Chapitre 4
Il était tôt ce matin-là. Elle n’avait plus l’habitude de se lever aussi tôt. En général elle émergeait autour de midi quand le soleil brûlait déjà le goudron depuis des heures . Elle sentit la fraîcheur du petit jour se poser sur elle et pénétrer ses narines. Cela avait quelque chose de très agréable. De bénéfique et de salvateur même. Comme si sa tête était devenue légère tout à coup. L’esprit plus vif elle se retrouvait propulsée dix ans en arrière. Les souvenirs affluaient pendant qu'elle se préparait pour sa nouvelle journée. Les suspects qu’elle a interrogés, les filatures, Sonia …
Cette ado était la fille de son supérieur et son ami, Daniel. Laura était très proche d’elle dès sa naissance. Même après la mort tragique de sa mère, elle avait gardé une certaine influence sur elle malgré ses fréquentations. Sonia avait commencé à trainer avec un groupe de filles de son âge pas très nettes. Les relations avec son père devenaient très difficiles et la gosse avait fini par se trouver une nouvelle famille. Grâce à la position de Daniel, Sonia avait évité plusieurs fois la maison de correction et autres camps de redressement. Et puis un jour, Daniel avait convoqué Laura dans son bureau. Il était agité et avait un visage très inquiet.
- John, j’ai besoin de ton aide.
- Qu’est-ce qu’il se passe Daniel ?
- C’est Sonia. Je crois que cette fois-ci je ne pourrais plus rien pour elle.
- De quoi tu parles ?
- Elle … Bon sang … Elle a été prise sur le fait …
- Accouche Daniel !
- Elle trempe dans le trafic de drogue du Cartel. Elle est dedans jusqu’au cou. Elle deal depuis des mois.
- Putain ! Elle est où ?
- En garde à vue …
- Je vais la voir.
Après cela, Sonia était devenue une indic. C’était le seul moyen pour la sortir de là et lui éviter la prison. Les collègues n’étaient pas d’accord à l’époque. Ils pensaient qu’un camp de redressement serait suffisant. Ils n’avaient pas idée de la merde dans laquelle elle s’était mise. Elle s’était bien trop rapprochée des mauvaises personnes et elle en savait trop. Sa vie était en jeu quoi qu’il arrive.
Laura s'était décidé à sortir pour s'offrir un petit déjeuner. Elle prit sa voiture et roula. Ses souvenirs l’avaient tout naturellement dirigée vers le quartier général de la police. Elle gara sa voiture, descendit et mis ses lunettes de soleil sur le haut de sa tête au moment de passer les portes-vitrées du QG. Les regards se tournèrent vers elle. Certains la saluèrent discrètement, d’autres chuchotèrent entre eux sur son passage. Les cinq années qu’elle avait passé ici en tant qu’inspecteur de police de la brigade des stupéfiants avaient été couronnées de succès jusqu’à l’affaire qui avait coûté la vie de Sonia. Tous les dossiers qui lui passaient entre les mains à l’époque se clôturaient par des arrestations. Sa réputation dans le milieu la précédait encore visiblement. Son portrait trônait toujours dans le hall avec les autres flics médaillés. Quelle hypocrisie. Cela lui donnait la nausée. Elle se présenta à l’accueil. Déclina son identité et demande à voir Sara Capens.
Quelques minutes plus tard, une blonde rondelette perchée sur des petits talons vert pomme se présenta devant elle.
- Laura ?
- Sara ! Je suis ravie de te voir. Tu as le temps pour un petit-déjeuner ?
- J’ai toujours du temps pour toi. Mais d’habitude nous nous voyons pour le déjeuner.
- C’est bien de changer les habitudes non ?
Elle précisa à l’accueil qu’elle quittait le poste et qu’elle serait là pour le déjeuner du Commandant.
Elles sortirent et prirent à droite en direction d’un petit café que Sara adorait. Elles s’assirent à leur table habituelle et commandèrent un petit-déjeuner qu’elles arrosèrent de liquide noir et parfumé.
- Cela fait des mois que je n’ai pas eu de tes nouvelles Laura. Et te voir débarquer au QG n’augure rien de bon.
- J’ai une nouvelle piste. J’ai besoin que tu me dises si de nouveaux éléments ont été apportés au dossier du Cartel.
- Haaaa Laura, Laura. Cette histoire est vieille de dix ans !
