67. Sacré sacre (partie 1)

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Mercredi 28 novembre 2013

— Léna, murmure une voix.

J’ai soif. L’odeur de Malika n’est pas désagréable. J’ouvre les yeux et découvre sa nuque sombre. Silöe, plus basse dans le lit me bave sur le creux des reins. Chell est étendue sur le dos à un mètre de nous, comme une étoile de mer échouée sur la plage. Du vomi a coulé le long de sa bouche et l’odeur imbibe ses cheveux. Je m’assure qu’elle respire en prêtant l’attention quelques secondes.

— Léna, murmure à nouveau la voix.

Je sursaute pour découvrir Fantou, toujours en robe de soirée, visiblement inquiète.

— Il faut rencontrer les scribes à la citadelle.

— Quoi ? Mais t’es déjà tatouée.

— Mais non, c’est pour toi.

Fait chier ! Qu’est-ce qu’ils me veulent, encore. D’un doigt en travers de la bouche, je lui fais signe de ne pas faire de bruit. Je rampe sur le lit puis me penche pour lui chuchoter ma vengeance à l’oreille.

— Tu vas chercher les autres, vous vous mettez près des filles, et vous criez : debout les feignasses, en même temps.

Une étincelle de complicité fait pétiller son regard, et elle court sans un bruit vers la porte. Je me glisse dans le bain auprès duquel gisent nos verres vides, et tends la main vers le savon. Il faut que je sois propre pour ces satanés scribes.

Les seize servantes s’engouffrent et entourent le lit. Je change ma place pour observer le résultat. Fantou donne le signale et un chœur suraigü retentit :

— Debout les feignasses ! ! !

Elles sursautent tous les trois. Siloë leur jette un oreiller alors qu’elles éclatent de rire. Fantou attrappe un coussin et frappe ma meilleure amie. La bataille est perdue d’avance, mes sœurs fuient le lit et se réfugient dans le bassin avec moi.

— Je parie que c’est ton idée, grogne Siloë.

Je ris.

— Vous croyez que vous alliez faire la grasse matinée pendant que je me fais machiner par les scribes ?

— Oh ! Les scribes ! J’avais oublié, soupire Chell.

— Genre, c’est toi qui vas y passer, dis-je.

— Non, mais j’ai négocié un accord pour passer discrètement avant que tu passes. Je ne veux pas que Sten l’apprenne, je ne sais pas s’il l’accepterait, vu toutes les histoires avec ma famille.

Nos servantes viennent nous masser les bras et les épaules.

— Bon, on se le fait où ce tatouage ? demande Chell.

— Moi, je le veux en bas du dos, dit Siloë.

— Ouais, ça sera classe !

Trois quart d’heures plus tard, nous parvenons à la sinistre citadelle des scribes. Pour la première fois, j’y parviens par le rez de chaussée. Il y a les deux courtisans de Sten qui attendent à la porte.

— Restez ici, les filles.

Je m’avance seule dans l’enclave. Le narguilé géant a été démonté, et il ne reste que les tables métalliques, sans plus aucune cloison pour les séparer. Sten Varrok m’attend, entouré de deux poissons en blouse. Je me dresse sur la pointe des pieds et pose ma bouche sur la sienne.

— La nuit a été calme ?

— Je ne me suis invité dans la couche d’aucune femme, si c’est le sens de ta question.

— Je suis contente.

— Les scribes vont vérifier que tu peux toujours être sacrée aujourd’hui. Si ce n’est pas le cas…

— Ce sera le cas, tranché-je.

— Tant mieux.

Il reste immobile, alors je lui demande :

— Tu comptes rester là ?

— Je t’ai déjà vue nue plus d’une fois.

— J’adore être toute nue. Mais il y a des moments où je n’aime pas être regardée. Quand je fais caca, par exemple, ou quand…

— Je tiens à être là. Je ne veux pas qu’on me mente.

Je soupire. Je lui tourne le dos et lui désigne du doigt les attaches. Il les défait, et les écailles de métal entraînent ma robe sur le sol. Il émet un ronronnement satisfait en passant ses mains sur mes fesses.

— Je crois que je ne me lasserai pas.

J’avance vers la table, et un des scribes se place devant-moi. Il pose son crochet de métal sur ma poitrine.

— Poitrine ferme de catégorie 3, ventre plat catégorie 1, une peau blanche…

Sten s’agace :

— Passez donc à la suite, je le vois bien qu’elle est toujours aussi belle.

— Notons-nous les cicatrices récentes ?

