Minute 21

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- Un plant de basilic et son chat -

Elle exhalait tellement de confiance et plus particulièrement d'élégance, que penchée là, sur le comptoir de la bibliothèque, je m'attendais à ce qu'elle s'exprime en vieux français. Je me suis sentie plutôt stupide en ne sachant pas quoi dire des photographies de son chat - elle l'aime vraisemblablement autant qu'un maître puisse aimer une créature aussi parfaite qu'une boule de poil hautaine. Elle faisait défiler les prises et j'alternais entre des onomatopées et des phrases bateaux (des navires de rien, que dis-je : des paquebots de banalités !). Connaissant cette fille aussi peu que je la connaissais beaucoup d'apparence, je me sentais à mi-chemin entre la familiarité et la réserve. En résultat, je n'ai pas dû dire grand-chose qu'il aurait pu être utile de transmettre à la postérité.

J'avais déjà observé cette fille de loin auparavant. Elle hantait quelques fois les tables usées et les livres de médecine avec beaucoup de prestance et d'originalité. Une condensation d'art à l'état humain. Elle avait souvent un trait noir sur le bord des paupières et ça allait divinement bien avec la poudre de ses joues. De chemises en robes mi-cuisse, les jeux de tissu lui seyaient toujours à merveille lorsqu'elle déambulait depuis la porte à battant jusqu'à l'escalier qui mène à la mezzanine ; et les couleurs secondaient facilement son rôle de beauté de la scène médico-étudiante. Pendant un temps, j'étais presque persuadée qu'elle jouait dans la cour des plus âgés, ceux qui ne semblent pas se battre avec l'incompréhension. Vous savez - ces personnages étranges plongés avec passion dans leurs connaissances. Des acteurs sereins en plein orage. Jusqu'à ce que je comprenne qu'elle avait absolument tout de plus que moi, sauf une petite année.

Les gens faisaient cela, parfois : s'octroyer le droit de la complimenter du regard. Je m'étais adonnée aussi à cette occupation, à l'occasion, sans même connaître le ton de ses paroles ni le son de ses pensées. Mais après tout, il n'est guère étonnant que le portrait d'un plant de basilic puisse paraître silencieux aux yeux des spectateurs. Une huile sur toile a priori généreusement secrète.

Au détour d'une discussion d'amis, j'ai pu entendre que sa voix prenait une tonalité plus grave que je ne l'aurais cru, de prime abord. Elle avait toujours eu, dans mon imaginaire restreint, les lèvres trop pleines pour prononcer autre chose que de la féminité. Ainsi, vivante et autrement plus réaliste qu'un simple [joli] plant de basilic, j'aimerais qu'on considère la menace que représente un tel mélange savant de raffinement et d'authenticité. L'art est surprenant, c'est un fait, et il est amateur de chat.

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