- Je sais Sara mais j’ai peut-être une nouvelle piste.
- Peut-être ? C’est un peu léger non ?
- J’ai une nouvelle piste. Alors dis-moi…
- …
- Qu’y-a-t-il Sara ?
- Le dossier a disparu.
- Pardon ?
- Le dossier a disparu. Il n’est plus dans nos archives et tout ce que tu peux trouver sur le net à ce sujet s’est envolé. Pfffft ! Evaporé comme par magie. Personne n’a rouvert le dossier puisqu’il n’existe plus.
- On a étouffé l’affaire jusqu’à la faire disparaître ?!
- Oui.
- C’était quand ?
- Moins d’un an.
- Et le Commandant n’a rien dit ? Rien fait ?
- Il a reçu des messages très clairs lui conseillant de ne pas bouger d’un pouce. Et c’est ce qu’il a fait.
- Quel lâche !
- Oh je t’en prie Laura. Il a reçu des menaces de mort très sérieuse. Comment voulais-tu qu’il réagisse ?
- Oui tu as raison. Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?
- Elle est bonne ta blague. J'allais surement te contacter pour dire à ton répondeur que le dossier avait disparu. Qu'est-ce que cela aurait changer ?
- ... Rien en effet.
- C’est quoi ta piste ? Je peux peut-être voir ce que j’ai de mon côté.
- Eliot Peters, ça te parle ?
- Si ça me parle ? Cet individu sent plus mauvais que mes tampons hygiéniques après quinze jours dans la poubelle. Tous les policiers du poste l’ont dans le nez. On sait qu’il trempe dans tout mais il s’en sort le popotin tout propre à chaque fois.
- Dans tout ?
- Armes, prostituées, drogue, organes … Tout y passe. Ce type est une anguille !
- Je vois. Je suppose qu’il y a des dossiers dans lesquels il apparait de près ou de loin ?
- Pas vraiment. Je vais fouiner et poser quelques questions. Je te tiens au courant.
Sara partie en premier. Elle régla l’addition et laissa flotter dans l’air son parfum poivré. Laura termina son assiette rapidement et reprit la route. Si Peters était une anguille, elle allait reprendre la partie de pêche et cette fois … Elle attraperait gros.
Au sous-sol de son immeuble, Laura commençait à s’impatienter. T n’avait toujours pas rappelé. Son dossier devant les yeux, elle n’arrivait pas a remonté le temps avec ses recherches.
- Salut salut !
- T, qu’est-ce que tu fichais !?
- Je bosse Laura et pas seulement avec toi. Alors qu’est-ce que je peux faire pour toi, Madame Grognon ?
- Peters. Tu ne m’as donné que les éléments dont j’avais besoin n’est-ce pas ?
- C’est-à-dire ?
- Est-ce que tu as autre chose sur lui ?
- Il fait encore des siennes ?
- T, je t’ai posé une question.
- Oh ça va ! Ça va ! Ne t’énerve pas. J’ai trouvé des bricoles pour le faire chanter et c’était l’objectif principal. Il a l’air d’avoir une vie bien remplie mais je n’ai pas creusé ailleurs.
- J’ai besoin que tu creuses stp. Il est en lien avec le Cartel.
- Wow wow wow ! Le cartel ? Non mais tu veux rire ? C’est un gros poisson ça ! On ne joue plus dans la même cour. A quoi tu penses ?!
- Je t’ai parlé de cette affaire qui m’a coûté ma carrière il y a environ dix ans ?
- Dans les grandes lignes oui.
- J’ai besoin de ton aide T. Je pense que Peters pourrait être mon billet pour ma rédemption.
- OK OK… Tu as un point de départ à me donner ? Quelque chose par où commencer ?
- Je t’envoie le dossier de la brigade que j’ai copié en partant.
- What ?!
- D’ailleurs il a été supprimé des archives de la police y a moins d’un an. Renseigne toi aussi là-dessus stp. Je vais mettre Doc dans la boucle. Sara s’occupe de voir ce qu’elle peut dégoter de son côté et moi je vais avoir besoin de matériel plus pointu pour filer ce mec. Tu peux me trouver ça ?
- Oui bien sûr... Laura, tu pars sur une pente dangereuse tu sais ?
- Oui.
- Bon … On se recontacte.
