Chapitre 3 : Un Terrain Inconnu (Rouis)

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Une silhouette féminine se planta devant Rouis. Ses yeux le fixaient avec insistance.

  • Rouis.

Il hocha la tête en guise de réponse. C’était la première fois qu'il voyait une femme rousse. Ses lèvres pulpeuses et ses taches de rousseur donnaient du caractère à son visage, tandis, que sa robe en satin vert épousait ses formes avec élégance.

  • On ne va pas faire long feu.

Sa voix était enjouée ce qui contrastait nettement avec son air sérieux. Les mains de Rouis se crispèrent.

  • Je m’appelle Ambre, s'exclama-t-elle.
  • Allons-y.
  • Je n’ai pas encore mangé.

Du fond de son baluchon, il prit un morceau de pain rassis et il lui tendit. Elle l'observa avec dédain. Elle avançait d’un pas rapide, l’obligeant à la suivre. ils entrèrent dans un salon de thé. À l'intérieur, l'air était frais, pendant que des dizaines de femmes, attablées autour de gâteaux, remplissaient la pièce. Elle prit place à une table, pendant que Rouis continuait de scruter les environs pour s'assurer qu'elle ne courait aucun danger.

Un homme au teint blafard, vêtu d'un élégant costume noir, fit son apparition.

  • Vous avez choisi Madame?
  • Un plateau de gâteaux et une infusion à la violette .

Quelques instants plus tard le serveur réapparut, portant les douceurs et une théière remplie à ras bord. Rouis s’installa confortablement en face d’Ambre.

  • Qu’est-ce que tu fais ? Demanda-t-elle en haussant un sourcil.
  • Je m’assois, répondit-t-il.
  • Reste debout, tu dois me protéger, insista-t-elle.

Son ton trahissait une note d’impatience. Rouis regarda autour de lui, ne voyant que des femmes qui gloussaient en dégustant leur dessert. Il se leva et attendit. Elle mangeait avec une lenteur excessive.

  • Ambre ! Quelle joie de te voir ! s'exclama une petite femme ronde en se précipitant vers elle.

Ses longs cheveux blonds cachaient une partie de son visage, laissant apparaître deux magnifques yeux d'un bleu profond. Ses habits étaient de belle facture et ses bras boudinés recouverts de bracelets brillants. Ambre se leva et embrassa tendrement la jeune femme. Elles s'assirent ensuite toutes les deux, sans même jeter un regard dans la direction de Rouis.

  • Quand est-ce que tu pars ?

Son visage s'empourprait tandis que ses yeux brillaient d'enthousiasme.

  • Aujourd’hui.
  • J’aurais aimé t’accompagner à la capitale.
  • Moi aussi ! Je te rapporterai des souvenirs.
  • Est-ce que tu pourrais me prendre de la soie bleue du nord ?

Ses yeux brillaient avec encore plus d’intensité.

  • Je le ferai, Imelda.

L’amie d’Ambre opta pour un assortiment de fruits confits. La matinée touchait à sa fin.

  • Nous devons partir.

Les deux femmes se tournèrent vers lui.

  • C’est ton escorte ? Il a l’air bien gringalet, fit remarquer Imelda avec un sourire en coin.
  • Et pourtant, on me l’a conseillé, répliqua Ambre avec un clin d’œil à l'attention de son amie.

Les deux femmes se mirent à rire, et continuèrent de déguster leurs sucreries. Il s’avança vers la table et s’empiffra de gâteaux. Il sentit une note délicate de sucre caramélisée avec le contraste acidulé du citron.

  • C‘est délicieux !

Les deux femmes le regardaient stupéfaites.

  • Quelle rustre ! s’exclama la blonde.

Ambre resta silencieuse, devenant soudain rouge comme une pivoine. Sans attendre, Rouis prit son bras.

  • Allons-y.

Son amie se leva et le gifla. Il partit sans broncher. Trois serveurs lui barrèrent la route. Sa main se posa instinctivement sur son poignard dissimulé sous sa ceinture.

  • Arrêtez ! hurla Ambre.

Ses yeux le regardaient avec colère. Elle agrippa fermement son bras, ses ongles pénétrant sa peau comme des lames.

  • Je…
  • Tais-toi !

Son visage semblait s'être apaisé, mais sous cette apparente tranquillité, Rouis pouvait toujours sentir l'ombre de sa colère.

  • Vous allez bien, Madame ?

Le serveur au teint blafard le dévisageait avec méfiance. Ambre hocha la tête et les serveurs les laissèrent passer.

  • Je m’excuse, dit-il.
  • Je suis désolé.

