19. Palais Ducal (partie 1)

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Dimanche 29 septembre 2013

Mes filatures vaines m’ont frustrée. Trop impatiente de retrouver mes amis. Je me contorsionne face à mon miroir pour parvenir à fixer grossièrement mon plastron, puis je gobe ma pilule bleue.

Le frisson glacé me donne l’impression de perdre mes cheveux. Mon armoire ondule, se met à danser puis soudain, elle me saute dessus. Elle éclate en une grande masse de champagne en s’écrasant sur moi.

Le grondement du tonnerre me réveille. J’entends les voix des hommes des montagnes à l’extérieur. Je me trouve dans une pièce exiguë, couchée sur une banquette de paille.

Je me lève puis vais jusqu’à la porte. Mes serviteurs sont assis face à une plaine d’herbe, menacée par un ciel gris aux nuages massifs. Un éclair fend les cieux vers la terre, puis le tonnerre vient. Adelheid, assise sur les jambes se son père s’exclame :

— Il s’éloigne !

— Bonjour tout le monde. — Ils sursautent tous. — Je vous ai manquée ?

Ils se lèvent et Jeannine me fait remarquer :

— Vous semblez fatiguée.

— Croyez-moi, j’aurais préféré faire le voyage avec vous. J’ai passé la semaine à essayer de savoir qui donne au sorcier les… la chose qui me permet de revenir ici. Nous ne sommes pas arrivés ?

Sigurd me montre du doigt ce qu’il y a derrière la petite bâtisse. Les murs contournés, je découvre les quartiers à l’extérieur des remparts blancs de Kitanesbourg, à quinze minutes d’ici.

— Nous nous sommes arrêtés pendant l’orage, m’explique-t-il. Nous voulions que vous arriviez en ville avec nous. Vous devriez peut-être enlever votre plastron.

— Non. Resserrez-le, les filles. Je tiens à ce que les gens m’identifient comme la pourfendeuse de dragon et non pas n’importe quelle aspirante.

— Il faudrait vous peigner, suggère Fantou.

Mon index lui fait signe de venir tandis que je pose un genou au sol. Adelheid se presse de venir resserrer les attaches de mon armure, pendant que Fantou retire les fétus de paille pris dans ma chevelure.

Une fois embellie, les cheveux posés avec légèreté sur mes épaules d’acier, nous montons à dos de véloces, pour nous rapprocher des faubourgs. Thomas, qui a brodé mon blason sur le pan gauche de son vêtement, m’octroie un doux regard.

— Qu’y a-t-il ?

— Je suis content que vous soyez revenue.

Nos dinosaures fendent les hautes herbes de la prairie, puis rejoignent le dallage de la route principale. Leurs griffes cliquètent délicatement sur la pierre, et nous croisons le premier groupe de paysans qui quitte la ville et nous observe avec inquiétude. La présence des six barbus en armures noires n’y est pas pour rien. L’intérêt de mes couleurs, c’est que je peux déjà amalgamer mon petit cortège à une escorte de l’armée impériale.

Dans les faubourgs, on y croise peu de monde, principalement de pauvres gens. Une petite taverne miteuse, un étal de bougies, trois gamins errants.

Les remparts blancs écrus passés, c’est une toute autre foule. Les étals de denrées se multiplient, on vend des tissus, des armes et de la quincaillerie.

— Bienvenue à Kitanesbourg, articule Sigurd, l’unique ville du comté des Collines Ventés, chef-lieu du duché. Nous allons boire un verre à la taverne des Gros Gosiers, c’est là-bas que vous avez le plus de chance de tirer des partisans.

— Vous y venez souvent ?

— Nous venons vendre le produit de nos forges assez souvent. Nos six villages se partagent un étal près des Gros Gosiers. Nous avons croisé nos marchands sur la route, mais vous n’étiez pas tout à fait avec nous.

Notre petite horde s’attire quelques regards curieux, alors mes épaules s’obligent à garder une posture digne aucunement méprisante. Sigurd nous emmène presqu’aux portes de la citadelle intérieure. En effet, un étal d’arme est tenu par trois barbus aux traits de montagnards. L’un des trois s’exclame :

— Sigurd ! Chef du village du Lac ! Comme je suis content de te voir.

— Moi aussi Olaf ! Comment vont les affaires ?

— Plutôt bonnes. Les aspirantes nous achètent beaucoup de marchandise, pour s’attirer notre sympathie. Qui escortes-tu donc ?

