31. Méfiances multidirectionnelles (partie 3)

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Le soir tombe, et les servantes viennent nous chercher pour que nous rejoignons la grande salle. Marianne a passé la journée avec mes courtisanes, comme si elle en faisait déjà parti. Elle risque d’être déçue si elle se retrouve d’un seul coup seule.

Comme ce midi, le baron se tient sur son estrade et ses trois filles sont alignées, les mains sagement jointes devant leurs jambes, comme des parangons de vertu.

— Damoiselle Hamestia, Damoiselle des Grisons. J’espère que vous vous reposez bien.

— Très bien. Je suis allée par deux fois admirer la vue depuis vos remparts, déclaré-je.

— Il semblerait que votre venue ici ait attiré d’autres de vos compétitrices.

— Ah ?

Il tend le menton en direction de la porte principale, d’où la Messienne aux ailes blanches arrive, droite de fierté, ses quatre courtisanes ailées vêtues de courtes robes blanches. Elle-même arbore une tenue blanche dévoilant les genoux. Un large collier large plat, d’or et de pierres précieuses, repose sur ses épaules. Ses paupières sont peintes en blanc et font ressortir ses yeux avec brio. Sans doute les habitants de Perle-sur-Filou ont-ils prévenu leur candidate de mon passage.

— Soyez la bienvenue Vivianne.

— Merci de votre accueil, Baron. Cendre, Léna, ravie de vous revoir.

— Nous de même, réponds-je. Vous êtes de toute beauté, ce soir.

— Merci.

— Voilà, en tout cas, une femme de grande élégance qui mériterait d’être Impératrice, commente notre hôte.

Je n’apprécie pas la différence de discours entre mon arrivée et celle de Vivianne. Alors, je demande :

— Dois-je me faire pousser des ailes pour trouver grâce à vos yeux.

— Ce ne serait pas faire honneur au Seigneur Varrok de penser ainsi, dit-il lui-même. Passons à table, je vous en prie.

Vivianne prend la place que j’avais ce midi et je me décale donc sur la droite. Quatre courtisanes, comme moi, donc potentiellement autant de chance. Belle, élégante, immaculée, et par-dessus tout Messienne. Je jurerais le baron capable de voter pour elle, juste pour me dégager. S’il fait ça, même si la plèbe pourrait qualifier son acte de communautarisme, il lui octroierait beaucoup de voix. Je ne dois pas non-plus me montrer hostile, car Vivianne pense du bien de moi. Si je l’évince, ça me rapportera les voix de ses partisans aux élections inter-ducales.

Notre baron est à nouveau parti dans son passé de soldat et la majorité des exploits qu’il narre sont les mêmes qu’il y a quelques heures. Mes mains commencent à devenir moite, rien qu’en songeant à son meurtre. Le stress me coupe l’appétit.

— Et bien, Léna Hamestia. Vous n’avez pas le même appétit que ce midi.

— Que le Baron m’excuse, je crois que je me suis goinfrée avec vulgarité ce midi, car je cale déjà.

— Ha ! Ha ! Je me serai étonné que dans votre corps d’oiseau on en mette davantage. Sur ces mots, mes chères beautés de l’Empire, je m’en vais me coucher. La nuit porte conseil.

— Est-ce donc que vous réfléchissez à donner votre soutien ? questionne Vivianne.

— Comme je l’ai dit à votre camarade, puisqu’on a retiré à ma fille le droit de se présenter, j’utilise le mien pour ne pas voter. Je doute de changer d’avis, mais qui sait ? Les rêves sont parfois révélateurs.

À son sourire carnassier, je comprends que ces mots ne sont là que pour se jouer de nous. Nous nous levons tous, puis nous regagnons nos chambres.

— Vous êtes encore là demain ? demande Marianne à mes courtisanes.

— Normalement, je crois, répond Fantou.

Les portes se referment, et me voilà au pied du mur, les jambes molles, les mains moites et les intestins si serrés qu’ils donnent l’envie déféquer. Trop tard, Mathilde frappe déjà à la porte. Adelheid cache son couteau sous sa jupe.

— Tu te souviens ? Tu ne viens que si je crie.

Elle opine du menton, alors j’ouvre la porte. Sans un échange de mot, je suis l’aînée jusqu’à sa chambre. Les deux sœurs sont là, et le passage est ouvert.

— Il n’y a personne, me promet Mathilde.

Je lui jette un regard pour lui dire qu’elle n’a pas intérêt à m’avoir trompée, et sors mon yoyo de ma poche. Sans un bruit, suivie par les trois Messiennes, je longe les murs. La lumière des pièces passe à travers quelques moellons. Elle me permet de comprendre que je passe sous nos chambres. Un renfoncement à côté du lit permet de passer la tête. J’aperçois les filles à genou en train de prier. Je poursuis, remonte dans l’observatoire au niveau de la chambre de Cendre. Thomas est assis, occupé à l’ouvrage, et Cendre derrière lui glisse ses phalanges sur sa nuque pour peigner les cheveux. Leurs amours sont bien parties.

Je continue, passant sous le couloir pour remonter comme prévu à côté de la chambre du baron. Impossible de voir quoi que ce soit. Je l’entends marcher, je prends une inspiration, sachant qu’il va réagir violemment. Mon cœur bat comme si je perdais mon sang par litres. Je fais signe à Adelheid de tirer le chevron pour voir si elle y arrive. Elle s’y pend, le mur s’ouvre, alors je pénètre dans la pièce illuminée. Des guirlandes d’ampoules font le tour de la pièce. Le baron, torse nu, se tourne avec des yeux injectés d’une stupeur furieuse. Je serre mon yoyo au creux de la main et de l’autre m’appuie sur le mur.

— Comment connaissez-vous ce passage ? !

