Chapitre 6 : Un Repos Bien Mérité (Rouis)

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Rouis et Ambre remarquèrent une dizaine de gardes qui surveillaient l'entrée de Bourg-en-Clair. Revêtus d'une armure d'acier étincelant, leurs épées pendantes à leur ceinture. Ils en imposaient. Les chiens de garde de Bourg se distinguaient aisément grâce à leurs casques en métal noir et leur crinière brune. Ils procédèrent à une fouille méthodique avant de leur accorder l'accès à la ville.

  • Il y a vraiment beaucoup de gardes, lâcha Ambre étonnée.

Ambre avait vu juste ; le déploiement de gardes était démesuré pour une bourgade aussi modeste.

Ils s’installèrent dans une auberge pour apaiser leur faim. Bientôt, deux assiettes d’agneau accompagnées de pommes de terre furent servies. Affamée, Ambre s'abandonna à son repas avec voracité, mettant de côté, temporairement son allure de princesse.

Après avoir pris leur repas, ils se rendirent vers le marché pour acheter les provisions nécessaires à leur périple. Puis, ils fîrent un détour par une armurerie où une épée légère, au tranchant étincelant et au manche de bois rustique, captiva l'attention de Rouis. Après un peu de marchandage, il réussit à l'acquérir pour trois pièces d'argent. En plus de cette épée, il choisit une douzaine de couteaux de lancer ainsi qu'une ceinture de rangement, pour un total de sept pièces d’argent.

Ambre observait les armes avec fascination. Lorsque Rouis lui tendit l'épée, elle la laissa tomber au sol, suprise par son poids. Elle était faible.

  • Maître d’armes, apporte-moi des dagues.

Le marchand arriva avec trois dagues. Ambre porta son choix sur celle du milieu : une petite lame au métal marbré et au manche en bois violet. Avec précaution, elle la saisit, examinant chaque détail avec une attention.

  • Je veux celle-là, déclara Ambre d’une voix ferme.

Rouis s'approcha et saisit la première dague, une lame d’acier, un peu lourde mais de qualité avec son manche habilement tressé en cuir.

  • Celle-ci fera l'affaire, annonça-t-il.
  • Je veux l'autre ! insista Ambre.
  • Comme tu veux, répondis Rouis en haussant les épaules.

Le marchand revint avec un élégant fourreau pour la dague, conçu dans un cuir finement travaillé et orné de motifs circulaires.

  • Elle coute 6 pièces d’or, déclara-t-il.

Ambre sortit de sa bourse les pièces.

Le marchand se frottait les mains avec satisfaction. Bien qu’elle ait payé beaucoup trop cher, cela ne concernait pas Rouis. Ils sortirent de l’armurerie. Ambre s'amusait avec sa dague, effectuant des mouvements de combat ridicules

  • Ce n’est pas le bon vieux Rouis, frérot ? lança une voix rocailleuse derrière moi.

Il se retourna pour faire face à un petit costaud, suivi d’un autre homme plus imposant. Le premier affichait un sourire malicieux, tandis que le second gardait une expression plus neutre.

  • Je ne vous connais pas, répliqua-t-il, scrutant leur visage sans les reconnaitre.
  • Nous, on te connaît du con, et tu n’as rien à faire ici, ajouta le plus petit d’un ton menaçant.
  • Je ne reste pas.

Le petit costaud s’avança , décochant un coup que Rouis para facilement. Il riposta avec deux coups de poing rapides. Son frère intervint, armé d’un tuyau de fer, visant directement son visage. Rouis leva son bras pour se protéger le tête, mais la violence du choc brisa son bras. Un autre coup brutal, cette fois-ci dans le ventre, le fit s’effondrer sur le sol. Les hurlements d'Ambre résonnaient dans ses oreilles. Des décharges de douleur traversaient son corps pendant que ses assailants continuaient à lui donner des coups de pied au visage. Dans un ultime effort, il tenta de saisir son épée, mais la douleur intense l’empêchait de se relever.

Un sifflement strident déchira l'atmosphère, brisant le fracas de la bagarre.

  • Les gardes ne doivent pas m’attraper, gronda la voix rocailleuse.

Les coups s’interrompirent enfin. Il entendit la voix d’Ambre, mais les mots semblaient lointain, indistincts. Une fatigue oppressante s’empare de lui, il voulait tellement dormir.

  • Les gardes… Ambre…pas… attraper, parvint-t-il à articuler entre deux respirations saccadées.

Rouis gisait sur le sol, inerte, tandis que les deux hommes qui les avaient agressés s'enfuyaient à toutes jambes. Ambre essaya désespérément de soulever son corps. Il était trop lourd. Un vieil homme sortit de sa maison, et elle se précipita en pleurs.

  • Aidez- moi s’il-vous-plait.

Ses larmes coulaient sur le sol pendant qu'elle le suppliait. Il la regarda avec suspicion.

