30. Méfiances multidirectionnelles (partie 2)

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Le repas terminé, le ventre plein, je gagne mes appartements avec l’envie de vomir. Ce n’est pas en participant à de tels festins que je vais garder la ligne.

Sitôt la porte fermée, je m’agenouille au-dessus des WC dont j’ouvre la trappe, et enfonce deux doigts dans ma bouche. Mon estomac est si plein que ça n’en est même pas douloureux. Je regarde avec satisfaction le dîner baigné de bile tomber dans le vide. Les filles se précipitent vers moi.

— Vous êtes malade ?

— Non, ça va beaucoup mieux.

Chihiro me propose de l’eau. Il y avait longtemps que je ne m’étais pas forcée à régurgiter. Mais il va falloir encaisser le prochain repas. Avec un type aussi méfiant, hors de question que je reste chez moi à jeûner.

On frappe à la porte, et Mala va ouvrir d’elle-même. L’aînée se tient debout, les mains croisées, et me demande :

— Ce repas m’engourdit. Accepteriez-vous de marcher avec moi ? Juste nous deux, sans protocole aucun. Voyez, je n’ai pas mon garde-du-corps.

Comprenant qu’elle désire me parler, j’accepte, et la rejoins.

— Excusez si mon haleine est incommodante, je crains d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre.

— Je n’hume rien d’incommodant.

Nous montons un escalier en colimaçon

— Vous avez un beau château.

— Merci.

Nous sortons, puis longeons les remparts à l’extérieur. Je reste du côté des murs au cas où elle ait dans l’idée de me pousser. Il fait froid, mais je tâche d’y paraître aussi insensible qu’elle en ajoutant de la flatterie :

— Et la vue est splendide.

— Le vent souffle bien, il portera nos mots vers la montagne et non entre ses murs.

— Ah ?

— Je suis contente de vous avoir rencontrée, Léna Hamestia. Je ne vous imaginais pas comme ça.

— Je n’ai pas les traits d’une guerrière, je sais.

— Non, c’est davantage votre trait de caractère qui me surprend. Vous êtes pleine d’humour, souriante, indépendante. Vous me rappelez un peu notre mère, mais elle ne donnait pas cette sensation de croquer la vie à pleines dents.

— Mes condoléances.

— Magdeleine aussi, vous apprécie. Elle aimerait vous voir gagner.

— Magdeleine, c’est votre sœur qui a été recalée par les scribes ?

— Oui.

— Et sans indiscrétion, pourquoi l’ont-il refoulée ?

— Une différence de taille entre ses deux seins qui dépassait l’acceptable.

— Peut-être était-elle trop jeune.

— Je le pense parfois. J’aurais peut-être eu plus de chance qu’elle, et en épousant Sten, j’aurais peut-être échappé au mariage qui vient.

— Vous allez vous marier avec un homme dont vous ne voulez pas ?

— Avec mon père.

— Pardon ?

— Les trois ans de deuil sont presqu’écoulés. Il a décidé qu’il m’épouserait pour marquer la fin du recueillement. Il espère par ailleurs que je lui donnerai un fils.

— Je comprends que votre beauté lui rappelle celle de votre mère, mais n’y a-t-il pas une autre Messienne qui puisse combler ses désirs d’hommes ?

— Les Messiennes de notre rang connaissent le personnage cynique, méfiant, et violent qu’il est. Les quelques servantes qui partagent son lit à son exigence…

Elle ne finit pas sa phrase, puis pose ses mains sur les pierres pour regarder le vide entre deux créneaux.

— Lorsqu’il a annoncé ses intentions, j’ai eu envie de me trancher les ailes, pour pouvoir le jeter dans le vide. Lors de la mort de notre mère, je me suis lancée en me disant qu’il suffisait de ne pas ouvrir ses ailes, et de fermer les yeux. Mais, lorsque j’ai vu la roche approcher, le désir de survie a été plus fort.

— Je comprends.

— Jusqu’à ce matin, c’était toujours mon intention.

— Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

— D’abord l’idée que si ce n’est moi qu’il épouse, ce sera Magdeleine. Et puis je vous ai rencontrée. J’ai eu envie de croquer la vie avec cette même énergie.

— Qu’est-ce qui vous empêche de quitter ces murs ?

— Les chaînes du sang.