— Léna Hamestia, l’aspirante impératrice choisie par nos villages.

— Vous vous rendez à la citadelle ?

— Sans doute, pour la présenter au duc.

— Il y a déjà beaucoup d’élues de petits villages présentes à la citadelle. On dit que l’Empereur doit passer pour les rencontrer.

— En attendant, nous allons rencontrer quelques futurs partisans.

Sigurd talonne sa monture, et les trois hommes inclinent légèrement la barbe en croisant mon regard. Mes soldats mettent pied à terre dans la boue, vingt mètres plus loin, devant l’enseigne en chêne des Gros Gosiers. Sigurd me tend les bras :

— Attends Léna, tu vas salir ta robe.

Je me laisse glisser de la selle entre ses deux mains robustes, et il me dépose délicatement sur la seuil de l’entrée. Ses hommes descendent mes courtisanes, alors nous les précédons dans l’auberge. Un silence brutal plombe l’ambiance. Après œil attentif, l’homme derrière son comptoir me salue :

— Quel vent vous amène, belle Damoiselle ? Ce n’est pas un lieu pour les aspirantes, ici, ni pour les enfants.

— Même si celles-ci veulent se désaltérer ?

— Tant que vous payez sonnant et trébuchant.

Je chaloupe en direction du comptoir, en même temps que notre suite pénètre. Le patron s’étonne :

— Sigurd ! Qu’est-ce qui t’amène si loin de ton village ?

— J’escorte Léna Hamestia, la pourfendeuse de dragon.

Quelques rumeurs font naître une brise de murmures depuis les tables ici et là.

— Nos villages ont décidé de lui accorder leur soutien. Je te présente ma fille, Adelheid.

— Le choix d’une Reine inquiète à ce point les couteliers des montagnes ? Tu lui as donné ta propre fille ?

— Si le choix nous est offert, j’aimerais beaucoup que ce soit Léna.

— Bien ! Dame Léna. Que puis-je vous offrir qui vous désaltère ?

— Avez-vous autre chose que de l’alcool de sapin ?

Sigurd s’esclaffe, puis m’invite à nous asseoir à une table. Mala semblant très peu rassurée par l’obscurité du tripot, je la prends sur mes genoux. On nous amène des bières, et le patron questionne à voix assez haute.

— Alors comme ça, vous avez terrassé le dragon d’Ig-le-Grand ?

À ma surprise, c’est Thomas qui prend la parole :

— Oui. Je suis d’Ig-le-Grand. Léna Hamestia est partie seule, accompagnée de ses deux seules courtisanes et de sa cuisinière. Elles n’avaient pour arme qu’une hache…

Pris dans sa lancée, Thomas conte ma légende presqu’aussi bien que le ferait un barde. Les gens se rapprochent, et quand un nouvel habitué pénètre dans le pub, il chante un résumé. Thomas, incapable de s’arrêter au récit d’Ig-le-Grand, évoque la fourberie de Sélène, ce qui l’amène à l’incident qui a précédé notre départ. Il évoque ainsi mon arme si particulière, et on me demande une démonstration.

Ravie de quitter cette chaise et de libérer mes cuisses du poids de Mala, je me lève.

— Adelheid, peux-tu me débarrasser du plastron. ?

La blonde s’exécute et dévoile mes épaules blanches à mon public masculin. Ma jambe entière fend ma longue jupe pour grimper sur la chaise, me permettant de me placer sur la table tout en attirant leurs yeux de mâles en manque. Le crin du yoyo noué autour du doigt, j’entame une démonstration. Peu connaissent ce jouet, et aucun n’en a jamais vu avec des lames.

Lorsque je termine, c’est sous les applaudissements. Thomas en fait un peu trop :

— Bravo ! Bravo !

Sigurd me tend les bras, et me descend avec facilité, comme si je pesais moins que Mala.

Des tambours attirent soudain l’écoute de chacun. Nous nous rapprochons des fenêtres sans rien voir, alors nous quittons l’auberge. Remontant l’avenue un immense cortège se dirige vers la citadelle. La cohue se rapproche de nous, les badauds s’avancent pour mieux voir. Deux rangées d’hommes en armes jouent du tambour pour annoncer leur venue. Ils sont suivis par des danseuses en robes vives, qui agitent des rubans colorés. Assise sur le dos d’un simili-diplodocus, une aspirante au costume brillant salue la foule. La jolie brune passe, souriante, épanouie, acclamée. J’ai l’impression de vivre la scène du Prince Ali Ababoua venant à la rencontre du Sultan. L’immense animal fait vibrer la route, et désespérer un de mes barbus :

— Comment peut-on rivaliser avec ça ?