Les écrans s’éteignirent. Elle avait peur tout à coup. Mais elle savait ce qu’elle devait faire. Elle remonta chez elle et appela Doc. Le coup de téléphone fut bref et elle l’entendit arriver peu de temps après. Elle devait assurer ses arrières pour rouvrir ce dossier.
Doc avait quelque chose de différent depuis qu’ils avaient passé du temps ensemble dans son appartement. Il leur fallut quelques minutes pour sortir du malaise qui les avaient gagnés quand elle avait ouvert la porte. La tension dissipée, ils avaient discuté longuement pour mettre une stratégie en place. Doc savait que cette fois, le risque de la voir morte était bien plus réel que lors de ses petites investigations pour le compte d’un mari jaloux ou d’un membre de gang en quête de vengeance. Cette mission serait longue et particulièrement dangereuse. Ils dinèrent d’une pizza peppéroni. A son grand étonnement il ne vit pas de martini sur la table. Cela le rendait nerveux. Il voulait la prendre dans ses bras et la mettre en sécurité. Il n’en fit rien. Elle avait besoin de lui, du militaire en lui, pas de l’homme transit de peur à l’idée de la perdre. Après plusieurs heures, Doc releva un point qui titillait déjà l’instinct de Laura. L’agression de Gabriel n’était pas un hasard. Il leur fallait tirer cela au clair. Et si Gabriel était pris pour cible pour obtenir des renseignements sur Laura ? Et s’il était complice ?
- Sincèrement j’en doute Doc.
- Ce ne serait pas la première fois qu’un espion de cette catégorie bosserait pour le cartel tu sais.
- Je sais mais …
- Tu en pinces pour lui ?
Le ton de sa voix c’était fait sec lorsqu’il posa la question.
- Sois pas con Doc… J’ai autre chose à foutre que de gérer une crise de jalousie en ce moment.
- Quoi qu’il en soit, reste sur tes gardes avec lui. Qu’il soit victime ou complice il pourrait te mettre en danger sur cette affaire.
- Ou m’être utile.
- C’est un jeu dangereux …
- C’est pour ça que je t’ai appelé. Pour assurer mes arrières. Je te tiendrai informé de toutes mes actions. Ne me dis rien de tes plans mais débrouille toi pour toujours avoir un œil sur moi.
Le téléphone de Laura vibra. T lui donnait rendez-vous. La discussion prit fin et Doc rentra chez lui. Il avait du pain sur la planche. Elle descendit au sous-sol. Une fois en bas, elle composa le code sur le téléphone vert. L’échange ne dura pas longtemps. Les machines s’affolèrent et rapidement elle disposa d’un emploi du temps détaillé pour suivre Peters durant les prochaines semaines voire mois. Des éléments venaient compléter son dossier mais rien d’utilisable en l’état. Il avait été vu en des lieux où le cartel avait des hommes de main et où certains d’entre eux avaient été arrêtés mais tout autant que le touriste lambda qui se promenait dans le coin. Rien n’indiquait clairement qu’il était impliqué. T devait encore creuser. Elle s’équipa et envoya un message à Gabriel. Si son instinct ne la trompait pas, il y avait quelque chose à voir de ce côté-là. Cette fois, elle lui proposa une rencontre informelle loin de son bureau. Il y avait un parc non loin de son immeuble. Sur le trajet, elle prit soin de vérifier qu’elle n’était pas suivie. Il n’en était rien. Moins tendue, elle arriva au point de rendez-vous. Le pont du parc des trois rosiers était très apprécié des promeneurs à la vie simple et aux turpitudes bien loin de celles qu’elle pouvait ressentir. Son regard se posa vite sur lui. Elégant, il s’était apprêté. De son côté elle n’avait pas fait d’effort particulier. De toute façon ce n’était pas son fort. Elle s’approcha de lui. Il était nerveux. Bon sang qu’il avait du mal à rester concentré en sa présence. Elle dégageait une force qu’il n’avait vu nulle part ailleurs. Tous ses sens étaient en émoi. Il perdait rarement la face pourtant devant elle il se sentait comme un idiot. Surtout depuis qu’elle l’avait surpris après que ce lourdaud soit passé lui « mettre les points sur les i ». Ses ecchymoses le faisaient encore souffrir. Il lui prit la main et la caressa du pouce. Le vent chaud faisait vibrer les feuilles dans les arbres. Leur chant accompagnait les cigales et le rire des enfants qui courraient. Ce moment hors du temps les éloignaient d’une réalité bien plus sombre qu’offrait la ville derrière ses fleurs, son parc et ses promeneurs insouciants. Elle ne perdit pas de vue son objectif et tenta de se rapprocher de Gabriel. Ses années dans la police lui avaient apporté un savoir-faire qu’elle maîtrisait déjà bien à l’époque. Les infiltrations commençaient toujours par les affinités qu’une personne pouvait avoir vis-à-vis de l’agent qui souhaitait s’infiltrer. Mais tout le monde ne savait pas tisser des liens profonds comme elle. Cela lui avait parfois coûté. Elle s’impliquait émotionnellement en ajoutant une complicité et une sincérité plutôt limite aux yeux du Capitaine. Il ne pouvait pas le lui reprocher bien longtemps. Ses succès étaient autant de trophées qu’il accrochait à son bureau.