Elle pince les lèvres, détache ses cheveux puis les laisser aller dans le vent. Je comprends qu’il y a un message que je n’ai pas saisi dans notre conversation, et alors que je cherche à comprendre, elle me dit :

— Si mon père venait à mourir, sans aucun mariage, je reste sa première héritière. Les murs, les gens entre ces murs, et la possibilité de vous donner ma voix. S’il meurt, je vous donne notre allégeance et convaincs ma tante que c’était également le souhait de mon père. Vous êtes intrépide, Léna, vous pourriez le tuer.

Ignorant si c’est un test ou non, j’élude :

— Je pense que s’il y a quelqu’un capable d’approcher votre père sans qu’il soit protégé, c’est vous.

— Il reste mon père. Même si je souhaite le voir disparaître, c’est comme sauter dans le vide sans ouvrir les ailes, c’est quelque chose dont je suis incapable.

— Je ne pense pas gagner ma réputation en assassinant votre père.

— Il suffit de maquiller ça en mort naturelle. Il pourrait ne pas s’éveiller de son sommeil. Il y a un passage secret menant directement à sa chambre. Il n’y a que là qu’il est seul.

Les deux autres sœurs longent les jardins et arrivent jusqu’à nous. Magdeleine s’incline, puis questionne :

— Mathilde vous a-t-elle proposé nos voix en échange de la disparition de notre père ?

— Donc vous la souhaitez toutes les trois ?

— Oui, répond la plus jeune.

— Si vous acceptez, et que vous obtenez les voix du comté, Marianne se propose d’être votre nouvelle courtisane.

L’enfant ailée me regarde droit dans les yeux. Je regarde autour de moi, prise au dépourvu. J’ignore si je dois leur faire confiance ou non. Pourquoi me testeraient-elles avec une pareille question ? Même si leur père est parano, l’est-il au point de simuler des cabales contre lui-même et de risquer d’être réellement assassiné ?

— Ecoutez, nous ne nous connaissons que très peu, mais j’ai pu voir que votre père était très méfiant sur sa sécurité, au point de vous demander d’inventer des envies de meurtre pour mieux connaître ses invités.

Elles me regardent avec des yeux de cockers. Je sais que si je dis que je vais réfléchir, c’est que je suis éventuellement dangereuse pour leur père. Mais, je ne peux dire ouvertement non, si effectivement, il y a moyen de gagner le duché et d’empêcher un mariage incestueux. Une idée lumineuse me vient :

— Je vais réfléchir à un plan qui vous permettra de le tuer vous-même. Si vous désirez sa mort, c’est à vous de l’assassiner.

— Nous ne saurons le faire en regardant dans les yeux, me dit Magdeleine.

— Je vais préparer un plan qui fera que vous aurez la distance suffisante pour ne pas que son aura paternel vous influence. Mais ni moi ni mes partisans ne serons les assassins.

Elles hochent la tête, et j’ajoute :

— Je me laisse une nuit de réflexion, je vais réunir mes conseillers. Soyez sûres que rien n’arrivera aux oreilles de votre père par leur bouche.

— Par pitié !

Je fais demi-tour et la plus jeune me rattrape :

— Je peux jouer avec Fantou et les autres ?

— Bien sûr.

Mes courtisanes ont donc réussi à créer un lien avec la plus jeune, voilà qui est pas mal du tout. En y réfléchissant, je n’ai vu aucun autre enfant entre ces murs, elle doit s’ennuyer à en mourir. En arrivant à ma chambre, je dis :

— Les filles. Vous pouvez vous amuser avec Marianne ? Et demander à Sigurd et Jeannine de me rejoindre.

Les filles disparaissent, alors je m’assois sur le lit, l’estomac noué, incapable de démêler la vérité dans ce complot. Sigurd et Jeannine ne tardent pas.

— Comment s’est passé la rencontre ? questionne Sigurd.

Craignant d’être écoutée à travers des murs, j’enfile la cape de fourrure puis annonce :

— Plutôt bien. Le baron est méfiant, mais je garde espoir d’en faire un allier de poids. Il a confiance en Sten et a la confiance de Sten. Venez, allons marcher, il y a une vue sublime. Je vais faire une photo.