— La venue de l’Empereur attire toutes les prétendantes y compris celles des autres duchés, commente un badaud. C’est Pauline du Désert.

— Quand arrive-t-il ? questionné-je.

— Dans deux jours. Chaque aspirante aura le droit à un entretien particulier avec lui. Il pourra décider d’en éliminer. À un mois des éliminatoires, c’est tendu.

— Bon, ben dès qu’elle a passé la porte, on y va aussi, déclaré-je.

J’enjambe la mare de boue, puis me hisse sur le dos d’Anaëlle.

La citadelle du duché est une forteresse dans la forteresse. L’enceinte est gardée par des soldats dont certains ont des cornes de bouc sur la tête. Un scribe se tient à la herse close lorsqu’une sentinelle nous arrête

— Halte ! La citadelle est interdite jusqu’à la venue de l’Empereur. À moins que vous soyez une aspirante.

— J’ai l’air de quoi ?

— Scribe !

L’homme-poisson s’avance, et je lui tends son bras. Sa loupe rose fait apparaître mes tatouages, alors il déclare :

— Ils peuvent passer.

— Levez la herse !

La herse remonte, dans un petit son de moteur électrique. À l’intérieur, le diplodocus est toujours là, et ma rivale brune est avec sept courtisanes au teint métis. Un homme plutôt rond et aux habits chics l’accueille, alors il nous adresse un regard de bienvenue. Je suppose qu’il s’agit du duc. La brune a des grands yeux très noirs qui sont magnifiques, et elle doit avoir tout juste quinze ans. Le duc qui approche bien plus de la cinquantaine, s’exclame :

— Soyez la bienvenue également au château de Kitanesbourg. Quel est votre nom, jeune aspirante ?

— Léna Hamestia.

— C’est toi la pourfendeuse de dragon ? s’étonne la fille.

— C’est moi.

— Chapeau Hélène. Tout le monde ne parle que de toi.

— Léna, corrigé-je. À qui ai-je l’honneur ?

— Pauline, deuxième B.

Un frisson de mort me givre la nuque. C’est une fille du lycée. Si elle est en seconde, ça veut dire qu’elle a commencé cette année, et donc qu’elle a eu sa première pilule par Victor. Cela fait autant de temps sinon moins qu’elle est dans ce monde. Malgré ça, elle a déjà trois courtisanes d’avance sur moi.

— Je ne pensais pas que Victor vendait aux mineures.

— Je ne crois pas qu’il se soucie de ça.

— Félicitations en tout cas. Beau cortège, sept courtisanes…

— Merci, mais je n’ai pas tué un dragon.

— On se fraie un chemin comme on peut.

— Trêve de politesse, tranche le duc. Messieurs les soldats, troubadours et autres membres de la cour de vos aspirantes, des quartiers vous attendent là où vous voyez les bêtes. Un seul garde peut rester. Quant à vous, nobles Damoiselles, vous avez des suites pour vous et vos servantes.

D’un regard entendu avec Sigurd, il laisse un de ses soldats. Pauline et moi suivons notre hôte. Le bâtiment est blanc, en pierre un peu marbrée magnifique. Des portes avec enluminures dorées longent un couloir. Nombreuses sont protégées par un gardien différent. Nous parvenons à une première porte où une fille de douze ou treize ans nous attend.

— Pauline du Désert, je vous laisse entre les mains de Frida. Votre garde peut demeurer devant votre porte. Léna Hamestia, je vous laisse entre les mains de Frederika.

Il me désigne la porte plus loin où m’attend une femme austère d’une quarantaine d’année. Je m’avance avec mes courtisanes, et elle nous ouvre la porte. Une grande suite nous attend, avec un lit immense couvert de coussins colorés aux formes variées. Des rideaux peuvent isoler le lit du reste de la pièce.

— Voici vos quartiers privés. Pour votre toilette, la salle des bains est commune pour toutes les aspirantes. Aucun vêtement susceptible de cacher une arme, même une aiguille empoisonnée, n’est autorisé au-delà de cette porte. Des femmes entraînées fouilleront vos cheveux avant de vous laisser accéder à cette salle. Toute altercation entre deux courtisanes se traduit par un renvoi de la citadelle. Si vous voulez rencontrer l’Empereur, veuillez respecter ces règles.

— Bien. Il arrive dans deux jours ?