Elle ne le regarda pas, ses doigts s'enfonçaient de plus en plus fort, laissant échapper quelques gouttes de sang qui tombèrent sur le sol. Des larmes coulaient sur ses joues. Elle lâcha le bras de Rouis.

  • On doit y aller.

Rouis essaya d’avoir la voix la plus douce pour la calmer. Elle restait obstinément silencieuse, laissant traîner son pas alors qu'elle le suivait. Il vérifiait régulièrement si elle lui emboitait le pas, ralentissant parfois le rythme ou faisant des pauses pour lui laisser le temps de le rejoindre. Il loua un cheval et l'aida à monter derrière. La robe marron de la bête lui rappelait son fidèle destrier. Sa crinière dense et ondulée lui évoquait des souvenirs lointains. Cependant, ce cheval semblait plus docile. Rouis ne comptait plus le nombre de fois où son premier compagnon l'avait fait tomber. Tout au long du voyage, elle se plaignit sans cesse.

Ils s’arrêtèrent au coucher du soleil.

  • Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Ambre d’un ton incertain.
  • On va manger et dormir, répondit Rouis.
  • Ici ?

Elle le regarda avec fureur. Instinctivement, il éloigna ses bras hors de sa portée.

  • Va me chercher des branches pour le feu.

Furieuse, elle s’éloigna dans la forêt. Pendant ce temps, Rouis s'occupa de préparer un abri. Il fit cuire de la viande avec du blé tandis qu'Ambre revenait avec des morceaux de bois. Elle les déposa près des flammes crépitantes. Il lui servit une louche de blé accompagnée de viande séchée. Son visage se ferma, trahissant sa déception. Son expression le fit sourire, elle ne devait pas être habituée à un si rustre repas. Il lui servit une large portion et l'engloutit en quelques minutes. Ambre, quant à elle, n'avait pas touché à sa nourriture.

  • Tu auras besoin d’énergie demain, dit-il alors qu’elle regardait son bol avec dégoût.
  • Je ne mange pas ce genre de chose, répliqua-t-elle avec dédain.
  • De la viande ?
  • De la nourriture aussi répugnante, dit-elle en faisant un geste de la main.

Il prit sa pitence et la mangea. La viande et le blé étaient de bonne qualité. Elle le dévisagea, surprise par son geste. Il lui tendit son sac de couchage, qu'elle prit sans enthousiasme.

  • Et le vôtre? demanda-t-elle.
  • Je n’en ai pas besoin.
  • Vous allez vous blesser.

Il s’esclaffa. Elle semblait si fragile

  • Tu n’as jamais dormi sur l’herbe fraîche à la belle étoile ?

Elle rougit et balbutia quelques mots qu'il ne parvint pas à comprendre, puis elle lui demanda de se tourner pendant qu'elle se changeait. Il s'exécuta, tentant de jeter un coup d'œil furtif. Dès que sa tête se tourna, un coup de sac de couchage le frappa violemment.

  • Je t’ai dit de ne pas regarder !

Sa voix était fébrile.

  • Je pensais que que tu avais fini.
  • Menteur !

Déçu mais résigné, il partit examiner les alentours. À part leurs empreintes, il n'y avait aucune trace de vie. À son retour, il la trouva déjà blottie au chaud.

  • Tu n’as pas froid ?

Elle secoua la tête et se tourna vers lui.

  • Raconte-moi une histoire, lui intima-t-elle.
  • Je ne suis pas ton clown.

Des larmes coulaient sur de grands yeux verts.

  • Je vais te raconter la première fois où j’ai brisé une mâchoire. Je devais avoir douze ou treize ans. J’étais avec une amie, une sacrée peste. Nous nous trouvions dans un sinistre souterrain, où nous avions décidé de dérober des bijoux.
  • Tu es toujours en contact avec elle ? demanda Ambre avec excitation.
  • Non, elle est morte.

Un masque de tristesse vint soudain sur le visage de sa cliente.

  • Tu n’es pas affecté ?
  • Non.
  • Tu n’as pas de coeur, dit-elle en levant la voix.
  • Donc, nous étions dans le souterrain et nous venions de dérober les bijoux.
  • Cette histoire ne m’intéresse plus.

Ambre se retourna, il ne voyait plus que son dos. Rapidement, elle se mit à simuler des ronflements. À son tour, il se coucha, épuisé par cette journée éreintante. Pourtant le sommeil le fuyait. Les étoiles brillaient sous un ciel sans nuage, Rouis les contempla un long moment pour relâcher les tensions de la journée. Soudain, Il sortit de sa poche l'amulette, elle se mit à scintiller sous le clair de lune.

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