Chapitre 9

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Gabriel devait prendre une décision. Il devrait en assumer les conséquences et cela ne l'enchantait pas vraiment. Une trahison, restait une trahison, qu'elle qu'en fusse la motivation. Il savait ce que cela pouvait laisser comme trace dans la vie d'une personne. Il l'avait lui même expérimenté avec sa mère. Il s'était senti trahi par celle qui l'avait mis au monde. Elle n'avait pas su s'occuper de son fils et il s'était senti abandonné. Cromwell était devenu la figure paternelle qu'il avait tant espéré. Pour autant, jamais il n'aurait pensé qu'un tel criminel lui servirait de père. En même temps, il était lui-même fils de criminel alors, avait-il le droit de juger ? Il comprenait mieux pourquoi il s'était penché sur le trafic de drogue dans sa jeunesse. Cela lui avait permis de payer ses études et cela avait évité les huissiers un bon nombre de fois. Un sacré paquet d'excuses pour justifier des actes répréhensibles auprès du commun de la population. Mais pour lui, c'était une réalité à laquelle il était difficile d'échapper.

Peu importait aujourd'hui. Il devait faire un choix. Qu'il décide d'honnorer sa naissance ou de prendre le droit chemin, il allait trahir quelqu'un et cela allait lui coûter cher.

La tête entre ses mains, il était assis sur le bord de son lit alors que le vent soufflait des rafales d'air chaud dans les rues de la ville. Vêtu de son caleçon rayé, il luisait d'une transpiration fine. Il inspira profondément et se leva. Il s'étira et se relâcha net. Il s'habilla, ingurgita un coca et fila en direction de son rendez-vous. Sur le trajet, il passe un coup de fil.

- Fils, je suis ravi de t'entendre. J'imagine que tu as de bonnes nouvelles pour te permettre de me contacter directement ?

- Oui...

                    ***

Laura et Doc se retrouvèrent devant l'entrée de la planque de T.

- Tu m'as suivie ?

- Non.

Elle lui souria. Elle savait bien qu'il ne l'avait pas suivi mais elle aimait le taquiner. Elle lui emboîta la pas. Ils passèrent dans le hangar chargé de matériel électronique et se dirigèrent vers la passerelle qui menait à l'appartement. Ils furent accueuillis par Sara. Les deux arrivants se lancèrent un regard amusé. Nul doute qu'elle avait investi les lieux et la vie de T. Sara était une femme spontanée et vive, qui savait ce qu'elle voulait. Avec un large sourire, elle les invita à entrer :

- Bonjour vous deux. Je suis contente de vous voir.

Pour la première fois, Laura découvrit enfin l'antre de son co-équipier. Elle devait bien admettre que cela ne ressemblait absolument pas à ce qu'elle avait imaginé. Elle observa à la dérobée, telle une inquisitrice, elle analysa et tira ses conclusions qu'elle ne partagea qu'avec elle-même. T sortit de ce qui semblait être la salle de bain. Déduction faite grâce à la vapeur qui s'échappa lorsqu'il apparut. Un peu gêné, il fit un bref salut de la main et se précipita derrière son paravent pour s'habiller.

Les joues roses de Sara n'échappèrent pas à Laura qui lui piqua les côtes avec un léger coup de coude. Doc, était absorbé par la collection de Katanas accrochée au mur. Un petit silence amusé fut rompu par le raclement de gorge de Sara.

- "Je vous sers quelque chose à boire ?

T réapparut dans une tenue plus appropriée et annonça :

- Je prendrai une bière s'il-te-plait.

- Moi aussi." Jeta Doc

Laura demanda un verre d'eau et tout le monde s'assit. Cette fois-ci, le silence se fit pesant. Sara avait proposé cette soirée pour se détendre un peu après tout ce qui s'était passé. L'idée consistait à passer un moment entre amis : pizzas, films, discussions. En tout cas, c'est ce qu'elle avait suggéré. Seulement voilà, ils étaient tous mal à l'aise. C'était bien la première fois qu'une telle occasion se produisait et personne ne savait comment réagir bien qu'ils aient tous accepté. Chacun sirotait son verre, un peu tendu, sans trop savoir quoi se dire. C'est T qui brisa la glace.

- C'est étrange n'est-pas ? On pourrait croire que bientôt nous allons tous mourir.

- C'est une option. Releva Doc.

Nouveau silence. Laura se décida.

- Ecoutez, vous me connaissez tous. Et ce genre de soirée, ce n'est pas du tout mon truc. En général, pour me détendre, je picole, je fume, ou je me tape un mec dont le nom m'échappe au réveil. Si j'ai accepté cette soirée ce soir, c'est parce que ...