Mes deux amis m’emboîtent le pas, sans un mot jusqu’à ce que nous soyons à l’extérieur. Les deux sœurs sont parties, alors lorsque nous sommes en plein vent, loin de tout mur je leur confie :

— Les trois filles du baron m’ont demandé d’assassiner leur père.

— Curieuse relation père-filles, commente Jeannine.

— Vous ne savez pas à quel point. Il va épouser l’aînée dans l’année.

— Et elle ne veut pas ? s’étonne Jeannine

— Ça ne vous choque pas ? !

— Ça se fait dans nombreux Duchés quand la femme décède et que le premier né est une fille.

— Je suis choqué comme Léna, grogne Sigurd. Ce sont des mœurs de dégénérés. Je n’ai que des filles, jamais il ne me viendrait à l’idée d’épouser l’une d’elle, même si ma femme avait quitté ce monde.

— Ah ! Heureusement que vous êtes là, Sigurd ! m’excamé-je. Bref, si le baron meurt, c’est Mathilde qui prend le contrôle et qui s’arrange avec sa tante pour nous avoir les votes des Messiens. Mais je ne sais pas si je dois les croire.

Sigurd me rassure :

— Les gens ici disent que depuis la mort de la Reine, le baron s’est beaucoup aigri. Il n’a jamais été un personnage tendre et ses filles le craignent. Lorsque la cadette est revenue de la citadelle des scribes, il paraît qu’il l’a battue avec une chaise. La petite ne reste jamais seule avec lui, et elle ne lui adresse jamais la parole.

— Bon, ça confirme qu’elles veulent vraim…

Les murs de ma chambre ont remplacé la vallée.

— ... Merde !

— Hélène ? s’exclame mon frère. T’es là ?

Il pousse la porte et scrute ma cape de fourrure.

— Quoi ? Je teste une garde-robe pour cet hiver.

— On ne dirait pas que t’as dix-huit ans, mais heureusement, t’es jolie.

— Merci.

Un rire contenu trahit la présence d’un de ses potes.

— Il n’est pas obligé de se planquer, ton copain.

Une fille brune aux grands yeux noirs apparaît, les joues empourprées. Elle doit avoir treize ans.

— Tu ne dis pas aux parents et moi je ne dis pas que tu ne vas pas en cours.

— Y a pas cours cet aprem.

— Je ne dis pas que tu ne vas quasiment jamais en cours.

— Qu’est-ce t’en sais ?

— Je le sais.

Je fronce les sourcils et demande à la brune :

— T’es la sœur de Pauline du Dés… je veux dire Pauline, en Seconde B ?

— Oui.

Vite, feinter !

— Trop fort ! C’est ma pote ! Je me disais bien, des beaux yeux comme ça, je connaissais. Tu m’excuses, je dois juste parler à mon frère.

Je tire Mathieu par la manche, ferme la porte, puis murmure :

— Comment tu l’as rencontrée ?

— Ben on est dans le même collège. Elle est en quatrième.

— Je ne suis pas conne. Mais vous traînez ensemble depuis quand ?

— Ben là. Elle a craqué sur-moi, elle m’a glissé un poème, et j’ai trop eu envie de la connaître.

— Y a une fille qui t’écris un poème, et tu ne trouves pas ça louche, toi ?

— Pourquoi ça serait louche ?

Effectivement, question intelligente… La miss Pauline, sous ses airs de copine naïve assure bien ses arrières. Et si elle est prête à prostituer sa sœur pour se glisser dans ma famille, jusqu’où est-elle prête à aller pour avoir Sten ? Il n’y a pas de hasard.

— C’est elle qui t’a dit que je séchais les cours ?

— C’est sa sœur qui lui a dit, et elle me l’a dit.

— Tu ne trouves pas ça bizarre que sa sœur s’occupe de ma life ?

— Ben c’est ta pote, apparemment.

Réponse intelligente. J’ouvre la porte et m’adresse à la version rajeunie de ma rivale :

— Je te laisse ton amoureux. Tu feras un gros bisou à Pauline quand tu la verras.

— D’accord.

Ils descendent les escaliers, et elle lui dit à voix basse :

— Elle est trop belle, ta sœur.

— T’es bi ?

— Non ! C’est juste que ma sœur me l’avait dit, et c’est vrai.

— Ta sœur est lesbienne ?

— Laisse tomber.

Je claque la porte puis envoie un message au groupe Rainbow Sorority.

