After-shock

4 minutes de lecture

22h 45

Elle referme la porte d'un coup d'épaule. Un rire tremblé - plus souffle que son - fuit avant qu'elle ne morde sa lèvre pour l'étouffer. Le coton humide de son tanga plaque un frisson de désir brut contre sa chair ; la robe encore froissée frotte des pointes hypersensibles. 22h46 s'affiche : Lucy rentre à 23h, au plus tard. L'irgence fait pulser le désir dans ses tempes.

22h47 - Notification

Elias : "Je remaque que tu as pris mon Individu en otage ; j'exige une preuve de vie avant de payer la rançon"

Un hoquet de chaleur - et de panique - la traverse. Si je cède si vite, il saura à quel point je suis en manque... Si je repousse, je finirai folle ; autant voler ces dix secondes. Et Lucy peut débouler d'une minute à l'autre - la porte n'est même pas verrouillée. Le livre contre son ventre presse la lingerie gorgée ; un filet tiède serpente le long de sa cuisse.

22h48

D'un revers de robe, elle chasse deux gouttes tièdes tombées du coton sur la reliure. Elle décale d'abord le triangle blanc pour effleurer son sexe. Un soupir la traverse, brûlant. Puis elle le fait glisser hors de ses hanches avant de le caler au creux de la couverture ; le coton boira l'encre toute la nuit, elle basule la lampe pour que la lumière cloue le numéro de la page 69. Trop facile, ricane-t-elle. Livre, tanga, luisance voilée : elle cadre, déclenche.

22h49 - Ariane

(photo - prevue-de-vie-69.jpg)

"Preuve de vie. Page 69 respire encore. Deadline mercredi 20h. emoji livre emoji flamme"

Mercredi 20h... tiedrai-je jusque-là ? Sa gorge pulse : quarante-huit heures à tenir. Il suffira qu'il texte "maintenant" et je me pointerai nue sur son palier.

Silence.

Elle fixe l'écran noir. Dans le couloir, la clé tourne déjà dans la serrure : Lucy, visiblement en avance. Chez Ariane, le risque frotte le désir comme un allume-feu ; plus le verrou cède, plus son corps s'embrase. Elle retient son souffle, l'oreille aux aguets. Pouce rétractré. Main sous la robe. Sa paume trouve la source de l'humidité. La clé pivote d'un cran supplémentaire ; Ariane cambre, dent serré, étouffe une plainte ; la vague claque contre sa paume. De l'autre côté, la poignée s'abaisse déjà. "Ari ?" souffle Lucy de l'autre côté.

La porte claque, Lucy déboule, sac en bandoulière qui tangue contre sa hanche.

-"Coucou, je suis rentrée !"

Ariane se redresse d'un coup sur le canapé, plaque le plaid contre son ventre. Son souffle reste un peu saccadé.

Lucy la fixe, plisse le nez, puis avance lentement, narines frémissantes.

-"Attends... cette odeur, c'est pas juste ta bougie bois de oud"

Ariane ferme les yeux, laisse échapper un soupir entre honte et amusement.

-"Epargne moi ton diagnostic."

Lucy éclate de rire, s'assoit en travers du dossier, ses jambes croisées flottant au-dessus du sol.

"T'as raison. Pas besoin d'être médecin pour voir que t'as la peau qui crépite encore."

Un silence glisse entre elles, chaud mais un peu gêné. Ariane tire sur le plaide comme pour s'envelopper jusqu'aux tempes. Puis elle murmure, sans oser lever les yeux :

-"Je lui ai envoyé une photo. Après... tu sais."

Lucy arque un sourcil, intriguée.

-"Oh ? Quel genre de photo ?"

Ariane se mord la lèvre, cherche ses mots, rougit franchement.

-"La preuve que j'avais son livre... et... le reste. Mon tanga, calé dedans. Page 69. Comme un défi."

Lucy pousse un petit sifflement admiratif, tape dans ses mains comme un enfant devant un feu d'artifice.

- "Mais c'est génial ! Sérieux, Ari, t'oses tellement plus que tu crois."

Ariane ricane, secoue la tête, ses cheveux frottant doucement la housse du canapé.

-"J'ai eu l'impression d'être une ado en rut. C'était... j'sais pas. Enorme. Et un peu terrifiant."

Lucy se penche, attrape son menton entre le pouce et l'index, l'oblige à croiser son regard.

-"Terrifiant parce que ça te montre exactement qui tu es quand t'as envie. Sans filtre. Sans faux-semblant. Et c'est pour ça que c'est sublime."

Ariane ferme les yeux, sourit malgré elle, un sourire tremblé.

-"T'es vraiment une garce de m'obliger à admettre ça."

-"C'est mon super-pouvoir. Et toi ton super-pouvoir, c'est de faire bander un mec à distance avec un pauvre bouquin coincé dans ton string."

Ariane éclate d'un rire clair, se cache la bouche.

-"Dis comme ça, c'est affreux."

-"Dis comme ça, c'est honnête. Et putain, j'suis fière de toi. Parce qu'à force de savoir jusqu'où tu peux aller, un jour tu sauras exactement où t'as envie de t'arrêter."

Ariane soupire, s'affaise un peu contre le dossier.

-"Tu crois qu'il a vraiment... pris son pied avec cette photo ?"

Lucy lève les yeux au ciel, lève la main comme pour jurer.

-"Ariane, s'il a pas explosé après ça, c'est qu'il est en bois. Ou mort."

Ariane rit à nouveau, mais cette fois son rire sonne libéré, moins chargé de cette petite honte acide. Lucy tapote sa cuisse sous le plaid, puis file vers la cuisine en laissant flotter :

-"Je vais faire un thé. Pour fêter la nouvelle reine du teasing littéraire."

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