Vin

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Baltazar parcourait avec nonchalance les couloirs sales du château. Dépêché par Liosan, le démon avait dû se rendre dans la dimension des cendres. Quelques miroirs crasseux lui renvoyaient son reflet. Ses yeux d’un noir charbonneux contrastaient avec sa peau blanchâtre. Son pantalon de soie était troué aux genoux et ses mains dépassaient de ses poches éventrées. Quant à sa veste décolorée, elle lui donnait des airs de gentilhomme tout droit sortit d’un placard poussiéreux. Il détourna son regard fusain des peintures grossières. Baltazar se voulut confiant. Avec son pied droit, il frappa le battant d’une porte pour l’ouvrir. Sans attendre, une sensation lui serra les tripes. Il s’immobilisa. Encore une fois, la dimension des cendres tentait de l’exiler de ses paysages. À quelques secondes près, il se serait retrouvé au milieu d’une plaine sauvage sans avoir pu accomplir sa mission. Moins confiant, il traversa le pas de la porte et se retrouva devant un soldat. Ce dernier portait une armure légère, une épée accrochée à sa ceinture et un bouc grisonnant sur son menton.

Les yeux bruns de Maryn scrutaient avec étonnement Baltazar qui semblait prit de court par la porte d’entrée de la pièce. Il se racla la gorge.

- Bienvenue Monsieur ! Comme énoncé dans ma lettre, le Duc Isciane est mort ce matin. Il est tombé de trois étages…

- Suicide, le coupa Baltazar qui ne voulait pas rester longtemps dans les parages.

- Non, bredouilla le général. Enfin, Madame Isciane pense qu’une conspiration est en train de porter atteinte à sa famille. Trois de ses cousins ont trouvé la mort, ces derniers mois…

- Je n’ai que peu de temps… Où voulez-vous en venir ?

Maryn s’essuya le front avec un mouchoir de soie. Puis, il sortit maladroitement la lettre de Madame Isciane qu’il lui tendit. Baltazar la saisit de suite. Son front se plissa de concentration.

« Pourquoi mes bouteilles de vin se trouvent-elles dans le grenier du château ? Madame Isciane »

Le démon retourna le papier dans tous les sens. Il ne trouva aucune autre inscription. Maryn se mordit les lèvres. Il n’avait pas osé lire les consignes de la noble ; l’expression confuse de Baltazar lui passait l’envie de le faire.

Quant à l’entité, ses pensées brumeuses sautillaient d’impatience. Il y a un peu plus de trois ans de cela, Madame Isciane avait envoyé Baltazar à la rencontre de la Princesse, plus exactement de son chien Necati. Sa mission s’était soldée d’une course-poursuite incessante et de quelques cicatrices profondes sur ses mollets.

- Où est le grenier ? demanda-t-il au soldat.

- En haut du château, bredouilla Maryn.

- Oui, je me doute bien ! Comment y accéder ?

Le général s’excusa d’un faible filet de voix. Il lui indiqua de son index une porte à l'arrière de la cour du château. Baltazar s’y aventura. Il franchit avec soin le battant, puis se retrouva dans des escaliers en colimaçon. Le démon voulut glisser la lettre de Madame Isciane dans sa poche. Il se rappela à temps qu’elles étaient toutes trouées. Il la garda, alors, dans son poing fermé. La noble avait soulevé une question. Baltazar trouverait rapidement la réponse. Etait-ce une embuscade ? Le démon sourit. D’un bond, il pouvait disparaître et se défaire de ses assaillants. Il gravit deux marches d’un coup avant de s’arrêter, pensif. Il prenait de la hauteur. Baltazar pouvait aisement acceder à la dimension des Flots. D’un battement de cils, il transformerait, ainsi, le château en un immense océan. Il se remit à gravir les étages. Néanmoins, l'entité esquivait une possibilité, celle que Necati l’attende de crocs fermes. Baltazar se mordit les lèvres. Il grimpa les marches, déterminé. Le démon improviserait. Il franchit brutalement la porte du grenier, s’accrochant de toutes ses forces pour garder pied dans la dimension des cendres. Sans attendre, il fouilla la pièce du regard : pas de chien enragé dans les parages, seulement quelques toiles d’araignées pendantes aux plafonds. Il s’avança prudemment sur le parquet de bois.

Baltazar trouva alors un large fauteuil. Une frêle femme s’asseyait dessus, un verre de vin rouge à la main. Elle se tenait adossée à l’accoudoir. Ses jambes nues se secouaient doucement dans le vide. Un large peignoir cachait son corps squelettique, de même que pour ses cheveux enroulés dans une serviette trempée. Quelques mèches blanches s’échappaient. Ses lèvres qui s'embaumaient de rouge rubis se baissèrent d’une certaine déception. Baltazar, lui, recula de surprise.

- Hermine, chuchota-t-il de stupeur.

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