— Non. Ce ne sont que des estafilades éphémères.

Le scribe désigne la table. Encore plus impatiente d’en finir que mon fiancé, je me couche sur le métal froid.

— Bien, me dit le dactylo, veuillez observer uniquement et tout le long de cet entretien l’œil au-dessus de vous. Il nous dira si vous mentez.

J’observe la lanterne rose et lumineuse au-dessus de ma tête. Mes cuisses s’ouvrent sans qu’on m’y force, accrochant les yeux de Sten. Le scribe questionne :

— Vous vous appelez Léna Hamestia ?

— Ça n’a pas changé.

— Répondez par oui ou non.

— Oui.

— Vous avez dix-huit ans ?

— Oui.

— Avez-vous déjà eu des relations sexuelles avec un homme ?

— Est-ce qu’un massage entre les jambes, ça compte ?

— Oui.

— Et une pipe ?

— Une quoi ?

— J’ai eu des relations avec un homme, un seul. Sten Varrok.

— Nous allons vérifier.

Son confrère présente une baguette métallique à ma bouche. J’espère que depuis, ils l’ont nettoyée. Elle s’enroule autour de ma langue puis le scribe l’agite dans un pot en verre. Le liquide incolore qui s’y trouve vire au violet au lieu du rose de la dernière-fois.

— Pas d’infection, mais à l’évidence, de la semence d’homme a tapissé ses muqueuses.

— De combien de temps ? demande Sten.

— Très récent, quelques heures. Des traces plus anciennes créeraient des cristaux noirs.

Sten sourit et je lui fais remarquer :

— Mon seigneur serait jaloux ?

Son comparse, avec une pince métallique écarte mes nymphes. La baguette de métal sillonne les recoins de ma vulve. Sten est attentif, anxieux, et ce manque de confiance me peine. Surtout qu’il est le dernier à pouvoir me reprocher un écart.

— Hymen annulaire présent, mon Seigneur.

— Ça ne veut rien dire.

Après s’être aventurée dans les vesituble de mon intimité, la baguette trempe dans un nouveau flacon. J’observe le résultat rose clair. Le scribe conclut :

— Pure.

Je referme les jambes alors que Sten s’approche de moi. Il caresse mon ventre, ma poitrine, puis ses yeux fondent dans les miens.

— Tu seras ma reine.

— Tu comptes me faire passer un examen chaque fois que tu auras un doute ?

— Le doute n’existe pas sans raison.

Je m’appuie sur les mains pour me redresser.

— Et si moi, je doute ?

Je lui tends les lèvres et il m’embrasse.

— Procédons-nous au tatouage d’union ?

— Evidemment, grogne Sten. Où désires-tu que nos blasons s’entremêlent ?

— Dans le bas du dos, souris-je.

— Et sur moi ?

Je réfléchis. Je pose mon index sur le cœur caché par l’uniforme. Il enlève sa veste, faisant apparaître ses pectoraux massifs blancs. Il s’allonge sur une table et ordonne :

— Liez mes armoiries et celles de ma femme.

Ma femme, il m’a appelé ma femme. Je me tourne sur le ventre et le scribe vient poser son stylet là où je lui désigne. Il sillonne ma peau, puis je la sens fourmiller et se remplir. Si les tatouages pouvaient être aussi agréables sur Terre, tout le monde en arborerait.

Il termine rapidement. Je m’assois sur la table et admire celui gravé sur le pectoral de Sten. Mon blason est représenté avec une large ramure. Je me glisse de la table et me love contre lui pour l’embrasser. Plaquer ma poitrine contre son buste chaud. Ça y est ! Même si la magie ne court pas encore dans mes veines, nous sommes liés d’une façon ou d’une autre.

— On m’a dit que vous deviez lier trois nouvelles courtisanes. Je vous invite à le faire dès maintenant, nous devons préparer le sacre.

Sten a un sourire carnassier :

— Des nouvelles courtisanes ? Je croyais que tu avais déjà trop de courtisanes ?

Je n’ai pas envie de lui mentir. Au moins, il écoutait ce que je lui disais dans le bain du Duché Noir, et ne faisait pas que me reluquer.

— Mes deux sœurs et Malika. Je ne voudrais pas les voir vieillir à côté de moi.

— La magie est un privilège rare. Il n’y a pas que l’immortalité que tu obtiendras.

— Cela me fait vraiment beaucoup de peine que tu ne leur fasses pas confiance. S’il te plaît, au moins Siloë et Chell. J’ai grandi avec elles, je les connais mieux que je ne me connais.

