Chapitre 1 : Une proposition intéressante (Rouis)

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  • Tu as de quoi payer, Rouis ? demanda le vieil homme les yeux baissés.

Des gouttes de sueur coulaient le long de son dos ébène. Ses mains naviguaient entre les bouteilles d’alcool. Le liquide brun éclaboussa le chêne du comptoir, libérant une odeur terreuse.

  • Bois-le et pars...

D’une gorgée, Rouis vida son verre, sentant une note amère imprégner sa langue.

Barca, le gérant des lieux, tremblait, le sourire de Rouis s'allongea. Il trouvait une certaine satisfaction à être craint.

À peine sorti du bar, l’obscurité l’enveloppa. Les ruelles s’étiraient devant lui comme des serpents. Le contraste était saisissant avec les fenêtres éclairées, projetant de fines lumières comme des yeux irradiants dans le noir.

Émilie !

Le visage de sa petite soeur lui vint à l'esprit. Elle sautillait autour de bougies, qui projetaient des créatures mystiques, tandis que sa mère éclatait de rire. Rouis n'avait jamais vu une femme aussi belle que sa mère. Son sourire, éclatant comme un rayon de soleil à travers la brume, illuminait chaque espace qu'elle habitait. Mais ce que Rouis aimait le plus, c'était sa douceur ; sa voix le calmait. Sa sœur, plus espiègle, le taquinait souvent, mais Rouis l'aimait autant que sa mère.

Comme un rappel brutal, ses jambes engourdies le ramenèrent à la réalité. Il avança soudain avec peine. Une sueur froide lui parcourut l’échine. Il scruta les alentours, mais il n’y avait personne. Il continua de marcher, cette sensation d’être observé s’intensifia. L’origine de cette impression demeurait insaisissable. Il s’engouffra dans une ruelle étroite, qui ne laissait aucun recoin pour se cacher. Il avança d’une vingtaine de pas et se retourna.

  • Je sais que tu es là !

Un frisson le traversa. Son corps était pétrifié. Un homme de petite taille, bossu, émergea de la pénombre, se déplaçant avec une agilité déconcertante. Il se dirigea en direction de Rouis. Un motif noir corbeau ondulait sur son visage marqué par les rides. Malgré sa taille, Rouis n'arrivait pas à distinguer ses contours. Le tatouage semblait vivant.

  • Je vous cherchais, Monsieur Rouis.

L’homme lui fit un sourire, sa peau se tendit. Rouis ne parvint qu'à bouger l’extrémité de ses doigts, bien inutile, mais le reste demeurait obstinement immobile. L'atmosphère était toujours glaciale.

  • Tu as l’honneur de me rencontrer en chair et en os, rétorquai-je.

Il devait gagner du temps.

  • J’ai une mission parfaite pour un homme de votre stature. Et vous serez bien rémunéré.

Un colosse, le visage criblé de cicatrices, surgit derrière lui. Ses yeux étroits étincelaient d'une lueur sinistre. Il était dangereux.

Rouis le ressentit instantanément. D’un geste brusque, il lança un objet que Rouis attrapa.

  • Considérez cette bourse comme une avance. Vous en recevrez trois autres une fois la mission accomplie.
  • J’accepte.

Le vieil homme resta impassible, acquiesçant d’un léger mouvement de la tête. Puis il tourna les talons, imité par le balafré. Ils se volatilisèrent dans l’obscurité.

L’atmosphère s’allégea enfin. Un léger sourire se forma des lèvres de Rouis. Il deviendrait riche ! Il fixa la bourse à sa ceinture et se dirigea vers la taverne de Falk, un ancien détrousseur reconverti en ménagère. Il consacrait ses journées à astiquer et à mitonner de bons plats. Le simple fait d’imaginer la scène le fit éclater de rire : Falk, portant son tablier, en train de récurer les casseroles.

La taverne était un bâtiment ramassé, aux murs de pierre noircis par la fumée des cheminées. Des lanternes vacillantes éclairaient l'entrée, révélant l'agitation frénétique des clients, tandis que les gloussements bruyants et les éclats de verre brisé résonnaient dans l’air. Falk était introuvable. Rouis se dirigea vers une table, les deux hommes assis se levèrent et s'en allèrent. Il prit place.

Lorsque les serveuses passaient près de lui, elles l'évitaient du regard. Sa réputation de rustre lui faisait éloge. Il finit par en héler une qui vint en traînant des pieds.

  • Deux verres de whisky et le repas du jour.
  • Je vous apporte ça.

La jeune fille partit tremblotante. Les gens se divertissaient en savourant des chopes de bières. Falk se fraya un chemin dans ce tumulte, les poings serrés.

  • Déguerpis, Rouis. Tu n’as pas payé les cinq dernières fois.

Rouis saisit une pièce d’or dans sa bourse et la lui lança.

  • Tu es content ?

Son poing du tenancier frappa la table. Avant même que Rouis ne puisse ouvrir la bouche, il avait disparu dans la foule. La serveuse lui apporta son repas et ses whisky. À peine arrivés, il les engloutit et commanda deux autres verres. Un homme toucha les fesses d’une serveuse. Le coeur battant, il se précipita et alla jusqu’à lui.

  • Tu as un problème ? demanda-t-il au chauve.

Un de ses compagnons se leva, et posa la main sur son épaule.

  • C’est Rouis...

Le crâne d'oeuf cracha sur le sol avant de lui lancer un regard noir. Rouis lui assena un coup à la tempe. Il s’effondra au sol. Peu à peu, un liquide pourpre coula de son oreille. Ses deux acolytes bondirent. D’un mouvement rapide, Rouis frappa au niveau du foie son de assaillant le plus proche. Il s’écroula aussi vite que le premier. Une décharge électrique traversa Rouis lui coupant la respiration. Alors que son assaillant se tenait derrière lui Rouis se retourna pour lui faire face. Un craquement sinistre retentit, suivi d'une saveur métallique envahissant sa bouche. Rouis parvint à se relever, sa vision était floue. Une ombre fonça sur lui, il la frappa de toutes ses forces.

  • Rouis !

La voix grave du propriétaire gronda. La confrontation avec Falk était inévitable. Son regard dur comme la pierre transperça Rouis de part en part. Il lui agrippa le col et le jeta hors de sa taverne.

Rouis peinait à se relever. Il sentit une pression familière sur son épaule. Avec effort, il se retourna et fit face aux boucles dorées de son ami Kaldr.

  • Tu es un clown.
  • Je m’en suis fait trois.
  • J’ai vu, bravo le clown.

Malgré son épuisement, Rouis lança un coup en direction de Kaldr que ce dernier esquiva avec habilité. Il gloussa encore plus fort. Puis soutint Rouis par l’épaule pour l'emmener jusqu'à un tronc.

  • Je sais que tu aimes dormir à la belle étoile.

Il s’empara de sa bourse et prit une pièce d’or.

  • Salopard...

Rouis essaya de se relever mais tomba sur le ventre.

  • Repose-toi, Rouis.

Ses pas s'éloignèrent. En dépit de la douleur lancinante au niveau de ses côtes et de sa mâchoire, Rouis ne détecta aucune fracture. Soulagé, il se laissa tomber sur le côté opposé de son flanc meurtri, dissimulant soigneusement sa bourse. Le froid de la nuit s'infiltrait dans ses os.

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