— Demain dans la soirée. Vous êtes dix. Après un dîner auquel vous êtes conviée, il accordera une visite à cinq d’entre vous dans vos appartements. Vous aurez une heure avec lui, il a demandé à ce que chacune propose une danse, sur une musique de votre choix que joueront vos courtisanes. Ensuite s’en suivra une discussion. L’Empereur indiquera aux scribes laquelle il veut maintenir en lice ou non.

— OK.

— S’il y a le moindre besoin, n’hésitez pas à réclamer auprès d’une de nos soldates.

— Merci.

La femme ferme la porte, puis je regarde les filles.

— Laquelle sait jouer de la musique ?

Fantou, Mala, Chihiro, Adelheid, aucune de pipe mot. La fille du chef pose le plastron qu’elle supporte depuis que nous sommes arrivés. Je m’assois au milieu des coussins en cherchant une solution.

— On peut faire du tambour, propose Fantou. Vous dansez tellement bien.

— Hmm…

L’idée de Fantou est la seule raisonnable. La meilleure solution serait de concocter une danse un peu torride sur des rythmes africains. J’essaie d’imaginer une variante. Il faut absolument que je continue de me démarquer des autres. Ce sera soit ma perte, soit ma réussite, mais il est certain que je ne gagnerai rien à être comme les autres. Les filles comme Pauline semblent plus populaires et elles gardent la jeunesse comme atout.

On frappe à la porte du côté des bains.

— Oui ?

Une soldate en armure d’or ouvre et Pauline apparaît enveloppée d’un tissu vert si fin qu’on devine ses aréoles sombres.

— Tu viens ? Les bains sont vides.

— Tu m’invites à prendre un bain ?

— Ben je m’emmerde toute seule.

— Tu ne préfères pas faire un tour de jardin ou…

— T’as peur de montrer que tu commences à avoir des rides ?

Elle pouffe, alors je réponds sèchement :

— J’arrive.

— T’as des linges si tu as peur de montrer ton cul.

Elle referme la porte.

— On peut venir ? questionne Fantou.

— Oui, si vous voulez. Je me méfie un peu des entourloupes. Adelheid, tu sauras réagir à main nue contre une courtisane de ton âge.

— Même contre un homme.

Je me défais de mes bottes, de ma robe, puis, ne gardant que mon tanga, je me présente à la soldate dont le heaume masque le visage. Elle me dit :

— Il faut tout enlever.

— Même ça ?

— Vous pouvez cacher un dard empoisonné.

Blasée, je baisse ma parure de dentelle et l’éjecte d’un coup de pied, tandis qu’elle fouille les cheveux des filles. C’est mon tour, elle passe juste ses doigts une seconde et me laisse m’engouffrer dans le long corridor de pierre couleur sable. Je choisis une draperie rouge au moment où Pauline revient, et je m’en entoure.

Mes courtisanes retrouvent les siennes dans l’eau du bassin principal, puis Pauline me confie alors que nous nous mettons à marcher :

— C’est trop bien de voir quelqu’un de la Terre !

— Pour tout t’avouer, je ne m’attendais pas à rencontrer quelqu’un de la Terre. Encore moins une fille de mon lycée, mais c’est logique, vu que c’est Victor qui distribue ses pilules.

— Ouais, ça fait bizarre. Au début, je croyais juste que c’était un rêve. Et un jour, je t’ai vu sortir de l’infirmerie en robe. Je n’ai rien dit à Victor, mais je me suis dit que tu devais y aller aussi.

Je n’ajoute rien, nous parvenons à un petit bassin intimiste. Pauline prend la température de l’eau du bout du pied. Elle laisse glisser sa toge. Ses fesses et son dos sont d’une beauté harmonieuse. Elle jette un œil vers moi avant de s’asseoir sur la banquette immergée. Mon rempart de soie plane, et je m’immerge sous son regard scrutateur.

— T’es bien foutue aussi.

— Les scribes ne m’auraient pas acceptée.

— T’es allée aussi à la citadelle ? L’angoisse, hein ? Putain, je ne savais plus où me foutre. En plus, à la base, je suis plutôt pudique.

Mes yeux s’arrondissent. Elle ajoute :

— Je te jure ! Et t’as déjà rencontré l’Empereur ?

— Ouais.

— Comment ça s’est passé ?

— Première pilule, je me suis réveillé dans un lavoir et Sten était sorti d’une taverne pour aller pisser. Et il m’a vu le regarder, il m’a aidée à sortir du lavoir et… on s’est embrassés.