Ses yeux me scrutent profondément.

— Avec le temps, les amitiés comme les lignes de familles se brisent. Mais pour tes beaux yeux, pour que notre mariage soit heureux, fais-les entrer toutes les trois.

Je plaque ma bouche sur la sienne, me libère de son étreinte et vais ouvrir la porte. Mes amies écarquillent des yeux. Je leur tourne aussitôt le dos pour leur montrer le tatouage :

— Regardez !

— Trop stylé l’assemblage des emblèmes ! s’exclame Siloë.

— Allez, à vous ! Installez-vous sur les tables.

Je prends les fioles que me tend Chell. Mes amies se couchent chacune sur une des tables métalliques. Le scribe prend les fioles

— Vous allez rester regarder, seigneur Varrok ? demande Chell.

— Pourquoi ?

Chell me regarde et dit :

— Je ne porte pas de culotte.

— T’inquiète, il ne fera que regarder, réponds-je.

Je remonte moi-même la robe, et nargue Sten

— Tu ne voudrais pas voir se flétrir les jolies fesses de ta cousine éloignée ?

Il sourit simplement. Je lui prends la main pour qu’il se retourne.

— Assez maté. Profite plutôt de ce que tu as sous les yeux.

— C’est ça ! crie Siloë. T’as peur qu’il se rende compte que mon cul est plus beau que le tien.

— De toute manière, me sourit Sten, je dois aller m’assurer que les préparatifs suivent le bon rythme. J’ai hate de retrouver ces courbes qui m’ont tant tourmenté ces derniers jours

Mon fiancé m’embrasse puis s’éloigne en ramassant sa veste et en jetant un dernier regard aux croupes de mes amies. Je ramasse ma robe. Vivement le sacre.

Les copines tatouées de mon emblème loufoque, nous retrouvons mes parents. Thomas est en train d’ajuster la robe sur ma peau. Ma mère et mes meilleures amies sont réstées avec moi.

Thomas propose :

— Voyez, finalement, on verra le tatouage.

— Ça fait le dos très nu, glisse ma mère.

— Pas plus que pendant la danse, sourit Chell.

— Mais si elle descend trop durant une danse, on verra ses fesses.

— Elle sera bien attachée, la rassure Thomas.

— Allez, décidez-vous ! Sinon la robe ne sera pas prête ! Après si on ne voit pas le tatouage, je m’en tape.

— Ce serait dommage, glisse Siloë. On fait comme ça.

— On fait comme ça, confirme Malika.

La robe est composée d’un tissu soyeux noir aux reflets dorés, ramené de la Terre. Le dos est donc nu, seul un entrelacement derrière les omoplates maintient la robe à hauteur de la poitrine. Cette fois-ci, pas de fente pour les jambes. La robe est ample, traînera sur le sol comme le doit toute robe de princesse. Le bustier est magnifique, la poitrine soutenue par deux coquilles d’or sur laquelle on trouve en relief une scène de mort de dragon correspondant à ma légende. De la tulle dorée noue mes cheveux. Thomas termine les nouvelles attaches. Je me tourne vers ma mère et mes copines.

— Alors ?

— Ça ne fait pas très mariée, mais tu es très belle, ma fille.

— Pourquoi une robe deverait-elle être forcément blanche ?

— Juste que… J’en ai rêvé de te voir dans une belle robe blanche, avec ton père te conduisant dans une berline… Bref ! Toujours sûre de toi ?

— De Sten ? Tu m’énerves à poser la question. Et puis même si ça ne dure pas l’éternité, Maman ? Que se passera-t-il ?

— Rien, c’est vrai… sans doute du chagrin.

Je me tourne vers le miroir et maugrée pour moi-même :

— Il m’aura baisée et j’aurai la jeunesse éternelle.

Siloë qui a décrypté sourit. Maman demande :

— Tu dis ?

— Rien.

— Tiens, mets ton yoyo à la ceinture, me propose Thomas. Les gens l’aiment bien, on le voit souvent sur les icônes.

— D’autres questions ? interrogé-je.

— Non. Si t’es sûre, ça me va très bien. Ton bonheur est ce qui compte. — Ma mère se lève et m’embrasse — Je suis fière de toi.

Elle va me faire pleurer.

— Merci Maman. Allez-vous préparer. Je vous retrouve au bal. Toi aussi Thomas, si tu as fini. Va retrouver Cendre.

Ils s’éclipsent tous, et je me trouve seule, sans même une courtisane. Ça va être l’attente la plus longue de ma vie.

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