Chapitre 2 : L'aube des conflits (Kendrys)

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La porte claqua, brisant le silence qui enveloppait la pièce. Soren était assis dans son fauteuil, une bougie tremblante entre ses doigts. Dans l'obscurité qui régnait, les yeux de Kendrys peinaient à s'adapter, jusqu'à ce qu'elle distingue enfin la lueur du regard de Soren.

  • Il est tard Kendrys, dit-il avec lassitude.
  • Je ne suis pas d’accord avec ce mariage, rétorqua-t-elle.

Les mains de Kendrys tremblèrent, sa voix était saccadée.

Il posa délicatement le chandelier sur son bureau, la flamme violette étincelait dans tous les sens. La table était jonchée de livres ouverts, dans un désordre apparent.

Il se leva avec précaution. Sa démarche évoquait celle d'un vieillard, bien qu'il n'eût pas encore atteint l'âge de trente-cinq ans.

  • Il est crucial d’établir une alliance avec la famille Ronce-Noire. Et en tant que seule femme de la famille, tu dois garantir la pérennité de notre lignée.

Des flammes couvraient les mains de Kendrys, elles grandissaient à vue d'oeil.

  • Kendrys, je t'en prie, calme-toi. Cette chaleur étouffante est insupportable.
  • Je suis désolée.

Il lui fallut plusieurs inspirations pour parvenir à les éteindre.

Soren fixa la bougie, le regard ailleurs. Sa flamme devint verte puis mauve, des crépitements touchaient la table. Il demeura plusieurs minutes à regarder la flamme, l’ignorant complètement.  Il tourna lentement sa tête dans sa direction.

  • Ce mariage est vital pour notre famille, Kendrys.

Son attention se reporta sur la bougie.

  • Soren.

Il resta silencieux, absorbé par la flamme dont les couleurs changeaient sans cesse. Elle claqua la porte et partit en pleurs.

Kendrys courut dans les couloirs du château et elle se dirigea vers l’arrière de celui-ci. Elle s’engouffra dans un buisson, les branches s’écartaient à son passage. Elle se retrouva dans une clairière remplie de fleurs multicolores. Marte était couché au milieu.

  • Tu dors ?

Il se tourna vers elle et articula.

  • Je suis désolé.
  • Tu n’y peux rien.

Il hocha la tête pensif.

  • Cette situation ne plaît pas non plus à Soren.
  • Il s’en fiche totalement ! Il ne cesse de parler de jeu de pouvoir.
  • Il n’a pas choisi de devenir le chef de la lignée.

Des ronces s’enroulèrent autour de la main de Kendrys.

  • Elles perçoivent ta détresse.

Les plantes dégageaient une douce chaleur.

  • Avec qui je vais me marier ?
  • Tu n’es pas au courant ?

Elle secoua la tête.

  • Avec le comte Hanté de la famille de la Ronce Noire.
  • Tu l’as déjà rencontré ? demanda-t-elle, une pointe d’inquiétude dans la voix.
  • Une seule fois, et cela m'a troublé. Il était bien plus grand que moi, sa chevelure noire tombant en cascade autour de son visage, ses yeux gris acier émettaient une froideur glaçante. Et sa peau d’une pâleur immaculée, ressemblait à la neige.

Il se tut quelques instants, comme s’il cherchait les mots justes.

  • Ce qui était étrange, c'est que je ne parvenais pas à estimer son âge ; il aurait pu avoir vingt-cinq ans aussi bien que cinquante ans

Un frisson parcourut la nuque de Kendrys. Marte essaya de la rassurer.

  • En tout cas, mes plantes lui ont réservé un accueil chaleureux. Je n'avais jamais vu une réaction pareille de leur part. Elles s'étaient agglutinées autour de lui.

Elle salua Marte et partit. La lave coulait sur sa peau dès que la colère la gagnait. Elle ne parvenait plus à contenir son don. Les flammes recouvraient désormais chaque parcelle de son corps. Elle s'envola derrière le château, dans une zone remplie de cailloux. Elle regarda autour d'elle : seule. S'approchant d'un énorme roc, elle le frappa. Ses bras s'enfoncèrent dedans comme dans du beurre.

  • Calme-toi, Kendrys.

La voix fatiguée de Soren résonnait dans sa tête ; Elle détestait quand il s'immisçait ainsi dans mes pensées. Elle s'embrasa encore plus fort, consumant tout ce qui se trouvait autour d'elle.

  • Tu risques de terrifier les habitants, dit la voix calme de Soren.

Kendrys se calma et observa les alentours ; tout avait brûlé autour d'elle sur un rayon de dix mètres.

  • Rejoins-moi.

Soren était toujours assis sur son fauteuil, fixant la même bougie désormais presque fondue.

  • Tu m’as appelée ? demanda-t-elle, irritée.

Il la fixa pendant de longues minutes, ses yeux étaient vides, ils ne montraient aucune expression.

  • Des brigands ont été repérés dans le sud, à quelques kilomètres de notre château. Il faut les arrêter.
  • Pourquoi moi ? gronda-t-elle.
  • Tu sembles avoir besoin de te défouler.

Il ne changerait pas d’avis. Elle tourna les talons et s’en alla.

Un cheval avait été préparé dans la cour. Kendrys l'enfourcha et s'élança vers le sud. Galopant jusqu'au coucher du soleil. Elle ne voyait toujours aucune trace des brigands.