— Tu l’as embrassé ?

— Je serais allée plus loin si je ne voulais pas devenir Impératrice.

— Moi, la première fois, je me suis réveillée en plein désert. Il était seul, debout, près d’un rocher et moi je suis apparue en pyjama. Gros pyjama à boutons, tu vois le genre, le truc pas sexy. Il était surpris de me voir et il m’a demandé pourquoi j’étais habillée si chaudement. Il m’a déshabillée et il m’a dit que là, j’étais vraiment la plus belle chose qu’il ait jamais vue au milieu du désert. Un de ses cavaliers est arrivé, ils avaient trouvé la piste d’un mec. Lui, il a dit qu’il espérait me recroiser rapidement, et il est parti. Des gens qui ont observé la scène de loin sont venus me recueillir et ils ont parlé du truc des aspirantes. Ils m’ont conduit jusqu’à Varrokia, je suis passée devant les scribes, et comme j’ai réussi, on est allé de bled en bled parler de ma légende : Pauline, la fille du désert, toute nue face à l’Empereur figé d’admiration.

— Donc on apparaît toutes la première fois à l’endroit où Sten passe.

— Nous deux en tous cas.

— On ne doit pas être les seules.

Elle hausse les épaules et ses yeux noirs ne me lâchent pas. Je commence à me demander si son affection ne vient pas d’une bisexualité inassumée. Néanmoins, très vite, sa sympathie s’explique :

— Je peux te demander un service ?

— Quel genre de service ?

— Tu n’as pas une ou deux pilules d’avance à me prêter ?

Je secoue la tête.

— Désolée. Je fais les fonds de distributeurs pour trouver de quoi me les payer.

— S’te plaît ! Au moins pour la soirée avec l’Empereur.

— Non, il ne m’en reste plus que deux, mens-je. Tabasse une grand-mère, je ne sais pas, mais ne me demande pas à moi. J’ai soudoyé ma grand-mère, j’ai volé dans le sac de ma mère, je n’ai plus rien non plus.

Des larmes naissent à ces yeux.

— Ne pleure pas, ça me… me… ne changera rien et ça m’énerve.

Je quitte l’eau et elle bondit pour me rattraper.

— Attends ! On fait un pacte.

Je m’enveloppe inutilement de mon drap trop fin et transparent qui se colle à ma peau, puis garde une distance avec Pauline qui me dit :

— Si je me foire, je dirai à mes gens de voter pour toi. Si tu te foires, tu dis aux tiens de voter pour moi.

— Je leur soumettrai l’idée.

Je continue de m’éloigner, sans rappeler mes suivantes qui s’amusent bien. Je passe devant la garde de ma suite en lui jetant un regard noir, et claque la porte.

Pauline est une rivale de poids, jeune et séduisante. Mon seul avantage, c’est qu’elle n’a plus de pilule, il faut donc que je m’arrange pour qu’elle n’en ait pas davantage pour les prochains jours. Ça ne suffira peut-être pas à la disqualifier, mais au moins à la déprécier aux yeux des gens de Kitanesbourg.

Les seules qui sont heureuses dans cette histoire, ce sont nos esclaves dont j’entends les rires jusqu’ici. Elles bénéficient d’un parc aquatique gratuitement. Je passe mes doigts sur mes jambes pour m’assurer de leur douceur pérenne. On frappe à la porte :

— C’est pour quoi ?

La voix de mon hôtesse me dit :

— Le Duc m’a fait passer des consignes pour demain soir.

— Deux secondes.

J’enfile ma robe, puis lui ouvre la porte. Elle s’étonne de se trouver nez à nez avec moi.

— Vous n’avez pas vos servantes ?

— Elles jouent aux bains. Je vous écoute.

— Les bains sont un lieu de détente pour les invitées, pas un lieu de jeu.

— Très bien, je vais les rappeler. Vos consignes ?

— Et bien, le Duc organise un dîner avec la haute société de Kitanesbourg, un prélude qui nous permettra de mieux vous connaître avant l’arrivée du Seigneur Varrok.

— D’accord. Et pour ce midi ?

— Nous pouvons vous amener à manger à toute heure.

— Parfait.

Elle s’incline, très neutre, n’affichant ni mépris ni considération sur son visage. Je ferme moi-même la porte, mais ne vais pas demander aux filles de rentrer. Cela me fait savourer des souvenirs de ma propre enfance de les entendre s’amuser.

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