— Vous sous-estimez l’intuition et la curiosité féminine.

Il a un peu de bedaine, mais les muscles de ses bras et son poitrail tracent l’histoire de l’homme qu’il a été. Il s’avance vers moi agressivement alors je le hèle en levant mon yoyo :

— Stop ! Je suis juste venu présenter ma plaidoirie. Je vous promets que je reste à distance de vous.

Ses sourcils se froncent. Je ferme le passage et la tapisserie murale retombe devant.

— Jolie décoration.

— Vous voulez parler de déco ou de vous ?

— De moi. Et de ce qu’il faut faire, quel que soit le pays, pour réussir quand on est une femme… En tous cas si on choisit la facilité.

Je détache la boucle de mon corset et dévoile mes seins. Il s’apprête à s’avancer trop tôt, alors je fais rouler mon yoyo vers lui. Les lames tintent sur les dalles, le font hésiter, le temps que ma robe termine sa chute. Ses yeux fous se posent sur ma culotte. Je m’assois sur son lit et lui dis :

— Je suis une future impératrice, et donc magnanime. Vous me dévoilez votre corps, je vous dévoile le mien, vous me donnez une caresse, je vous donne une caresse.

— Si je te baise, l’Empereur ne voudra plus de toi.

— Mais avec un peu de délicatesse, vous pouvez passer par derrière.

Il passe sa langue entre ses lèvres. Je suggère :

— Montrez-moi donc vos atouts.

Il baisse son pantalon sans hésiter, me dévoilant son phallus fièrement courbé, gonflé à bloc.

— Il est super beau.

— Et tu vas pouvoir le voir de près.

— J’ai encore mieux à vous proposer. Si vous me léchez suffisamment bien, je vous suce comme jamais personne ne vous a sucé.

Je pense à Adelheid, espérant qu’une gamine comme elle saura venir à bout d’un soldat comme lui. Mes jambes se décroisent, mes mains ôtent ma culotte en tremblant malgré elles, puis jettent le yoyo pour faire comprendre que la voie libre. Il avance, je lève un pied vers son épaule pour l’arrêter. Ses mains se plaquent sur mes cuisses pour m’empêcher de les refermer. Ça n’était pas prévu. Je recule alors que son haleine avinée me brûle déjà la peau.

— Attendez ! Attendez !

— Trop tard pour faire marche arrière, la pourfendeuse de dragon.

— Je voudrais juste que vous fassiez un truc en même temps.

— En même temps.

— Je voudrais que vous caressiez les pieds en même temps que vous me léchez, c’est un truc qui m’excite à mort !

Il semble hésiter, il me faut donc tirer sur la corde sensible.

Je passe ma main sur sa tête nue et murmure :

— Je ne me suis jamais fait lécher par un Messien. Vous pensez faire ça mieux qu’un Humain ?

— Les paris sont ouverts, gamine.

Il s’agenouille, caresse mes pieds. Je détends mes jambes, m’ouvre. Sa langue surgit. Mes cuisses se referment brutalement sur son cou. Mes chevilles se croisent, mes jambes se tendent en écrasant ses carotides. Ses doigts s’enfoncent dans ma cuisse et il me soulève. Mes mains agrippent le montant du lit. Il me tire violemment en arrière. Son visage se violace. Surtout ne pas lâcher ! Il se laisse chuter. Mon dos et ma tête percutent le sol de pierre. Il tombe sur le flanc et ses muscles s’endorment. Je continue à serrer de toutes mes forces, comme si je voulais voir ses yeux sortir de leur orbite. Je compte les secondes.

Après deux minutes de silence, mes cuisses se décrispent, douloureuses de tension. Plus aucun souffle n’échappe des narines, plus aucun battement de cœur ne passe dans sa jugulaire. Alors, regardant les quatre griffures rouges de ma cuisse, j’enfile ma culotte.

— Adelheid, murmuré-je.

Le temps que j’enfile ma robe, elle ouvre le passage et les deux sœurs pénètrent dans la pièce. M’attendant à les entendre crier au secours pour que la sentinelle entre, je ramasse mon yoyo.

— Ça fait quelque chose quand-même, dit Magdeleine, les larmes aux yeux.

Je défais les draps puis les appelle :

— Aidez-moi à l’aliter.

— Je ne peux pas, frissonne Magdeleine.

Mathilde se penche sur une épaule, et Adelheid prend les jambes. Nous soulevons le corps que l’érection n’a pas encore quitté, puis nous le bordons. J’observe les ongles qui ne portent aucune trace de ma peau, scrute le sol immaculé, puis quitte la pièce.

Nous remontons le souterrain dans leur chambre et je leur dis :

— Je sais que la nuit va être pénible, alors je vous souhaite bon courage. Je vous laisse découvrir son absence au réveil et vous inquiéter naturellement avant d’aller le chercher.

D’un pas rapide, je les fuis sans attendre un remerciement. Tout ce que je veux, c’est me laver de la sensation d’avoir son odeur sur ma peau. Malgré qu’il n’ait rien pu faire, il me semble sentir sa langue entre mes cuisses, juste une projection imaginaire trop puissante dont je n’arrive pas à me défaire, une vengeance de son spectre.

Adelheid verrouille la porte de la chambre. Je me défais de ma robe, puis me glisse dans l’étroit puits. L’eau est froide mais qu’importe.

— Savon !

Fantou se précipite vers moi.

— Vous avez réussi ?

— Oui.

— Tant mieux, comme ça Marianne pourra venir avec nous. Elle est bien.

— Si tu le dis.

Je prends la pierre de savon et me frotte les cuisses avant de demander à l’une d’elle de me faire le dos. À poil, toujours à poil. Ce n’est donc que ça qu’attendent les mâles ? Ce soir, ça aura été leur faiblesse.

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