  • Deux hommes nous ont agressés, réussit-elle à articuler malgré sa voix cassée.

Elle désigna Rouis d'un geste tremblant. Avec difficulté, ils le transportèrent jusque dans la maison.

**********

  • Tu es si faible, gamin, gronda une voix grave.

Rouis se réveilla en sursaut, la douleur irradiant chaque centimètre de son corps. La petite pièce violette dans laquelle il se trouvait était encombrée de bibelots. Son t-shirt, déchiré en deux, laissait entrevoir des dizaines de bleus.

Son bras était enveloppé dans un drap. Résigné et souffrant, il se leva péniblement, chaque mouvement réveillant une douleur lancinante qui parcourait son corps. Progressant avec lenteur, il s'efforça d'ignorer la souffrance qui semblait peser sur chacun de ses gestes. Pas à pas, il avança vers la porte, descendant lentement un escalier raide qui semblait interminable. En bas, un vieil homme était assis dans un canapé défraîchi. Ses sens en alerte, il se mit en garde.

  • C’est moi qui t’ai soigné, déclara la voix avec douceur.
  • Qu’est-ce qu’il m’est arrivé ? demanda Rouis.
  • Deux hommes t’ont agressé, répondit-il d’un ton calme, chargé de gravité.

Les images de l’affrontement se mêlaient dans sa tête , tel un puzzle fragmenté tentant de reconstituer les événements chaotiques de cette nuit tumultueuse

Sans cette satané barre de fer, je les aurais battus, maugréa-t-il..

  • Où est la jeune fille ? demanda-t-il en cherchant Ambre du regard.
  • Elle est partie faire des courses.

Le vieil homme se leva de son fauteuil et lui offrit un bol de soupe fumante. Retournant à sa place, il sirota la sienne avec satisfaction, son visage éclairé par un léger sourire de contentement. Une délicate fragrance d'oignon emplissait la pièce, chatouillant agréablement ses narines. Rouis porta le bol à ses lèvres, la chaleur de la soupe l’enveloppa.

  • Tu veux une tranche de pain ? proposa-t-il.
  • Non merci, répondit Rouis.
  • Comme tu veux, dit-il en haussant les épaules.

D’un geste assuré, il découpa deux larges tranches de pain, qu’il garnit généreusement de fromage. Le ventre de Rouis laissa échapper un gargouillement.

  • Tu es sûr ? demanda-t-il avec une sourire en coin.
  • Je veux bien.

Il coupa alors deux tranches avec un air satisfait, puis y ajouta généreusement quatre morceaux de fromage sur chacune d’elles, le tout avec précision.

Rouis trempa le pain dans la soupe, et c'était délicieux. Sa mère avait l’habitude de faire de la mixture aux herbes aussi. Cependant, les siennes étaient vraiment mauvaises, surtout celle aux orties.

  • Tu apprécies ? demanda-t-il.
  • C’est délicieux.

Il parut satisfait de la réponse.

  • Qu’est-ce que tu fais dans cette ville ?
  • J’escorte Ambre à la capitale.

Il hocha la tête avec approbation et planta un croc dans son pain au fromage.

  • y a-t-il un lien avec l’agression que tu as subie ?
  • Aucun, c’est un pur hasard.

Il garda le silence pendant plusieurs minutes. Pendant ce temps, Rouis dévora le repas, encore affamé. Sans hésitation, il lui resservit un bol et deux morceaux de pain. Rouis les engloutit avidement, Son ventre se remplissant peu à peu, mais la faim persistait, insatiable. Le vieil homme semblait soudain si âgé, son visage marqué de rides profondes, et sa silhouette si fragile.

  • Je vais aller faire une sieste, tu peux rester ici ou te balader dehors, dit-il d’une voix paisible.

Il désigna du doigt une paire de clés et des vêtements posés sur une chaise, avant de monter à l'étage. Le silence retomba, et Rouis se dirigea vers la cuisine. Elle était exiguë et mal décorée. La porte donnant sur le jardin était défoncée, marquée de traces de griffes gravées dans le bois. Il l’ouvrit prudemment, découvrant un petit jardin avec un potager à l'arrière.

S'habiller avec un bras cassé fut difficile, mais il parvint à le faire malgré la douleur persistante. Il sortit dehors, frissonnant face au froid hivernal, et se dirigea vers un petit café pour trouver refuge. Ses poches étaient vides.

  • Je peux vous servir? demanda un jeune homme qui arborait une moustache cirée.
  • Je n’ai pas d’argent, je reste quelques minutes pour me réchauffer.

Le jeune homme, le menton haut, partit sans même lui jeter un regard en arrière.

Tu es si faible. lança une voix avec dédain.

  • Qui a dit ça ? dit-il en scrutant les alentours.

Tandis que le serveur s'approcha, des clients le regardaient.

Calmez-vous Monsieur, ordonna-t-il avec dédain.