Ils discutèrent toute la journée et passèrent du temps ensemble comme deux amis très proches. Trop proches aurait estimé Doc. C’est ainsi qu’elle rentra chez elle avec des informations basiques à faire vérifier par T, un petit état civil et quelques éléments chronologiques. Des anecdotes à corroborer. Si Gabriel racontait des salades, elle le saurait. Elle envisageait sérieusement de mener une enquête sur son psy tout en continuant les séances. Une fois les informations et les directives transmises, elle se rendit au Mambo Pacifique. La soirée battait son plein. Costumes, robes de soirées. Rien d’inhabituel.
Doc lui avait conseillé Gabriel. Lorsqu’il lui avait dit de se méfier, il n’avait pas remis en cause son propre jugement. Pensait-il que Gabriel aurait-pu être approché bien après leur rencontre ? Une discussion s’imposait. Comme à son habitude, elle passa par la porte arrière réservée au personnel. Dans le couloir qui menait aux vestiaires et aux cuisines, se trouvait un peu en retrait, un rideau qui cachait grossièrement l’ascenseur pour se rendre chez Doc ou à son bureau. Un code permettait de monter à l’étage privé. Laura regarda l’heure sur son téléphone. Minuit douze. Il était surement dans son bureau sinon il était au bar. Elle prit l’ascenseur jusqu’au bureau. Elle passa le petit vestibule où se tenait Dylan, le chef de l’équipe des vigiles. Un bref échange avec lui et elle entra dans le bureau pour se diriger directement vers la baie vitrée qui avait vue sur le club. Elle l’aperçut au bar. Assis sur un tabouret, il regardait la salle. Elle n’aimait pas descendre dans la fosse et si elle devait le faire, Doc était assez pointilleux quant à la tenue vestimentaire qu’elle devait porter. Il en allait de la réputation du club. Finalement, elle l’appela. Il sentit son téléphone vibrer dans la poche intérieure de la veste de son costume bleu clair. Il avait fait une folie en s’arrêtant dans la boutique de Henry’s men. Une ombre passa rapidement sur son front quand il reconnu le numéro d’appel entrant.
- Allo ?
- Je suis en haut.
- Il y a une robe pour toi dans la penderie du Penthouse. Je t’attends en bas.
Il raccrocha sans lui laisser le temps de répondre. S’il devait la protéger, toute la ville devait le savoir d’une manière ou d’une autre. Il ne pouvait pas prétendre qu'elle était son officielle puisqu'elle couchait avec son psy. Il avait donc décidé de la faire passer pour sa maîtresse régulière. Cette couverture lui apporterait tout de même une protection sérieuse. Tout le monde savait que lorsque Doc avait une régulière, il la protégeait. L'afficher était une étape à ne pas négliger. Elle allait s’attaquer au cartel et il n’était pas question qu’elle travaille sans lui. Il interrompit ses réflexions quand elle fit son apparition en haut de l’escalier qui menait au club. Il était le seul à l’utiliser hormis quelques exceptions. Le brouhaha se fit plus bas quand elle descendit les marches. Doc se leva de son siège pour la rejoindre et lui fit poser la main sur son bras. Elle portait une robe bleu assortie au costume de Doc. C’est là qu’elle comprit ce qu’il avait en tête. Elle chuchota à son oreille et esquissa un sourire de circonstance.
- Tu sors le grand jeu ?
- Tu m’as demandé de couvrir tes arrières.
- Tout le monde ne va parler que de ça. Niveau discrétion, nous sommes à côté.
- Le meilleur moyen de ne pas se faire prendre, c’est d’être vu.
