68. Sacré sacre (partie 2)

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Les heures passent. Malgré le dos nu, la robe me tient chaud. Je me mets de dos et mate le tatouage en bas de ma colonne. Vraiment sexy et symbollique. Enfin on frappe à la porte et une femme m’interpelle.

— Votre Majesté ?

— Oui ?

— Votre escorte est prête.

J’ouvre la porte. Mes quatre soldates sont prêtes, le visage toujours masqué par le heaume effrayant. Une cape dorée couvre leurs épaules d’acier. Elles sont désormais la garde impériale, c’est un honneur inestimable.

Armée d’hallebardes à la lame forgée dans l’or, elles m’escortent sans un mot jusque dans la cour déserte. Anaëlle m’attend, ainsi que les seize courtisanes, vêtues d’un unique pagne doré et de bijoux, comme le veut la tradition.

— Siloë a dit qu’un char, ce serait nul, m’indique Fantou.

— Elle a oublié que j’étais en robe ?

Je remonte le bas de ma robe et m’installe en selle. Une de mes soldates fait partir la robe vers la queue de ma monture, avant de se hisser à son tour.

L’escorte restante est impressionnante. Les soldats de Sten… ou puis-je dire les miens, forment un goulet de protection autour de mon cortège féminin. Nous quitons le château et nous aventurons dans les rues bondées de Varrokia. La foule est incroyablement dense. Je me suis habituée aux cris, je les salue de la main, envoie des baisers généreux du bout des doigts.

— Je vous aime Varrokia.

— On vous aime Léna Hamestia !

Ces cris de soutiens et parfois d’hystérie sont agréables. Ça y est, je ne suis plus qu’une aspirante, je suis leur souverraine, je suis sacrée.

Le cortège traverse la capitale, jusqu’à une rue s’enfonçant vers un lac en contre-bas. Une immense place a été battie au milieu. Des hauteurs citadines, chacun peut assister au sacre. Seules les élites ont accès au pont qui traverse l’eau. Les nobles sont installés sur des chaises, alors que Sten attend auprès d’un scribe qui a troqué sa blouse blanche pour un costume plus cérémonial. Je ne saurais dire si c’est une des créatures qui m’a tagué le cul ou un inconnu. Mon fiancé porte un costume évidemment noir, mais jamais il a arboré tant de décorations dorées. Il est impressionnant de charisme. Une couronne d’or cerne la base de ses bois.

Sur la place rituelle, pas de cri d’hystérie, l’instant est au solennel. Mon cortège s’arrête, mais pas moi. Anaëlle me conduit à travers l’allée des invités jusqu’à l’empereur. Je mets pieds à terre, replace ma robe, puis montre du doigt mes courtisanes restées en arrière pour qu’Anaëlle reparte d’elle-même.

— Quelle fière cavalière, sourit Sten.

— Quel bel empereur.

Le scribe, rejoint par un alchimiste, annonce :

— Peuple de Varrokia. Nous sommes ici, non seulement pour officialiser l’union de sa Majesté le Seigneur Varrok à Dame Léna Hamestia, mais également pour sacrer Dame Léna Hamestia, Impératrice de votre Royaume. Seigneur Sten Varrok, Réunificateur des Royaumes, Empereur de Varrokia, acceptez-vous de prendre pour épouse, Dame Léna Hamestia élue par votre peuple, de lui confier le droit de vie ou de mort sur vos sujets, et de partager avec elle vos pouvoirs divins ?

— Oui, je le veux.

Cool, ça c’est facile à dire comme phrase.

— Dame Léna Hamestia, pourfendeuse de dragons, tueuse de mages noirs et chef des armées de Varrokia, acceptez-vous de prendre pour époux sa Majesté le seigneur Sten Varrok et de porter la responsabilité de la couronne ?

— Oui, je le veux.

— Par les pouvoir qui me sont confiés, je notifie donc dans les écritures éternelles, en ce mercredi 28 novembre 2013 que sa Majesté le Seigneur Varrok, Réunificateurs des Royaumes et que sa Majesté Léna Hamestia, pourfendeuse de dragons, tueuse de mages noirs et chef des armées de Varrokia, se sont unis dans le respect sacré de nos lois. Qu’on amène la couronne.

Chacun tourne la tête vers Fantou. Pieds nus, jolie avec ses bijoux, elle est au centre de toutes les attentions, apportant sur un coussin rouge la couronne qui m’est destinée. J’espère que ses parents l’aperçoivent depuis les murailles de la ville. Ils doivent être aussi fiers qu’elle l’est en ce moment.

— Que personne ne bouge !

L’attention occupée par Fantou est brutalement détournée vers ma mère. Gaëlle Chaudes-Ecume se tient derrière elle, un couteau sur sa gorge.

— Maman ! m’exclamé-je.

— Qui a laissé entrer Gaëlle ? hurle Sten.

— La couronne ! Amène la couronne par-ici, gamine, ou je tue la mère de ta maîtresse.

— Gaëlle ! Lâche ma mère ! Qu’est-ce que ça t’apportera d’avoir la couronne ? Tu crois que ça fera de toi l’Impératrice ?

— D’abord la couronne, ensuite toi.

— Moi quoi ?

— Tu enlèves ta robe et tu sais ce que tu as à faire devant tout le monde !

Comment réagir ? Son visage est rouge de haine, elle est prête à tout. En aucun cas, je ne peux accéder à sa requête. Pourtant, c’est la vie de ma mère qui est sur le fil du couteau. Je sens mon tatouage diffuser sa magie en moi. Elle provient de Sten. Elle me remplit de confiance tout en se propageant le long de ma colonne vertébrale jusqu’au bout de mes doigts.

— Fantou, donne-lui la couronne.

J’avance, tandis que l’attention de Gaëlle est détournée par la couronne et passe mon yoyo dans mon dos.

— Ne t’approche pas !

Je suis à bonne distance. La puissance qui déferle en moi me donne une sensation de maîtrise absolue. Gaëlle saisit la couronne et la glisse dans ses cheveux noirs.

— Maintenant ta robe !

— Elle ne t’ira pas !

— Ta rooobe ! ! s’égosille-t-elle.

— Crie-le plus fort pour voir.

— Ta rooooo…

Je lance mon yoyo dont les lames surgissent. Il rentre dans sa bouche grande ouverte et lui traverse l’arrière du crâne. Je tire violemment la chaîne pour ramener le yoyo et faire voler la couronne dans ma direction. D’une main, je rattrappe mon arme, de l’autre la couronne. Maman reste pétrifiée, alors qu’une clameur hystérique gagne la foule. Siloë la prend dans ses bras.

Fière, je coiffe la couronne et ouvre les bras.

— C’est qui l’Impératrice ? !

La foule scande mon prénom. Sten avance vers moi, pose sa main sur ma hanche et murmure :

— Nous ferions mieux de retourner au château.

— Allez ! Tout le monde à la fête ! hurlé-je. Anaëlle, au pied !

Je siffle ma véloce qui trotte vers-moi. L’armée forme un bouclier autour des convives et nous reprenons la route du château. Le corps de Gaëlle est jeté à l’eau sans autre procédé, alors que tous lui tournent le dos.

Chevauchant à côté de mon époux, je profite des clameurs pour oublier en un éclair la peur que j’ai ressenti pour ma mère.

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