Enfin, Elle aperçut un petit village. Elle s'avança plus lentement, les rues sinueuses étaient désertes. Les modestes maisons de plain-pied étaient construites avec des briques sombres et cramoisies. Elle n'aimait pas cet endroit. Son cheval non plus, Elle sentait son agitation. Elle était observée. Arrivée devant une étable, Elle frappa à la porte, mais personne ne répondit. Elle le fit alors plus fort. Une lueur éclaira légèrement la petite fenêtre de l'entrée, qui s'ouvrit timidement. Un homme chauve d'environ cinquante ans l'accueillit en fronçant les sourcils.

  • Qu'est-ce que je peux pour toi, gamine ?
  • Je cherche un endroit où dormir et nourrir mon cheval.

L’homme observa son destrier avec méfiance.

  • Est-ce que c’est le tien?

elle acquiesça.

La porte s’ouvrit en grand. Kendrys remit deux pièces d’argent au gérant.

  • Gamin, va t’occuper du cheval de madame.

Le ton du gérant des lieux avait changé dès qu'il reçut l'argent, devenant soudainement plus serviable.

Un adolescent de quinze ou seize ans, maigre comme un bâton, descendit en se courbant. Il lui offrit un sourire timide avant de sortir. Son hôte l'invita à monter à l'étage. De taille modeste, la chambre dégageait une odeur aigre. Les murs, jaune délavé, donnaient une impression de désuétude.

Un léger coup retentit à la porte, et le jeune homme entra dans la pièce.

  • Je vous apporterai le repas à 21h00, dit-il en baissant les yeux.
  • Je ne peux pas manger en bas ?

Il fit une moue avant d'ouvir grand la bouche.

  • Si vous souhaitez, descendez à 21h00.

Elle hocha la tête et le garçon partit d'un pas lourd, le parquet grinçait à chaque foulée.

Elle attendit, allongée dans le lit jusqu'à 21 heures avant de descendre. La salle à manger était exiguë, ses murs étaient faits de pierre biscornues, imprégnés d'une teinte cramoisie comme ceux de la rue. Une table ronde en chêne trônait au centre de la pièce, marquée par des dizaines de entailles. Un lustre suspendu au-dessus semblait prêt à chuter à tout instant.

Le garçon de tout à l’heure était assis sur la table, épluchant des légumes.

  • Ta jument est magnifique, répliqua-t-il.
  • Merci, elle s’appelle Elia.
  • Je n’avais jamais vu un cheval aussi beau.
  • Elle est belle mais elle a un sacré caractère.

Il hocha la tête et se dirigea vers la cuisine. Puis, il remonta un bol fumant avec un morceau de pain.

  • Merci.

Elle croqua dans la baguette ; elle était dure. Elle la trempa ensuite dans le bouillon.

Il observait avec envie alors qu'elle mangeait.

  • Tu as faim ?

Il tournicota sur lui-même. Elle lui tendit son bol de bouillon, mais il fit non de la tête.

Kendrys prit une pièce d'argent et la lui tendit ; il refusa une seconde fois. Se levant, Elle la déposa dans sa main. Il la remercia.

Le pain n'avait toujours pas ramolli dans le bouillon.

  • Est-ce que tu as entendu parler de brigands ? lui demanda-t-elle.

Sa main gratta nerveusement sa tête, ébouriffant ses cheveux noirs.

  • Hier, il y a eu une attaque dans le village. Sept personnes ont perdu la vie.
  • Il y a eu des survivants?
  • Non, dit-il gravement.

Elle ne sut pas quoi répondre. Elle n'avait jamais été douée pour consoler. Elle continua son interrogatoire.

  • À quelle heure cela s'est passé ?
  • Durant la nuit.

Elle se leva, et enfila son manteau.

  • Où vas-tu ? demanda-t-il avec angoisse.
  • J’ai besoin de réfléchir.

Le jeune garçon lui prit le bras.

  • Tu ne dois pas sortir. Les brigands rôdent toujours dans les parages.
  • Je ferai attention, promis.

Je t’accompagne alors.

Kendrys refusa, mais il enfila une ceinture à laquelle pendait un couteau, et ils partirent. Ils déambulèrent dans les rues éclairées par la lueur de la lune. Finalement, ils se retrouvèrent devant une imposante demeure de trois étages, imprégnée d'une aura sinistre. Elle ressentait la nervosité palpable du jeune garçon.

  • Il faut rentrer à l'auberge maintenant !
  • On vient à peine de commencer.
  • Je sais, mais c’est dangereux..

Ses mains tremblaient.

  • Tu peux rentrer. Je te rejoindrai.
  • Tu es sûre ? demanda-t-il gêné.
  • On se retrouve à l’auberge, rétorqua-t-elle.

Une légère décharge parcourut le corps de Kendrys lorsqu'elle posa sa main sur la poignée. La porte noire s'ouvrit légèrement.

  • Ne rentre pas, dit-il en me suppliant.

Il était toujours là. Elle s'engouffra dans la maison, plongée dans l'obscurité totale. Une flamme incandescente jaillit de sa main, éclairant faiblement les alentours. Elle observa chaque recoin avec attention, Elle ne trouva rien d'intéressant. Pourtant, une odeur désagréable flottait dans le jardin, attirant son attention. Les plantes avaient envahi l'espace extérieur, l'herbe s'élevant jusqu'à la moitié de ses jambes. L'odeur devint de plus en plus nauséabonde à mesure qu'elle approchait du cabanon. Elle tailla à travers les ronces qui bloquaient la porte.Lorsqu'elle ouvrit l'accès des centaines de mouches s’échappèrent. À l'intérieur, les murs étaient pourpres et la pièce étrangement vide.

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