6.2 les écuyers

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— Vous êtes en train de me dire que ça pourrait être une erreur ? demanda Vaillance, croisant les doigts.

— Cela me semble peu probable, répondit Koliane. Sincèrement, ce dossier ne sert presque à rien. Les professeurs ne l’utilisent pas, ils devinent toutes les informations d’un seul regard. C’est la Confluence qui nous demande de remplir ce document pour savoir qui l’on recrute donc nous allons tout de même te poser les questions par principe.

Anil ricana et fit craquer ses doigts comme s’il se préparait à se battre. L’écuyer ne remarqua même pas l’air pincé de Vaillance qui avait vraiment espéré échapper à l’inscription.

— Excellent, jolie Vaillance. Attrape une chaise, ça risque de durer. On a pas mal de questions et ce n’est pas facile.

Koliane poussa un soupir et contredit aussitôt son camarade.

— Ne l’écoute pas, il raconte n’importe quoi. Contente-toi de dire la vérité et tout ira bien, c’est pour évaluer tes niveaux scolaires.

— Chef d’escouade, pouvez-vous arrêter de déranger mon appliquant ? s’écria Anil avant de se retourner vers l’adolescente. Ma petite Vaillance, je suis persuadé que tu pratiques beaucoup de sport ?

Le sarcasme qui se peigna jusque dans ses traits fut une punition pour la jeune fille. Mâchonnant sa lèvre, elle réfléchit à sa réponse, convaincue qu’elle allait se ridiculiser.

— À l’école, juste un peu.

— Parfait, extrêmement athlétique comme je l’imaginais. Tu as déjà conduit des véhicules ? Glider ? Mécha ? N’importe quoi ? Peut-être le REG-63 skycraft que vous avez garé devant la base et que je meurs d’envie d’essayer ?

— Non, jamais…

— Quelle chanceuse, ces modèles sont super rares. J’aimerais bien que notre académie nous en fournisse, mais on a ces gros lourdauds de nefs à la place, enfin tu les découvriras bien assez tôt. T’es-tu déjà servi d’un fusil avant ? Possède des connaissances en armement ? Bien sûr que non ! Que de questions débiles !

Le garçon accéléra le pas et se mit à répondre au questionnaire pour Vaillance. Comme il devinait à chaque fois la réponse, elle ne l’arrêta pas et se contenta de blêmir a vu d’œil. Avoir des lacunes et surtout de les montrer était très mal vu par la noblesse. Vaillance avait appris à préférait mentir que de confesser ses manques. Chez les haïkadens c’était tout l’inverse. Faire face à ses erreurs et défaut était l’une des premières leçons inculquées aux jeunes écuyers et si cela horrifia Vaillance, c’était devenu naturel pour Anil et Koliane.

Loin de vouloir la dénigrer pour ses lacunes, les deux écuyers suivaient ce qui était devenu naturel pour eux, pointer les points où l’adolescente aller devoir mettre du sien. La liste été longue, Vaillance ne remplissait presque aucun prérequis, mais les deux étudiants n’en furent pas étonnés.

— Bon, je pense que l’on en a fini avec ce machin inutile, souffla Anil. Je ne me rappelais pas qu’il était aussi pénible. T’inquiète, j’étais tous aussi nul en arrivant et pas mal de tes petits camarades seront dans le même bousier.

Le garçon compléta sa phrase d’un clin d’œil et valida le dossier de la jeune fille, s’arrêtant d’un seul coup.

— Mince ! T’as même pas d’école attitrée ! On l’envoie où ?

Les deux se tournèrent vers Vaillance avant de se concerter silencieusement. Un éclair traversa le visage des écuyers et ils se sourirent. Anil tapa sur son clavier en ricanant et valida le tout d’un grand geste.

— Voilà ! C’est officiel ! Tu es désormais une pupille dans l’académie d’Erin IV, la même que la nôtre ! chantonna le garçon. Son p’tit nom c’est Académie Skalia, ça signifie maison en Haïkaden.

— Skalia… répéta Vaillance telle une incantation. C’est une bonne école ?

Anil sourit à pleines dents.