Ils déambulèrent ensemble. Laura ne pouvait plus rester dans l’ombre désormais. Même si la stratégie de Doc avait du sens, elle se sentait piégée. Désormais son visage était connu. Elle devrait redoubler d’efforts pour travailler en toute discrétion. La soirée prit fin après un flot incessant de rencontres. Tout le monde voulait parler avec Doc et Laura qui s’étaient installés à la table du patron. Table centrale qui ne restait jamais vide soit dit en passant. Des invités prestigieux payaient cher pour réserver cette table très bien placée et voir le show de Jessica Lewis ou pour parler affaires. Exclusivité du Mambo Pacifique, Jessica ne se produisait que dans ce club. Un concert privé d’environ une heure et demie qui n’avait lieu qu’une à deux fois par mois. Chaque spectacle était différent. Cela demandait beaucoup de travail et les fans s’arrachaient la table du patron. Sauf quand il choisissait d’être spectateur. Dans ce cas, la table lui revenait d’office. Des arrangements étaient alors convenus avec le public qui avait demandé la table. Bien souvent cela se passait sans encombre.
Ce soir, la table était prise par le patron et sa dame. Les curieux défilèrent toute la soirée pour s’assoir et discuter quelques instants. Laura détestait être le centre de l’attention. Cela dit, elle pourrait bien utiliser cette situation à son avantage. Ils firent la clôture du club. Le spectacle rencontra un franc succès. Doc prit le temps de saluer Jessica et de lui présenter Laura. Elles s’étaient croisées très souvent et Doc estimait qu’il était temps pour elles de faire connaissance. Il fit les présentations et félicita sa chanteuse en lui offrant des fleurs et une prime conséquente. Ils discutèrent longuement du prochain spectacle. Laura manifesta un peu d’impatience.
- Dis moi Jess, tu te souviens m’avoir parlé de Gabriel Bages, le psychologue.
- Oui en effet. Il y a un problème ?
- Laura et moi pensons qu’il trempe dans quelque chose susceptible de nous nuire. Pourrais-tu nous dire où tu as rencontré cet homme ?
- C’est Dylan qui m’en a parlé après ma … ma tentative de suicide. C’était peu de temps avant que je travaille avec toi.
Son regard glissait de Laura à Doc avec une certaine inquiétude.
- Sois sans crainte Jessica, je suis détective privée et rien de ce que tu diras ne sortira d’ici.
- J’étais vraiment au plus mal Mikey, tu le sais. Et j’avais besoin d’aide. Dylan m’avait ramassé encore une fois et il n’en pouvait plus. Il m’a laissé le choix. Soit, je me faisais aider soit il me quittait.
- Et tu as choisi de te faire aider. Je suis très fier de toi mon rossignol. Dylan et ce … Gabriel, ils se connaissent depuis longtemps ou bien est-ce un nom sur une liste de recherche de psy ?
- C’est un ami de la fac. Dylan et lui partageaient des cours communs. La sociologie et la psychologie je crois.
- Tu veux dire qu’ils se sont connus quand Dylan a repris ses études après l’armée ?
- Oui c’est ça. Cela fait quelques années maintenant. Dylan voulait se perfectionner dans le profilage pour t’aider au mieux.
- J’avoue que niveau profilage il est plutôt doué.
- Je croyais que c’était le chef de tes vigiles ?
- Chacun de mes gars portent plusieurs casquettes John.
- Mikey, je … Je ne sais rien d’autre sur lui. Cela fait un an maintenant que j’ai arrêté la thérapie et que Gabriel ne vient plus à la maison. Même Dylan n’a plus de nouvelles. S’il trempe dans quelque chose je te jure que je n’en sais rien.
- Respire Jess. Tout va bien. Je te fais confiance et je fais confiance à Dylan. Mon chauffeur te raccompagnera ce soir. Je dois discuter avec ton homme.
Ils quittèrent la loge et se rendirent au bureau de Doc. Sur le trajet, il contacta Dylan pour qu’il le rejoigne une fois la fermeture faite. La robe de Laura commençait à l’agacer. Elle monta au penthouse et se changea aussi rapidement que possible. Doc en fit autant dans son bureau, lequel disposait d’un dressing et d’un cabinet de coiffure.
Le confort de ses vêtements lui fit rendre grâce avec beaucoup d’enthousiasme. Elle rejoignit son co-équipier pour attendre Dylan. Les minutes s’écoulaient trop lentement à son goût.
