65. Spectaculaires aspirantes (partie 3)

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Comme chacune, j’ai peu mangé, et bu peu d’alcool. L’ordre d’apparition des spectacles a été annoncé. Le destin va à nouveau en ma faveur, car il me fait passer en dernière. Comme je compte être le clou du spectacle, ça tombe bien.

J’ai rejoint les coulisses réservées à mes danseuses. J’ai laissé ma famille avec Siloë et Chell. Avec leur téléphone, elles me font vivre en direct la scène.

Les gens s’installent alors que nous nous préparons. Les danseuses collent les paillettes dorées que Siloë a ramené de Terre. Il suffit d’humidifer la peau et de souffler. Le but est d’illuminer une cuisse et un bras opposé. Je vérifie mon maquillage. Je colle mes deux caches mamelons, puis le cache-pubis noir. Fantou et Zélia passent une cape de fourrure sur mes épaules pour ne pas que je prenne froid. Sur l’écran de mon smartphone, je vois Matthias prendre place sur la scène.

— Ça commence ! annoncé-je.

Les danseuses se regroupent autour de moi. Matthias harangue la foule :

— Seigneur Varrok, Seigneur des Sables, Seigneurs Fu, nobles gens de Varrokia, soyez les bienvenus dans le théâtre impérial. C’est un peu une coutume, les partisans offrent un spectacle pour convaincre les indécis de voter pour leur aspirante. Les spectacles seront de courte durée, et précèderont l’élection de celle qui sera votre future Impératrice. Le tirage au sort à désigné Pauline du Désert. On m’a informé que Pauline participera elle-même au spectacle.

J’entends un technicien tourner une roue pour diminuer la lumière. Le rideau s’ouvre, sur le vide. La musique commence, classique et douce. Les danseuses arrivent de part et d’autre des coulisses, petits bons, entrechats et trucs à la noix. Je souris devant la mièvrerie, tandis que mes danseuses restent impressionnées par la perfection de certains mouvements. La lumière s’éteint, et lorsqu’elle réapparaît, il n’y a qu’une personne couchée en grand écart au milieu de la scène. Ses bras forment un soleil et révèlent Pauline avec un juste-au corps blanc de notre monde, moulant à souhait.

Elle tient à elle seule la scène durant deux minutes, époustouflant l’assistance de sa souplesse. Nul besoin qu’on nous dise qu’elle a pris des cours de danse depuis toute petite, je serais incapable de faire cinq pour cent de ce qu’elle exécute. Ses danseuses la rejoignent les unes après les autres dans des tenues colorées, et la vedette se retrouve sans que l’œil ne s’en rende compte, habillée d’une longue jupe fendue et d’un top de soie laissant son ventre nu. Portée comme une reine par les hommes torses nus de sa troupe, elle conclut sa danse par un saltot arrière, terminé en grand écart.

Salope !

C’est un tonnerre de sifflets et d’applaudissemnts qui envahit la salle et nous parvient jusqu’aux loges. C’était beau, sensuel sans être dénudé. C’était ce qu’il pouvait y avoir de mieux.

Matthias revient sur scène, annonce les danseurs de Kalia. La préadolescente est assise à côté de l’Empereur et donc ne sera pas sur scène. Cela ne fait que renforcer la discrétion dont elle a fait preuve toute la soirée. Je suis assez satisfaite de cet effacement, elle ne marque aucun point auprès des empereurs. Espérons que cela suffira.

Le rideau s’ouvre à nouveau, et c’est un numéro de funambuliste qui nous est offert. Impressionnant d’équilibre, le duo raconte par sa gestuelle et la musique une histoire d’amour, la conquête d’un homme par une femme. C’est intéressant à voir, mais ça ne marquera pas les esprits. Le rideau se ferme, quelques applaudissements en entrâinent d’autres. Ça va être à moi de jouer.

— Le groupe de Cœur-Empire ! appelle une voix

Capes sur les épaules, les danseuses quittent la loge avant moi. Mes servantes m’entourent, alors que mon cœur bat à mille à l’heure. Je vais reproduire sur scène une chorégraphie trop peu travaillée, dans une tenue inappropriée devant des inconnus, et encore moins devant ma famille. Mes parents ne me soupçonnent pas des talents de stripteaseuse.

Derrière le rideau, la cachette de fourrure noire a été dressé. Je me glisse dessous, laissant mon téléphone à Fantou.

— Tu me diras qui est la meilleure.

La voix de Matthias s’exclame :

— On vient de m’annoncer, il semblerait, que Léna Hamestia participe également au spectacle qui doit la promouvoir.

Surprise gâchée.

