“C’est ça, je rentrerai vers 20 ou 21 heures. Bisous, à tout à l’heure”.

Je pris mes affaires et quittai le bureau après avoir raccroché. L’entreprise était quasiment vide.

“Comment vas-tu, Alexandre ? demanda une voix suave.

• Ah… Sakhsi. Ça va et toi ?
• Très bien, je te remercie. Où en est l’adoption de ton enfant ?
• Le dossier a été validé, ça ne devrait plus trop tarder…
• Je suis content pour toi ! sourit-il. C’est une sacrée aventure dans laquelle tu te lances…
• Merci.
• Eh bien… sur ce, bonne soirée et à demain !
• À demain”, conclus-je.

J’avais beau ne pas supporter sa présence, il avait mis le doigt sur quelque chose de juste. L’aventure qui m’attendait surpassait tout, même l'humiliation quotidienne infligée aux nôtres. Un jour viendrait où Yoanna, moi et notre enfant pourrions vivre à l’écart dans un monde redevenu sensé. Ce n’était plus qu’une question de temps, nos comptes n’avaient jamais été autant dans le vert.

“Dhori, emmène-moi au Bar du Lousticot."

La voiture passa à travers le centre-ville, illuminé de toutes parts. Les bâtiments néo-haussmaniens, témoignages de l’Illustre Génération, tutoyaient le ciel semi-obscur. La ville vibrait au rythme de la semaine de Célébration des Cultes. Des groupes scolaires, de touristes ou simplement de citoyens curieux sortaient des églises, synagogues, mosquées, temples hindous et de ces fichues forteresses de la gratitude, qui n’avaient de forteresse que le nom. À l’intérieur, d’après ce que j’avais entendu, les sauriens avaient l’habitude de se regrouper et de témoigner, durant une heure le dimanche matin, leur gratitude envers toutes les choses apportées par la Vie. En même temps, à leur place, j’aurais aussi bien des raisons de la remercier, la Vie !