58. Stratégies (partie 2)

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Deux heures après le dîner, il n’a cessé de dire combien il était ébloui par ma témérité. Je suis étalée dans les coussins et Sten compte les petites cicatrices sur mon ventre. Ses doigts sont légers, électrisants, divins… après avoir glissé sur mon visage, il poursuit à la lisière de ma ceinture. Ivre et brûlante de désir, j’admire sa concentration en savourant sa délicatesse. J’aimerais tant que les choses s’accélèrent entre nous. J’aimerais pousser la frontière de notre relation, à la limite de la déqualification. Je veux voir ses yeux afficher une nouvelle fois la suprise et la captivation. Je soupire malgré-moi et il secoue sa ramure.

— J’en étais à combien ? Quatre-vingt quatre ?

— T’as pas tout compté.

Emêchée, je lève les fesses, baisse mon saroual et dévoile mon bassin entièrement nu. Comme prévu, la surprise agrandit ses yeux, puis le sourire embellit son visage rude. Mes cuisses s’ouvrent et ses doigts viennent compter les marques encore plus profondes.

— Quelle courageuse tueuse de dragon.

Ses doigts passent d’une entaille à l’autre, mais je ne suis pas sûre que son esprit soit à faire des mathématiques. Inévitablement, ces caresses effleurent mon pubis, pour mon plus grand plaisir. Le cœur brûlant, je me laisse porter par ses effleurements que je voudrais infinis. Son index appuie sur la cachette de mon rubis et mon corps se tord malgré lui. Il remonte vers mon ventre, alors je repousse son poignet pour qu’il reste d’où il vient. Il se défend :

— Ce ne serait pas raisonnable.

— N’arrête pas ce que tu as commencé.

Sa paume se fait plus ferme, emprisonne mon sexe et fait cambrer mon corps. Mes cuisses et mes doigts gardent son bras emprisonné, l’obligeant à poursuivre son massage. Je me tortille sans aucune gêne, tout en guidant ses doigts pour obtenir l’Everest du plaisir. Ne pouvant soutenir son regard intense, je ferme les yeux. Son majeur d’enfonce de quelques milimètres entre mes lèvres et accélère ses pressions légères et cadences.

— Oh putain ! T’arrête pas !

Il poursuit, dicté par mes popres mains.

Le plaisir explose ! Le ventre lardé par la jouissance, je crie son prénom. Sa main chaude s’immobilise, humide. Je reprends mon souffle.

— Oh putain ! Trop bien ! Je t’aime !

Sa main s’enfuit d’entre mes cuisses tremblantes. Il se penche pour m’embrasser sur la bouche.

— Merci pour cette soirée.

Il se lève puis part, sans même me laisser le temps de lui proposer de lui rendre la pareille. Mes courtisanes passent la tête par le rideau.

— Ça va ? me demande Fantou.

— Oui. Donne-moi un verre d’eau fraîche. Et mon téléphone.

Lorsqu’elle revient, je m’assois et essaie de noyer l’alcool qui me tourne le cœur. Je sens que cette soirée a été fructueuse.

Léna : Entretien terminé et génial ! Faut que je vous raconte.

Siloë : Ça te fera marquer des points, tu crois ?

Léna : D’une manière ou d’une autre.

Chell : Je vais m’assurer qu’il s’emmerde avec moi.

Léna : S’il te pose des questions sur moi, je peux te répondre par texto.

Chell : Pourquoi pas.

Léna : Chell, vu que tu ne veux pas être élue, tu devrais me laisser sa place. On n’a pas eu le temps de terminer. Je suis encore chaud-bouillante !

Chell : Je n’ai pas encore démonté le narguilé

Léna : J’arrive

Siloë : Je suis avec mes hommes.

La main de Sten m’a laissé un goût de trop peu. Le narguilé, ça va me finir, et puis je pourrais raconter la soirée à Chell. J’enfile mon saroual, puis dis aux filles :

— Je vais voir Chell.

Je quitte la suite. Ma garde en faction m’emboîte le pas. Nous parvenons à la suite de Chell. Une de ses courtisanes m’ouvre, et je m’engouffre.

— Whao ! Sexy ! me dit Chell. Alors ? C’était hot ?

— Putain ! À la fin ouais ! Je ne pensais pas que ça allait tourner comme ça. Mais avant, on a trop discuté, je te jure. Je sais tout de lui. Son premier amour, son premier meurtre, j’ai tout épluché. Du coup, je l’aime encore plus qu’avant. Je veux l’épouser ! Je veux que mes parents le rencontrent ! Je veux le baiser ! Je veux être celle qui lui fait tout oublier, tu vois. Attends, je te raconte la partie de dames ! Trop fort comme je l’ai latté !

Je m’assois sur les coussins, surexcitée, et commence ma narration. Après cinq minutes, des petits poings tambourinent à la porte et la voix de Fantou s’exclame :

— Léna ! Léna ! Léna !

Je me précipite vers la porte et lorsque je l’ouvre elle s’exclame :

— Adelheid a capturé une fille !

— Où ?

— Dans la suite !

Je pars en courant avec Chell et ma soldate. Ses courtisanes nous poursuivent. Nous parvenons comme un troupeau de bisons en pleine charge à mes appartements. Adelheid tient Gaëlle Chaudes-Ecumes à genoux, dos à elle, un bras en travers de la gorge, la pointe d’un couteau sur le cou. Je m’exclame :

— Qu’est-ce qu’elle fout là ? !