La musique s’élève et je devine que la chorégraphie commence. Il est trop tard pour reculer. Dans quelques minutes, mes danseuses vont lever la fourrure pour la descendre et me faire apparaître. Je serai nue devant la foule, et je n’aurai pas le choix que de m’engager dans la chorégraphie si je ne veux pas être la risée. Il ne faudra pas que je regarde les visages, pas que je croise les regards de mes proches. Putain, il fait chaud là-dessous !

Je transpire comme dans un hammam. Je reconnais les notes du deuxième mouvement qui commence. La fourrure se lève, alors je la suis. Lorqu’elle se baisse je cherche la ramure de l’Empereur qui masque tout le spectacle à ceux assis derrière. Je ne le lâche pas d’un regard incendiaire et tout en gardant les bras en travers de la poitrine, j’affiche un sourire mutin.

Ça y est, la fourrure me dévoile jusqu’au nombril, et la nudité ne fait aucun doute aux yeux ébahis de Sten. Coup de symbale, la fourrure tombe, mais l’éventail passe devant mon bassin. J’ondule des épaules, et à la seconde où un éventail passe devant ma poitrine, je descends les mains en coupe vers mon pubis. Une danseuse passe devant-moi et retire furtivement son éventail. Un « oh ! » de l’assistance couvre la musique. Je lève les bras, mais un ruban passe devant-moi à temps. La transpiration fait décoller le cache-sexe, mais je contiens ma surprise. Les bras levés, je danse avec un sourire provocateur. Il suffirait qu’une seule de mes partenaires trébuche pour tout gâcher.

Les rubans et éventails cachent les corps des danseuses qui vagabondent avec élégance. N’ayant d’autre choix qu’une confiance absolue dans leurs répétitions, mon regard ne lâche pas Sten, dans aucun de mes mouvements lascifs. Parfois je m’accroupis, mais toujours un geste me couvre. Chaque fois que je fais naître l’espoir d’apercevoir un sein ou une fesse, une danseuse me camoufle, elle-même cachée par une autre.

Le final arrive plus vite que prévu. Je me place de profil puis j’avance au fur et à mesure que les éventails s’ouvrent. Lorsque j’arrive au bout, ma hanche droite est révélée entièrement nue au public, un éventail est plaqué de chaque côté de mon bassin, et un troisième devant ma poitrine. J’ondule légèrement pour accompagner le basson. Du bout des doigts, j’envoie un baiser à Sten, sur le rythme que me dicte la flûte traversière. Puis les violons reprennent, et je repars en arrière.

Les éventails se referment quand les danseuses se regroupent, et je m’applatis pour disparaître sous la fourrure. La musique conclut, le rideau se ferme, et une euphorie gagne la salle. Les pas de Matthias martèlent le parquet de l’autre côté de l’étoffe, tandis que mes courtisanes viennent me couvrir. Il n’arrive pas à parler tant la foule est surexcitée. Kalia voulait leur fournir un spectacle de cabaret ? Et bien les voilà servis !

Tandis que nous gagnons la loge, les cris n’ont pas cessé. J’ignore si ce genre de spectacle convient à une future impératrice. En tous cas, j’aurai marqué les esprits.

— Chihiro, éponge.

Ma servante s’empresse d’essuyer la sueur qui fait briller ma peau. Fantou et Marianne s’emploient à fixer les pièces de ma robe. Je me demande ce que mes parents ont pensé de ma prestation. Sten, je sais que ça lui a plu, je me soucis davantage de ceux qui ne m’ont pas vue nue depuis mes six ans.

— J’ai fini, annonce Fantou.

Je regarde les danseuses fatiguées et je leur confie :

— Vous avez été irréprochables. Je vous dois beaucoup. Quel que soit le résultat, je ferai en sorte que vous soyez récompensées.

Une danseuse se lève, puis ramasse sa cape en se rappelant qu’elle ne porte aucun vêtement. La maintenant à hauteur de sa poitrine, elle me dit :

— La meilleure des récompenses sera de rester à votre service. Je ne pensais pas rencontrer une aspirante qui prenne tant de risque avec nous. Être une danseuse du chef des armées me convient parfaitement.

Les autres acquiescent. Je souris :

— J’espère qu’il y aura plus d’homme à se dénuder si c’est pour moi que vous faites les spectacles.

Elles rient timidement, donc je quitte pour rejoindre les abords de la scène. Pauline et Kalia s’y trouvent déjà. Matthias s’exclame :

— Et voici Léna Hamestia ! — J’avance vers eux. — Quel spectacle ! Il lève tous les doutes sur votre beauté dame Hamestia !

Je souris simplement, ne sachant comment lui répondre.

— Bien ! Voilà presque une heure que les offices de vote sont fermés. Les scribes comptent déjà les voix obtenues par le peuple. Je rappelle que nous élisons la future souverraine de Varrokia. C’est désormais à vous de voter. Je vous invite à quitter vos places pour retrouver les scribes dans les loges à l’étage. Nous commençons par les rangées A à F.

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