Rouis se leva et lui donna un coup dans le ventre. Il s’effondra sur le sol sous le regard médusé des clients. Il s’éloigna rapidement et rentra.

Ambre coupait des carottes lorsqu’il arriva. Dès qu'elle le vit, elle se rua sur lui et le serra dans ses bras.

  • Tu es plus gentille que d’habitude, ria-t-il, surpris lui-même de sa réaction.

Elle s’éloigna en rougissant. Je pensais que tu allais mourir.

  • Heureusement que Luc t’a sauvé. Il t’a recousu le bras et soigné tes bleus.

Quand j’aurai retrouvé ma bourse, je lui donnerai dix pièces d’or pour le remercier, pensa-t-il.

  • Il va falloir reprendre la route bientôt, déclara Rouis.
  • Tu n’es pas encore rétabli. Ton bras est toujours cassé !
  • On n’a pas beaucoup de temps.
  • On est déjà en retard.
  • Combien de temps ai-je dormi ?
  • Trois semaines.
  • Merde, merde, merde, répliqua-t-il furieux.
  • Ce n’est pas grave !
  • Je ne vais pas être payé alors !

Elle haussa les épaules, exaspérée, et poursuivit sa tâche de découpe des carottes et des pommes de terre. Luc descendit et se joignit à Ambre pour préparer les légumes.

  • Qu’est-ce qu’a la porte ? demanda Rouis.
  • Des loups ont défoncé la porte et mangé toute mes réserves, répondit-il dans ton désolé.
  • Ça ne ressemble pas vraiment au comportement des loups de se balader en ville et de rentrer dans une maison pour se servir en provisions.

Luc cessa soudainement de découper les légumes, son regard se figea dans une expression de surprise mêlée d’inquiétude.

  • Ça m’a autant surpris que toi. J’ai entendu un bruit sourd, je suis descendu, et là, plus de nourriture et la porte complètement détruite. Ils sont même revenus à plusieurs reprises.

Après le souper, Ambre et Luc allèrent se coucher. Rouis s'installa sur une chaise près de la porte, prêt à jouer le rôle de sentinelle, une dague à la main. Si quelque chose se passait cette nuit, il s'en occuperait. Ce serait une manière de rembourser sa dette envers Luc.

Rouis se réveilla en sursaut, Ambre se pencha au-dessus de lui, le visage crispé.

  • Tu n’as rien entendu ? s’exclama-t-elle.

Il jeta un regard autour de lui, constatant que les réserves étaient une fois de plus, vides.

  • Je n’ai rien entendu, murmura-t-il hagard

Ils examinèrent la porte ensemble, mais il n'y avait aucun signe d'effraction ni de griffures.

  • Si tu avais faim, tu aurais pu simplement le dire…soupira Ambre, exaspérée.
  • Je n’ai rien mangé, répéta Rouis.

Elle le fixa avec méfiance, ce qui ne fit qu'attiser son irritation.

  • Quel goujat, tu as mangé toute la nourriture ! répliqua-t-elle, sa voix montant dans les aigus.

Luc descendit lentement en pyjama, l'air fatigué

  • Qu’est-ce qui se passe ici ? demanda Luc en arrivant à notre hauteur.
  • Rouis a mangé toute la nourriture de la réserve, répondit Ambre.
  • Ce n’est pas vrai, protesta-t-il.

Luc scrutait la scène avec un regard perplexe.

  • Rouis, est-ce que tu t'es goinfré ? interrogea-t-il.
  • Non..
  • L'affaire semble ainsi réglée.

Il tendit à Rouis quelques pièces de bronze.

  • Tu feras les courses pour ce midi.

Il prit les pièces et acquiesça t. Ambre, furieuse, monta dans sa chambre.

  • Ça va lui passer , dit-il avec douceur.

Il tendit une autre pièce.

  • Si tu veux boire une bière.
  • Merci.

Il prépara une omelette au lard, succulente. Ambre ne descendit pas pour le déjeuner.

  • Elle était très inquiète pour toi, déclara-t-il.
  • Ça m’étonnerait.
  • Je t’assure, elle a veillé sur toi toutes les nuits, changeant tes draps et prenant soin de toi, insista-t-il.
  • Je ne savais pas , murmura-t-il, touché.

Il continua de manger.

  • Tu veux une bière ? proposa-t-il.
  • Avec plaisir.

Il en prit deux que nous bûmes pour terminer le repas.

**********

Rouis fit rapidement les courses et s'installa dans un bar. Une choppe à la main, il pensa à sa ville natale, se demandant ce qu'elle devenait en son absence. Tout ici lui était étranger. Une fois sa mission terminée, il prévoyait de retourner vagabonder dans les rues familières de sa ville, ou peut-être de partir à la recherche de Jade. Avec la fortune qu’il amasserait, il devrait pouvoir la retrouver. Elle avait dû grandir depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Rouis regarda les passants affairés, pressés dans leur démarche, le visage tendu par le stress. Une pointe de tristesse l'envahit

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