Chapitre 1

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Courir était sa seule chance de survie, même si le sol gelé sous ses pieds nus lui faisait un mal de chien, elle n’avait pas d’autre choix. Si les gardes réussissaient à la rattraper, tout serait fini. Sa chevelure d’un blanc pur, son teint de porcelaine et sa pauvre tenue d’hôpital lui donnaient un avantage certain dans ce paysage hivernal, où la neige recouvrait le sol et les arbres.

Dix-huit n’en était pas à sa première tentative d’évasion. Elle était l’une des rares à avoir eu le cran d'essayer plusieurs fois. Ils la considéraient bien trop précieuse pour se risquer à la tuer. Cette fois, c’était différent. Elle entendait des tirs et les ordres de tirer à vue. Peut-être n’avaient-ils pas apprécié son idée de libérer certains de leurs prédateurs en cage. Cela ne l’empêcherait pas de dormir le soir venu.

Elle gardait l’espoir de réussir à atteindre le portail, de rejoindre l’autre monde, celui d’où venaient les normaux. Agile, et très bien entraînée par ceux-là mêmes qui tentaient de l'empêcher de s'enfuir, elle se hissa au cœur d’un grand sapin dont le tronc était légèrement plus large que ceux qui l’entouraient. Calmant sa respiration pour ne plus émettre le moindre bruit, elle patienta. La neige tombait sans interruption et la nuit pointait, cette fois, elle avait réussi.

— Où elle est passée ?

— Elle ne peut pas être bien loin.

— Si on ne la retrouve pas ils vont nous tuer.

— Ouais, bha bouge-toi et cherche là, j’tiens pas à crever pour un de leurs animaux.

On se demande bien qui est l’animal là dedans, pensa-t-elle, les observant depuis sa cachette.

Dix-huit avait été créée ici. Ses parents étaient volontaires pour une expérience de modification génétique destinée à offrir à l’espèce humaine de nouvelles facultés : une meilleure résistance aux maladies, meilleure longévité, vue, force et d’autres promesses, plus hallucinantes les unes que les autres. Son père, avait reçu de l’ADN d’un lion blanc en voie d’extinction, tandis que sa mère s’était vue recevoir celui d’une panthère noire sauvage et pure, indomptable.

Les cobayes n’étaient pas sensés avoir des rapports sexuels cela leur était même strictement interdit. Mais peut-on tendre un verre à un pilier de bar et lui interdire de le prendre ? Bien sûr que non.

Dès sa naissance, on la retira à ses parents. Elle était différente. Ses yeux, sa peau, ses cheveux, son intelligence précoce.

Les volontaires étaient tous des individus un peu perdus, n'ayant rien à perdre, faciles à manipuler, et surtout seuls, sans familles, soigneusement ciblés par des recruteurs. Dix-huit était donc née d’un coup d’un soir. Elle fut la première à survivre, mais d’autres suivirent.

Elle profita du fait que les gardes soient partis à l’opposé du portail pour s’y ruer. La neige, moins épaisse dans cette zone, car très fréquentée par des véhicules en tout genres faciliterai sa fuite. Un éclat de verre de bouteille gisant sous la neige lui entailla le pied, lui arrachant un gémissement de douleur sans qu’elle ne s’arrête pour autant.

Le portail était droit devant elle. Elle s’en approcha au plus près et, dès qu’il fut à sa portée, prit son élan et sauta, se raccrochant à l’épais grillage avant de se hisser par-dessus, elle retomba de l’autre côté comme un chat retombe sur ses pattes.

— J’ai réussi… elle n’en revenait pas, mais c’était vrai.

Toutefois, l’heure n’était pas encore aux réjouissances. Il lui fallait partir et vite, rejoindre la ville, se cacher et trouver des alliés. De l’autre côté du portail, elle se remit à courir. Le bois était encore vaste avant d’atteindre la route. La nuit étant tombée, malgré une acuité visuelle accrue, elle devait redoubler de vigilance.

Sa course la mena à une route qui longeait un flanc de montagne. L’obscurité totale régnait autour d’elle. La jeune femme suivit le sol goudronné, espérant tomber sur des habitations ou… sur n’importe quoi qui pourrait lui être utile.

Elle n’eut pas à chercher longtemps, l’environnement était si sombre qu’elle n’avait pas vu le virage et la voiture arrivée de nulle part. Le choc fut violent, l’envoyant par-dessus le capot et le pare-brise de ce qu’elle reconnut comme étant un pick-up, sa tête heurta violemment le hayon avant qu’elle ne s’écrase au sol, inconsciente.

— Merde, merde, merde ! Qu’est-ce que j’ai fait !

— C’était quoi, ça ?

— J’en sais rien, mais y’a du sang et des bosses sur le pick-up de la boîte… Je vais me faire tuer !

— Arrête de dire n’importe quoi, mets tes warnings, je vais voir. un jeune homme descendit, contournant avec précaution le véhicule avant d’arriver jusqu’à la victime de l’impact.

— Oh ! Romy, vient vite ! La fille au volant se précipita vers eux.

— C’est pas vrai ! Elle est vivante ?

— Ouais, je crois mais pas pour très longtemps si on la laisse là, ouvre l’arrière.

Ils installèrent la jeune mutante, sans savoir qu’elle en était une, à l’arrière du pick-up avant de reprendre la route. Le passager, dans la vingtaine, resta avec elle pour l’empêcher de tomber de la banquette. La conductrice, reprit le volant, tremblante et légèrement paniquée.

— Elle saigne beaucoup, là, non ? Merde ! Et c’est quoi sa tenue ? Une blouse ? … Elle s’est peut-être échappée d’un asile ? Tu crois qu’elle est dangereuse ?

— Je te dirais que, tu l’as renversée. Alors je pense que pour elle, le danger, c’est toi… il l'avait dit sur un ton irronique, mais était réellement inquiet.

— T’es pas drôle Yato.

— J’en sais rien Romy, elle est blessée, mais ce sont des blessures dues au choc qu’elle a pris alors… Tu devrais foncer chez Runa, elle saura quoi faire.

— Tu as raison.

Pendant le trajet, Yato prit le temps d’observer la jeune blessée. Il découvrit le numéro dix-huit marqué au fer sur son poignet droit.

— Dix-huit…

Plusieurs semaines s’étaient écoulées avant que la belle endormie ne reprenne enfin connaissance. L’hôpital le plus proche étant situé à plus d’une centaine de kilomètres, Romy et son frère avaient dû prendre une décision rapide lorsqu’ils avaient percuté la jeune femme. Ils l’avaient emmenée chez leur amie, qui dirigeait une petite clinique, dotée de plusieurs médecins et chirurgiens ayant choisi de prendre une petite retraite tranquille dans le canton, loin de l’agitation de la ville.

À son réveil, Dix-huit semblait complètement désorientée. Incapable de parler ni de se souvenir qui elle était ou d’où elle venait. Elle errait dans l’ombre du choc violent avec le hayon du pick-up, sa mémoire avait mis les voiles et emporté avec elle son objectif de venir en aide aux siens.

Le personnel de la clinique se montra d’une grande bienveillance. Ils lui apprirent à manger avec des couverts, à se laver, ainsi que quelques mots simples : « Bonjour, au revoir, oui, non, merci… » et autres formules essentielles.

Runa, la chirurgienne en charge de son cas, veillait sur elle la majorité du temps. Elle constata les nombreuses blessures et anciennes fractures de Dix-huit. Elle envoya une photo de la jeune femme à la police dans l’espoir de découvrir si elle était portée disparue ou recherchée. Malheureusement, ses efforts furent vains.

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