Hermine

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Hermine se redressa. Elle ne cacha pas sa déception. Ses jambes se croisèrent, de même que ses doigts qui s’enlacèrent d’une certaine nervosité.

- Baltazar, s’offusqua-t-elle.

Elle leva ses yeux bleus vers lui, une lueur de dédain parcourant ses traits fins. Elle avait poudré sa peau de démon, si bien qu’à l’exception du grenier décrépissant, on aurait pu la croire humaine, chez elle, à l’affût de son amant, qui n’était pour le moins du monde Baltazar.

- N’ayez pas peur, je ne compte pas vous dévorer, poursuit-elle las.

Baltazar était pour une fois en total accord avec la dimension des cendres. Il voulait partir au plus vite. Quelques années auparavant, Hermine, aussi appelée le dévoreur de démon comptait sortir émérite du nom qu’on lui avait donné en tranchant Baltazar de ses dents puissantes. Le retour de bâton avait été cruel pour elle. Enfermé dans la dimension des cendres, jamais le démon n’aurait pensé la retrouver dans les sous-pentes du château. L’entité s’adossa au mur décrépi pour cacher sa peur. Il ne pouvait pas rentrer bredouille.

- Vous avez tué le duc Isciane, devina-t-il.

Hermine fronça ses fins sourcils.

- Absolument pas ! le contredit-elle. Cette vieille bique de Madame Isciane possède le meilleur vin de la région. Je ne vois pas pourquoi je m’en priverais. Néanmoins, je n’en viendrais pas à pousser cet homme de son balcon. Il a dû avoir ses raisons de s’y jeter. Je ne vois pas non plus pourquoi elle est aussi teigneuse avec cette affaire !

Baltazar obliquait son regard froid sur Hermine. Celle-ci avait le don de l’hypnotiser. Il reconnaissait son visage, ses traits doux, son nez fin qui remontait légèrement ; cette femme avait des airs enfantins, inoffensifs et pourtant, à peu de choses près, elle aurait tué plus qu’aucun démon n’avait fait à lui seul.

- Pourquoi vous ne lui aviez pas demandé ? le questionna-t-il.

- De ?

- Pour le vin. Pourquoi vous n’avez pas demandé à Madame Isciane de vous en donner ?

Hermine en fut aussi déconcertée qu’amusée. Elle attrapa la bouteille poussiéreuse qu’elle venait de vider dans son verre, puis la lança sans prévenir. Baltazar l’attrapa de justesse. De ses mains de mineur, il la retourna à la recherche d’une étiquette. Celle-ci avait été déchirée ou était tombée en miette avec le temps. Il renifla avec intérêt l’opercule. Le démon ne su cacher sa grimace. Le vin avait bien des siècles derrière lui. La boisson devait être à peine buvable.

- Il a le goût d’autrefois, explicita Hermine. Ce vin avait du prestige, celui du vignoble le plus connu de la région…

- La Kiolasse, devina Baltazar en lui renvoyant la bouteille.

La démone acquiesça d’un air hautain. Le mineur n’avait peut-être jamais goûté ne serait-ce qu’une goutte de ce breuvage ; il était réservé à la noblesse.

- Vous avez votre réponse, s’impatienta Hermine. Elle n’aurait jamais consenti à ce que je lui vide ses bouteilles centenaires.

Baltazar se tut un instant. Ses yeux fixèrent une toile en arabesque au-dessus d’Hermine. Madame Isciane avait ses raisons de se méfier. Une femme qui surgit de nulle part, prend place dans le grenier du château et s’empare de bouteille prestigieuse pour les siroter n’avait rien de normal. Pourtant, la noble n’avait pas pris la peine d’envoyer la garde l’emprisonner. Hermine suivit du regard Baltazar, puis elle bâilla de fatigue.

- J’aurais pensé que Liosan Ferl viendrait…

Baltazar sourit de mépris.

- Il ne se déplace pas pour ce genre d’affaire mineur. De plus, maintenant qu’il vous sait dans les parages, il ne prendra ce risque qu'en cas d'urgence.

Elle grimaça, comme d’un air capricieux. Baltazar continua son interrogatoire :

- Pourquoi Madame Isciane ne s’est pas déplacée jusqu’à vous ?

- Elle a peur.

- De vous ? supposa-t-il.

- Non, du chien…

- Necati ?

Hermine hocha la tête, en sirotant un peu de son vin. Ses yeux se voilèrent d’une ombre inatteignable. Elle reprit :

- Ce chien m’apprécie. Je…je dois dire que ce n’est pas le cas des autres animaux de la dimension. J’ai nettoyé le grenier de fond en comble avant votre arrivée.

Elle leva la tête vers la toile dédaigneuse.

- Voilà que les araignées se précipitent pour revenir à la charge. Et je ne parle pas des rats du château. Ils se jettent sur moi à vue. Le chien en fait de la charpie de même que pour les corbeaux qui s’aventure par les fenêtres. Mais il n’est pas toujours présent…

Baltazar ne la prit aucunement en pitié. Tout de même, il en était soucieux. La dimension agissait à l’inverse des pouvoirs des démons, comme pour les faire fuir, les supprimer tout bonnement des paysages de cendres. Il en eut froid dans le dos. Hermine, quant à elle, changea d’attitude. Son sourire pointa légèrement sur ses joues, laissant apparaître une douce pommette. Baltazar l’observa avec attention.

- Et la princesse ? l’interrogea-t-il.

- La princesse ? fit-elle feignant la surprise. Oh ! Mademoiselle Ofelia... Elle m’apprécie aussi. Du moment que Necati ne se jette pas sur moi, cela lui suffit à savoir que j’étais quelqu’un de bien. Elle a une façon bien étrange de traiter ces invités...

Baltazar repensa à son entrevue avec celle-ci. Effectivement, sous les grognements de Necati, Ofelia avait décrété que le démon était quelqu’un de mauvais, qu'il lui voulait du mal. Qu’il en soit l’inverse pour Hermine prouvait que ce jugement n’avait guère de sens. La démone se leva.

- Monsieur Baltazar, si vous voulez rester…

Elle fit tomber sa serviette. Le démon disparut aussitôt. Nue, elle en rit de bon cœur en la ramassant.

- J'étais sur que cela le ferait fuir. Me voila, tranquille, monologua-t-elle.

Soudain, elle fut prise de dégoût en voyant les araignées qui venaient de se coller au tissu mouillé.

- Néanmoins, il faut que je trouve un moyen de m'en aller au plus vite d'ici...

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