Léna : Je vais avoir besoin de vos conseils, les filles !

Chell : En exam

Siloë : À ton service ma poulette.

Léna : La petite sœur de Pauline a mis le grappin sur mon frangin, c’est louche.

Siloë : C’est clair.

Léna : Bref. J’ai un problème plus urgent. Je dois tuer un mec. Physique de bucheron parano. Il est toujours entouré de gardes, sauf quand il est dans sa piaule. Y a un passage secret pour y aller. Mais faut pas qu’il y ait de sang, donc je ne peux pas envoyer Adelheid. Vu le bonhomme, même moi je ne peux pas l’étouffer avec son oreiller.

Chell : Tu lui fais un striptease, tu l’attache avec des menottes genre tu vas le baiser, et après tu l’étouffes.

Léna : T’es pas en exam ?

Chell : Si :-)

Siloë : C’est une bonne idée si t’as des menottes.

Léna : C’est un gros parano, jamais il se laissera mettre les menottes. Par contre c’est sûr qu’un striptease, ça peut l’amadouer. Il est tellement frustré qu’il va épouser sa fille.

Chell : Oh gore !

Siloë : T’as pas le choix. Tu lui fais la prise de la chatte qui pue.

Me souvenant de mon année de troisième, je me revois étouffant Sylvain dans mon jogging pendant un cours de lutte.

Léna : C’est un bon plan.

Siloë : N’oublie pas, pour étouffer quelqu’un, faut continuer encore deux minutes après qu’il soit endormi.

Léna : Bon, j’y retourne, alors.

Siloë : Sérieux, tu vas vraiment essayer ?

Léna : Ne t’inquiète pas, je vais prendre mes précautions.

Siloë : Une capote !

Léna : MDR ! T’es con !

Siloë : Sérieusement, c’est risqué.

Léna : Je suis plutôt confiante.

Siloë : Prends une photo du corps. XD

Je regarde s’il me reste assez de batterie sur le téléphone. J’avale une pilule. Le sol de ma chambre se met à bouillonner en prenant la couleur du champagne. Je ramène mes pieds sur le lit, et je suis brutalement propulsée contre le plafond.

Je me réveille en haut des remparts. Sigurd et Jeannine sont en train d’observer la vallée dos à moi. Jeannine est en train de dire :

— C’est normal que votre femme vous manque. Mais après le premier vote, Léna vous laissera sûrement quelques jours pour y retourner.

— Léna ne dira pas non, c’est certain. Ce n’est pas elle qui a demandé à ce que nous venions.

— Mais je suis certaine qu’elle apprécie.

— Carrément, que j’apprécie ! m’exclamé-je.

Ils sursautent tous les deux. Jeannine pose sa main sur le cœur.

— Ne me refaites jamais peur comme ça !

Je pose mes bras sur leurs épaules, puis confie :

— J’ai un plan. Adelheid sera là en secours. Il faut que je discute avec Mathilde.

— Je vais essayer de la trouver, m’annonce Jeannine.

Je m’adosse aux remparts et confie au barbu :

— J’ai pensé d’abord à vous, mais étant donné que je vais devoir me présenter dans le plus simple appareil, je me suis rabattue sur Adelheid. Je sais combien elle est efficace pour égorger quelqu’un.

— Adelheid ne le manquera pas, sois-en sûr, mais ça ne pourra plus passer pour un accident.

— Cela se passera ainsi, uniquement si je ne parviens pas à le tuer moi-même. Mais j’ai bon espoir d’y arriver.

— Vraiment ?

— Les hommes sont si prévisibles.

— Je sais que tu as déjà tué tes agresseurs avec Fantou, mais tuer un homme froidement avec préméditation, ça n’a rien à voir avec un cas de défense.

— Mais ça ne doit pas être plus difficile qu’un dragon, si ?

Il sourit.

— Quoi ? J’ai un plan.

— Comment peux-tu sourire avec autant de candeur et être en même temps une femme impitoyable ?

— Ce ne sont pas les qualités d’une impératrice ?

— Sans nul doute.