— Elle versait du poison sur les fruits, répond Mala.

— Ferme la porte et va aider Adelheid.

Ma sentinelle m’obéit et pose la pointe de son épée sur le cou de ma rivale. Je m’assois et sourit :

— Gaëlle la guerrière, maîtrisée par une gamine de dix ans. Je commence à me demander si quelqu’un ne t’a pas aidée à voler cet œuf de dragon. — Elle ne répond pas. — Je suppose que ton peuple fait trop d’éloge de moi pour que tu prennes le risque de t’aventurer ici. Tu m’as crue partie ?

Ses yeux restent rivés vers le sol. Elle ne joue pas les dures à cuire, mais elle a le cran de ne pas me supplier. Après tout, j’ai le droit de vie ou de mort en ces lieux. Mais pour la tuer, il faudrait que j’en ai l’envie. Malgré le fait qu’elle ait empoisonné la nourriture, je n’ai pas ce stress vicéral qui jusqu’ici m’a permis de tuer. Je me trouve face à un dilemme, la laisser libre sans la punir, ou la zigouiller. Après tout, c’est une aubaine pour me débarasser de la concurrence. Je doute qu’elle retire sa candidature après être libérée, même si je lui fais promettre. Le silence mettant tout le monde mal à l’aise, je lui confie :

— Je ne sais pas quoi faire de toi. Je ne te hais pas au point de vouloir te tuer… Malgré que… Quand même, c’est un peu ce que tu viens d’essayer de faire.

L’idée me vient brutalement. Je fais signe à Zélia de me passer une grande bougie. Je la pose devant Gaëlle.

— Je te laisse le choix. La mort ou le déshonneur. — Elle fronce les sourcils. — Je te laisse cinq minutes pour enfoncer ça dans ta chatte et te disqualifier, ou bien je te tue. Qu’est-ce que tu préfères ? Vivre en sachant que tu auras été jusqu’en finale ou mourir. Je te promets que personne ne dira ici comment tu as perdu ton hymen. Tu pourras dire que tu es tombée sous le charme d’un beau chevalier.

Les larmes ruissellent sur ses joues. C’est horrible de se dire que ce monde comme le nôtre n’en est encore à juger la virginité que sur un insignifiant morceau de chair. Pour cette fois, c’est à mon avantage.

Lorsque les larmes de Gaëlle touchent le sol, elle saisit la bougie et la glisse sous sa jupe. Ne voulant pas ête dupée, je lui dis :

— Pas de supercherie, enlève ta robe.

Fantou fait un bond vers elle et délace le corset et la fourrure. La jupe tombe au sol. Gaëlle lâche un sanglot qui me glace le cœur. J’essaie de ne rien laisser paraître.

— Les filles, sortez.

Mes courtisanes s’éloignent toutes.

— Sortez aussi, dit Chell à ses servantes.

Lorsqu’elles ferment la porte, il ne reste plus que Chell, moi et ma sentinelle dont la lame ne quitte pas la nuque pâle. Gaëlle conduit la bougie à son sexe. La situation est intenable.

— Dépêche-toi !

Son visage se ferme et ses mains enfoncent brutalement l’objet. Elle lâche un couinement de douleur sans desserrer les dents. La bougie tombe sur le pavage, à peine rougie par un filet de sang.

— Bien. Fais tes bagages. Retire-toi pour la raison que tu souhaites officielle. Si demain midi, tu es encore là, je m’assure que ce soient les scribes qui te disqualifient.

Elle remonte la jupe à sa taille, renfile son corset, puis part sans nous regarder une seule fois. Je reste assise, terrassée, ma belle soirée avec Sten pourrie par cet évènement. Chell joint ses mains, puis cherche un truc à dire :

— Bon, ben un duché en moins. Et puis là-bas, t’es sûre d’être élue.

— Oui. Dis à tes courtisanes de ne rien raconter. Si jamais, à midi, elle est encore là, fais leur répandre la rumeur qu’elles ont vu Gaëlle faire l’amour avec un homme dans les écuries.

— D’accord.

Chell quitte la pièce, et je dis à ma sentinelle :

— Il ne s’est rien passé.

— Ce qui s’est passé, ne peut vous disqualifier en aucun cas, vous êtes sur votre territoire.

— Oui, mais je ne veux pas salir l’image de Gaëlle, si jamais elle veut partir la tête haute.

— Elle a essayé de vous tuer.

— C’est une aspirante impératrice, aculée, sur le point de perdre le trône parce que j’ai eu la chance de terrasser un dragon sur ses terres. C’est normal qu’elle soit allée jusqu’à cette extrémité. Avoir un geste magnanime envers ses ennemis, c’est une chance d’en faire de futurs alliés. Peut-être me trompé-je, peut-être fomentera-t-elle une révolte, mais à cet instant, c’est mon choix.

— Bien, Dame Hamestia.

— Emmène les fruits et jette-les.

— Oui.

Mes servantes entrent quand la soldate quitte ma chambre avec les fruits. En regardant les fillettes, je suis heureuse que Gaëlle ait tenté de m’empoisonner sans utiliser une de ses courtisanes. Qu’aurais-je fait ? Tué une enfant ?

Vivement que l’élection soit finie !

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