— Il n’y pas meilleurs dans toute la Confluence ! D’ailleurs, on va devoir t’expliquer un peu ce qui va t’arriver une fois à Skalia. Il va falloir abréger, car on est un peu juste sur le temps et je n’ai pas envie de voler à toute berzingue.

Les deux écuyers survolèrent rapidement les bases de la scolarité et pour la première fois, Vaillance se surprit à écouter attentivement le garçon.

Pour le moment, Vaillance était une pupille, une écuyère sans doctrines. Ce ne serait qu’en début de deuxième année qu’elle rejoindrait l’une des neuves grandes familles de l’ordre de défenseur cosmique. L’adolescente connaissait déjà les goules et aegis dont Axia et Lesskov faisaient partie et avait deviné que les jotün en étaient une troisièmes. Les six restantes étaient les manticores, les célestes, aigles, psyarks, chouettes et enfin les corbeaux dont Koliane faisait partie. Chacune d’entre elles avait ses propres préceptes et philosophies, un point convergeant où chaque membre de la doctrine se retrouvait.

En première année, Vaillance devait suivre douze cours impérativement. Neuf d’entre eux étaient dispensés par les doctrines et ont les appelaient toujours de cette manière. L’adolescente eut un peu de mal à retenir , mais quelques noms lui restèrent en mémoire dont leur professeur de céleste enseignerait les arts martiaux et que celui d’aigle se chargerait du tir. Les trois dernières cours étaient ce qu’Anil appelait les académiques qui regroupaient les matières plus standard telles que les mathématiques, physique et biologie. Pour réussir son année, Vaillance se devait d’avoir de bon résultat dans les douze matières.

— Il existe aussi un troisième type de cours qui ne sont pas obligatoires, termina Koliane. Je te conseille fortement de t’inscrire à celui qui s’appelle Histoire et culture. Professeur Talan est extrêmement doué et cela t’aidera à mieux comprendre les cadets d’autres espèces. Pas vrai Anil ?

La peau bronzée du garçon tourna au rose alors que son passé vint le hanter.

— Arrête Koli ! Comment j’étais censé savoir que cligner d’un œil ça voulait dire oui chez les sul’doths ?

Doucement, la jeune fille oublia ses problèmes et se mit à poser plein de questions sur les doctrines et différents cours. Si ses deux camarades se réjouissaient de son entrain, ils ne purent répondre à tous, car l’horloge tournait.

— On va devoir se dépêcher. Si j’arrive en retard, Alexandr m’a déjà promis de me faire courir un marathon à travers Skalia.

En entendant le nom, Vaillance se redressa dans son siège.

— Alexandr ? Alexandr Lesskov ?

— Tu connais instructeur Lesskov ? s’étonna Koliane sans masquer sa surprise.

— Bien sûr, maugrée Vaillance qui n’aimait pas être prise pour une gamine. Il fait même partie de la doctrine des Aegis ! Et il est très… froid.

— Xaï alors ! piailla Anil. Elle l’a vraiment rencontré ! La pauvre !

— Anil ! Langage ! le repris son amie. Et ne parle pas de l’instructeur Lesskov comme ça.

— Vous le connaissez ? interrogea Vaillance.

— Difficile de ne pas le connaître, rit Koliane. C’est le chef instructeur de la base Skalia et il dispense les cours d’Aegis. C’est aussi un ingénieur de génie. Je dois t’avouer que pas beaucoup ne l’aime, il est un peu difficile à vivre, expliqua l’écuyère.

— Xaï ! Il terrorise la majorité des pupilles ! Je me rappelle encore mon premier cours d’Aegis, il m’a fait courir en cercle durant vingt minutes, car j’ai raconté une blague. En plus, il en attend énormément de toute le monde et n’accepte pas qu’on échoue. Après c’est un super instructeur. Je l’ai vu remonter un Orca à partir d’une pile de ferrailles avec pour seul outil une torche à souder, plus impressionnant que la liste d’ex de l’instructrice Sibelle !

— Anil !