Il me dévisage avec la fierté dans le sourire, puis déplace l’éclat de son regard vers l’horizon :

— Pourvu que tu y parviennes. S’il y a du sang partout, il sera difficile de nier le meurtre. Et même si tu ne t’attires aucune colère de la part des serviteurs de ce château, les soldats du baron réagiront avec la loyauté égale à l’admiration qu’ils lui vouent. Quant à la sœur du baron, tu pourras oublier ses votes.

— Je me ferai une réputation de tueuse et on révèlera toute l’affaire. Ça ne fera que renforcer l’intrigue de Sten pour moi.

— Il ne faut pas inspirer la peur chez les gens.

Jeannine revient, accompagnée des deux filles les plus âgées. L’aînée prend la parole :

— Votre partisane me dit que vous vouliez me parler.

— Je veux voir le passage secret, savoir comment l’emprunter et comment l’ouvrir.

— Je veux bien, mais vous seule.

Je jette un œil à Sigurd. Nous nous éloignons de deux pas, et il me murmure :

— Garde ton yoyo avec toi, et fais-toi accompagner.

— D’accord, si une de mes courtisanes peut m’accompagner.

Les deux sœurs échangent un regard. Magdeleine opine du menton, alors je dis à Jeannine :

— Trouvez-moi Adelheid.

Sigurd pose un regard d’approbation. Jeannine nous précède d’un pas hâtif. Nous descendons en direction de ma chambre. Tout en descendant les escaliers, je cherche toujours à démêler le faux du vrai. Si Magdeleine s’est fait tabasser à coup de chaise, peut-il rester des traces plus d’un mois après ?

Arrivées dans ma chambre, je m’assois sur le lit et questionne :

— Peut-on parler librement entre ces murs ?

— À cette heure, oui, confie Mathilde.

— Que s’est-il passé à ton retour de la citadelle des scribes ?

Jeannine revient avec mes courtisanes et Marianne.

— Elles étaient juste à côté.

— Merci Jeannine. Sigurd, nous nous reverrons demain.

Il opine et ferme la porte, m’enfermant. Magdeleine, sans un mot, sort les épaules de sa robe et la descend jusqu’au nombril. Ses seins blancs en forme de poire retombent un peu, et des traces encore jaunes marquent ses flancs.

— Père l’a frappée avec une chaise, dit l’aînée.

— Et il l’a mise toute nue devant les serviteurs, ajoute Marianne. Il criait : Vous ne trouvez pas qu’elle est jolie ?

— Il avait bu, et il était déçu, explique Magdeleine en remontant sa robe.

— Ne lui cherchez pas d’excuse, tranché-je. Je voulais juste savoir si l’histoire était vraie.

Non seulement l’histoire ôte mes doutes, mais surtout, elle ôte mes scrupules. L’aînée demande :

— Nous vous montrons le passage ?

— D’accord. Adelheid, viens avec nous.

La fille de Sigurd prend ma main, et nous suivons les deux complotrices ailées jusqu’à leurs appartements. Elles enfoncent une clé, et leur bibliothèque se pousse sans presque faire de bruit.

— À partir d’ici, il ne faut pas parler, sinon ça résonne.

Nous nous enfonçons, dans le tunnel obscur, et elles me guident dans un dédale très bas, dans lequel nous devons nous tenir voûtées. Nous passons à côté de nos chambres car j’entends Fantou raconter l’histoire du Yéti mangeur d’enfant.

Puis, dans un étroit passage où nous pouvons nous tenir debout, Mathilde me désigne le chevron à actionner pour ouvrir le mur donnant sur la chambre de leur père. Je montre Adelheid pour demander en mimant si elle aura la force de l’abaisser. Magdeleine opine, alors nous repartons dans leur chambre commune.

— D’accord. Je m’en occupe personnellement. Je prends un risque énorme pour vous, je compte sur votre soutien.

Je ne les lâche pas du regard, mais leurs yeux ne fuient pas et n’expriment aucun malaise. Avec l’air le plus honnête du monde, Mathilde me dit :

— C’est moi qui ai proposé le marché, je le tiendrai.

— À quelle heure est-ce qu’il s’isole ?

— Après dîner.

— Et il ne se balade pas dans ses passages secrets ?

— Pour quoi faire ? Il est chez lui. Ceux-ci ont été bâtis pour s’échapper en cas d’invasion ou passer inaperçu pour rendre visite aux invitées qu’il recevait. Mais jamais le château n’a été pris.

— Bon, à ce soir, salué-je.

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