- Qu’est-ce qu’il fout ?
- Calme toi Laura. Il fait son boulot. Après la fermeture clientèle il y a la fermeture complète et ça prend au moins une heure de tout vérifier.
- Super, donc nous avons une heure à tuer.
Il s’approcha d’elle, un sourire léger aux lèvres qui soulignait un regard pénétrant. Tout son corps la supplier de se laisser tenter. Mais sa tête voulait rester froide. Elle recula d’un pas.
Elle allait prononcer un mot mais il ne sortit pas. Vif comme le vent, il s’empara de son poignet avec douceur et la tira tranquillement vers lui. Il passa sa main sur le contour de son visage. Un bras autour de sa taille. Elle était moelleuse avec ses poignées d’amour débordantes. Il prit son temps pour aller jusqu’à ses lèvres. Comme s’il voulait se souvenir de chaque détail. De la douceur de sa peau, aux cernes qui marquaient ses yeux, en passant par les petites ridules qui soulignaient son regard. Elle avait vieilli. Elle s’était épaissie. Pourtant il la voulait. Bien plus que toutes ces belles femmes longilignes, aux proportions parfaites et au visage de porcelaine dont il profitait pour se détendre à l’occasion. Il l’aimait. Il la sentit se détendre petit à petit dans ses bras alors qu’ils échangeaient des baisers doux, affectueux. Il ne voulait rien de plus en cet instant. Malgré une excitation apparente, il voulait garder ce moment pour ce qu’il était là maintenant. Un instant de tendresse. Des coups frappés à la porte leur signalèrent la présence d’un inopportun. Doc grogna puis autorisa Dylan à entrer. Ce dernier les salua en passant la porte. Il avait interrompu quelque chose remarqua-t-il.
- Patron. Madame.
- Dylan, entre je te prie. Tu veux boire quelque chose.
- Non merci. Je conduis pour rentrer et Jessica n’aime pas sentir l’odeur de l’alcool sur moi.
- Très bien. Je t’ai fait venir pour te parler de Gabriel Bages. Le psy que Jessica m’a conseillé.
- Oui, qu’y-a-t-il ?
- Comment l’as-tu connu ?
- A la fac. Un gars bien.
- T’a-t-il déjà parlé de lui ?
- Pas vraiment. Il est resté dans le vague. Sa mère est décédée. Il n’a jamais connu son père. Il a payé ses études en faisant du trafic de drogue pendant des années.
- Du trafic de drogue ? Laura, il t’en a parlé ?
- Non. Nous n’en sommes pas encore arrivés là. Je sais pour ses parents néanmoins. Au moins là-dessus il ne ment pas où alors il ment depuis tellement longtemps que c’est devenu une réalité. Tu sais autre chose ?
- Ça fait un an que je ne le vois plus. Entre ses patients et mon boulot, il faut dire que nos emplois du temps sont difficiles à accorder. Il a fait quelque chose qui t’ennuie Mike ?
- Nous n’en sommes pas encore surs. Nous pensons qu’il bosse avec le cartel mais nous n’avons aucune preuve.
- Le cartel ?!! Non c’est impossible. Il ne deal plus. C’est un mec honnête. Il aide les gens !
- Calme toi Dylan.
- Ecoute Mike, si c’était un gars du cartel je l’aurais su.
- Sauf s’il te baratine depuis toutes ces années.
- Si c’est le cas, je le buterais moi-même.
Alors que la colère se lisait sur son visage lorsqu’il énonça ces mots, Dylan, serra le poing et frappa l’accoudoir du sofa d’appoint. Il se leva et prit congés sans mot dire. Seuls les angles de sa mâchoire laissaient comprendre qu’il était tendu.
- Il a l’air de plutôt bien le prendre ton gars. J’espère quand même qu’il ne va pas foutre en l’air toute l’opération.
- C’est un pro Laura. Il fera son boulot.
Elle sentit qu’il allait se rapprocher à nouveau avant même qu’il ne bouge. Cette fois, elle n’allait pas se laisser faire. Elle s’éclipsa promptement prétextant un rendez-vous chez le gynécologue, ce qui le laissa pantois durant quelques secondes. Quand il reprit sa contenance, elle était déjà partie. Il allait lui écrire un message cinglant puis se ravisa. Il en faisait peut-être un peu trop. Et ils avaient d’autres priorités.
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