse. »

Élias rit à son tour, mais un peu à contretemps, son regard reste accroché à Ariane, comme s’il se promettait déjà de lui soutirer la vérité plus tard, quand Lucy ne serait plus là

Ils restent encore un peu autour de la table, Ariane piquant distraitement des miettes de croissant, Élias jouant avec la anse de sa tasse. Lucy pianote sur son laptop, mais ses yeux glissent sans cesse vers eux, comme si elle savourait leur malaise autant que la confiture.

De temps en temps, Ariane et Élias échangent un regard, minuscule, qui fait comme une vague entre eux. Pas de clin d’œil complice ni de sourire sûr — juste un frisson discret qui les relie encore malgré la table et la présence de Lucy.

Quand Lucy se lève enfin pour aller ranger un pot de confiture dans le frigo, Élias pousse sa chaise, se racle la gorge.

— « Bon… je devrais filer. J’ai… des trucs à régler. »

Ariane lève les yeux vers lui, son regard s’accroche un instant de trop. Puis elle se lève aussi, tire nerveusement sur le bas de son t-shirt.

— « Ouais. Je te raccompagne. »

Lucy les observe passer, son sourire moqueur adouci par un éclat presque attendri.

Dans l’entrée, Ariane attrape Élias par la nuque et l’embrasse, longuement, sans rien dire. Ses doigts s’enfoncent un peu dans ses cheveux, comme pour vérifier qu’il est bien là, encore chaud, encore à elle.

Quand ils se détachent, Élias cale son front contre le sien, son souffle est irrégulier.

— « Je te texte en rentrant. »

— « Ouais… fais ça. »

Il commence à reculer, mais elle garde ses doigts un instant accrochés à sa nuque, plus fort qu’elle ne l’aurait voulu. Sa voix sort, basse, un peu cassée.

— « … Sois là quand je me réveillerai demain. Même si c’est juste par message. »

Il la regarde, son visage s’adoucit d’un coup, ses yeux brillent à peine — comme s’il se retenait d’en dire trop. Puis il hoche la tête, lui vole un dernier baiser, et sort. La porte se referme doucement derrière lui, dans un claquement qui résonne un peu trop fort dans l’appartement redevenu calme.

Ariane reste un moment appuyée contre le battant, la paume plate dessus, son front baissé, comme pour absorber un reste de sa chaleur. Puis elle inspire, ferme les yeux, et un petit sourire — fragile, presque fébrile — vient s’accrocher au coin de sa bouche.

Derrière, Lucy apparaît dans l’embrasure de la cuisine, un mug à la main.

— « Alors ? Toujours pas morte ? »

Ariane roule des yeux, mais son rire craque un peu. Elle se détourne, file vers le salon sans répondre, son pas déjà moins certain, comme si tout son corps cherchait encore Élias dans les pièces.

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