Fern, quelque part dans la forêt de Dean

2 minutes de lecture

Fern, Forêt de Dean, 17 Mars, 2199

Malgré les rayons de printemps qui pointent leur nez, l’air frais lui glace les os. Le calendrier a beau vouloir imposer son dictat, seule la nature insoumise autorisera le règne du soleil à reprendre ses droits. En cette fin février, la lumière est trompeuse, les reflets dorés de l’aube invitent à croire au réchauffement avant d’être bien vite remplacés par des lueurs blanches aussi brillantes qu’acerbes.

La petite fille frissonne dans ses vieux vêtements trop fins. La solitude n’arrange rien. Le froid est d’autant plus mordant quand il creuse l’absence d’êtres chers.

Les muscles engourdis par les quelques heures de sommeil qui l’ont happée au milieu de l’angoisse, elle se redresse difficilement sur son couchage. L’oreiller qu’elle serre contre son coeur a conservé leur odeur, maigre consolation fantomatique dans le silence oppressant de la petite maison.

Combien de temps avant que le parfum de lavande de sa mère, mélangé aux effluves de pin de la crème de rasage de son père ne disparaissent eux aussi ? Combien de temps avant que les larmes versées en continu sur le tissu ne dénature ce souvenir olfactif ? Combien de jours, de semaines, de mois, ou d’années avant que leurs visages ne s’estompent de sa mémoire ?

Fern repose l’oreiller sur les draps et se frotte les bras en marchant vers le placard de la petite cuisine. Derrière sa porte vermoulue, un pot en verre protège son précieux, les derniers petits gâteaux que sa mère lui a confectionnés avant qu’ils ne soient débusqués. Depuis deux jours, ils se sont ramollis, mais cela ne l’empêche pas de les porter à ses lèvres avec amour et révérence.

Elle mord délicatement dans un petit morceau de pâte à peine sucrée parfumée aux fleurs de primevères sauvages séchées. Leur parfum subtil et délicat est rehaussé par les quelques gouttes de miel que sa mère a ajouté à la recette.

Un sentiment de tendresse et d’amour inconditionnel chatouille ses papilles. Elle déglutit péniblement, forçant la boule qui étouffe sa gorge à redescendre dans son ventre, là où elle restera à tournoyer indéfiniment jusqu’à la rendre malade de tristesse.

Le sel de ses larmes se cristallisent au bord de ses paupières. Il est temps.

Si elle prend le risque d’attendre plus longtemps, l’odeur attirera l’attention et les animaux sauvages. C’est probablement ce qu’ils espéraient quand ils ont attaqué, que les loups rogneraient jusqu’au dernier os et emporteraient avec eux toutes les preuves du massacre. Non que leurs exactions auraient été condamnée si elles étaient révélées au grand jour.

Le crépuscule de la justice a laissé place à la nuit éternelle des lois insensées.

Annotations

Vous aimez lire Calliopée Verdet ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0