— Quoi ? C’est une malade, vendu à la Confluence et elle n’aime pas Alexandr. Comment suis-je supposé la respecter ? Il se retourna vers Vaillance. En tout cas, fais bien attention à ne pas te faire remarquer par ces deux-là. Si Alexandr est comme une douche glacée, Sibelle c’est une marmite d’huile bouillante. Il ne se mélange pas, son mortel chacun de leur côté, mais si tu as le malheur de te trouver pile entre les deux… je ne te fais pas de dessin.

Vaillance ravala sa salive. Lesskov avait laissé une image très nette dans son esprit et savoir qu’elle allait devoir survivre à ses cours durant toute une année ne la mettait pas à l’aise. Tout en réfléchissant à son sort funeste, elle laissa ses aînés finaliser son dossier. Elle se tourna vers son majordome, sachant son heure de départ très proche

Une touche de mélancolie scintillait autour de lui, amenuisant sa puissante aura. Il donnait plus l’impression d’être un grand-père en train d’envoyer ses petits-enfants au loin, un sourire sur le visage, mais de la douleur ternissant ses rides.

— Soyez forte mademoiselle Vaillance. Vous êtes une jeune fille très courageuse et vous allez très bien vous intégrer à vos nouveaux camarades, dit-il avant de se rapprocher pour murmurer à son oreille. Prenez tout de même attention à ne pas côtoyer de gens comme ce garçon. Il ne semble pas très correct.

Le cœur de Vaillance piqua dans sa poitrine. Comme Anil n’avait toujours pas terminé, elle quitta sa chaise pour aller enlacer son domestique. Il ne s’y attendait pas, mais lui rendit l’étreinte aussitôt. Il pouvait la sentir trembler entre ses bras, prête à pleurer. Elle contint les larmes et garda son calme de façade, souhaitant laisser une belle image pour ses adieux avec l’homme. Quand ils se séparèrent, il porta la main à sa poche.

— Vous aviez oublié ceci avant de partir.

Il sortit l’amulette d’Axia, le morceau de métal avait été totalement nettoyer. Sans un mot il la passa autour du cou de l’adolescente et le cacha sous son pull.

— Faite attention à vous, Lady Vaillance.

Anil arriva à ce moment, sauta au-dessus du bureau et invita l’adolescente à le suivre. Du coin de l’œil, elle vit Koliane échanger quelques mots avec Jasper. Elle emboîta le pas du jeune garçon, non sans un dernier regard vers le majordome. Elle n’avait vraiment pas envie de partir.

— Tu tiens le coup, la nouvelle ?

Vaillance leva les yeux pour le regarder en face, Anil comprit tout de suite la réponse. Il poussa un soupir et s’adossa au mur près de l’ascenseur.

— Allez, ce n’est pas si horrible que ça. Les premiers jours seront difficiles. Moi j’ai eu beaucoup de mal au début, mais maintenant je n’échangerais ma place pour rien au monde. Rien qu’en t’ayant parlé dix minutes, je sais que tu te feras plein d’amis là-bas. C’est tout de suite plus cool quand on a un ou deux potes avec qui s’éclater. En plus t’as l’air maligne, tu me rappelles Koliane quand on était pupilles, les cours vont te plaire.

— Anil, tu sonnes intelligent quand tu es sérieux.

Le garçon tira la grimace, croyant entendre sa chef d’escouade.

— Et toi t’es plus mignonne quand tu ne pleurniches pas, contre-attaquas l’écuyer en ouvrant l’ascenseur. En avant pupille, avant que je te botte le cul !

— Je ne pleure pas, grogna Vaillance en le suivant.

Koliane les rejoignit au pas de course et le rideau d’acier dissimula le vieil homme à sa vue. Le cœur gros, l’adolescente se tourna vers ses nouveaux camarades qui discutaient. Leur voix lui semblant lointaine. Qu’aller-il advenir d’elle ? Seul l’avenir le lui dirait.

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Quasar point :

« Xaï », le mot qu’Anil emploie de temps en temps au début de ses phrases et une forme d’argot vlin’ns. Littéralement traduit par folie, c’est l’un des rares jurons de la langue vlin’ns.


« Vlin » se traduit par serviteur

« Ns » est une marque du pluriel dans leur langue, mais mise à l’apostrophe cela devint un nom signifiant groupe, peuple.

« Vlin’ns » signifie donc le peuple/race des serviteurs.

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