Elle se racla la gorge avant de continuer.

- C'est parce que vous êtes ce qui se rapproche le plus d'une famille pour moi. Avant, quand je faisais partie de la brigade, c'était avec d'autres personnes que je passais ce genre de moment. Mais, c'était il y a bien longtemps et certains ne sont plus de ce monde. C'est pour ça que nous travaillons ensemble aujourd'hui. Pour les venger. Alors oui, ce que nous entreprenons est extrèmement risqué. Cela sort clairement du cadre légal et nous risquons tous nos vies. Pour ça, je voudrais vous dire merci. Merci d'être là.

Les larmes aux yeux, Sara la prit dans ses bras et la serra un peu trop fort avant de la relâcher et de se rasseoir. Doc lui carressa doucement la main en même temps qui T lui tapait dans le dos en s'exclamant :

- Super, manquerait plus qu'on chiale maintenant ! Vous savez quoi ? On va faire ce qu'on sait faire de mieux. On va revoir le plan en mangeant des pizzas.

Ils acquiéscèrent d'un commun accord et chacun s'activa. T pris le téléphone pour commander des pizzas. Sara sortit les différents documents de travail pour refaire le point. Doc et Laura disposèrent la pièce de façon à ce que chacun soit confortablement installé pour réétudier la mission.

Plus détendus, ils firent un nouveau point de façon moins approfondie cette fois. Cela servit plus de support pour détendre l'atmosphère qu'autre chose. Ils avaient vu et revu le plan tellement de fois que chacun le connaissait par coeur. Il s'agissait plus d'avoir une base de discussion et cela fonctionna. Ils se mirent à discuter à bâton rompu. Ils se découvrirent les uns les autres en se racontant des anecdotes personnelles et en se remémorant de vieux souvenirs.

- Tu n'es pas sérieuse Laura ?

- Si, si je te jure. Ce soir là, je venais juste de rencontrer Doc et j'étais tellement bourrée que j'ai courru directement chez toi plutôt que de rentrer chez moi.

- J'arrive pas à le croire ! Donc vous vous connaissez depuis ce jour maudit ! J'ai dû te supporter déblatérer pendant des heures ! Je venais juste de me lever en plus.

Sara regarda T en continuant :

- Elle a tapissé mes toilettes de Martini à moitié digéré.

T esquissa une moue de dégout.

Ils éclatèrent de rire. Cette ambiance dura ainsi jusque tard dans la nuit. Des liens se tissaient doucement et Laura en fut plus touchée qu'elle ne voulait l'admettre.

Doc regarda l'heure vers les trois heures du matin. Il décida qu'il était temps pour lui de rentrer. Il avait encore des choses à régler de son côté et il baillait assez pour annoncer qu'il lui fallait dormir. Laura ne tarda pas à suivre, laissant ainsi les tourtereaux à leur aise.

Dehors, la lune éclairait le paysage industriel nocturne. La vie changeait de sonorité et la musique des moteurs lointains se mélangeaint aux clapotis des vagues qui bordaient les quais de la zone industrielle abandonnée. T avait trouvait un bonne planque, cela allait sans dire. Laura se donna une ou deux minutes pour profiter de cet instant suspendu dans le temps puis, elle s'engouffra dans sa voiture. Elle mit le contact et releva la tête lorsqu'il lui sembla apercevoir un mouvement dans la nuit. Elle plissa les yeux et se concentra. Plus rien. Elle était fatiguée et surement que ses yeux lui jouaient des tours. Incertaine, elle décida d'aller voir de plus près. Elle coupa le moteur et sortit de son véhicule. Prudement, elle se rapprocha de la zone suspecte. Le lune éclairait suffisament pour qu'elle n'ai pas besoin de lampe-torche. Elle observa les lieux et stoppa sa trajectoire à plusieurs reprises pour s'assurer de ce qu'elle pouvait voir ou entendre. Rien. Peut-être un chien ou un chat, se dit-elle. Après avoir prospecté quelques minutes de plus et informé Doc qu'il n'y avait rien à signaler, elle regagna son auto et rentra chez elle.

Sur la route, elle souria en repensant à cette soirée hors du commun. S'ils s'en sortaient tous, il y en aurait beaucoup d'autres.

Une fois chez elle, elle prit la peine d'ouvrir son canapé-lit, de faire son lit et de se mettre en tenue d'Eve pour dormir. Elle eut à peine le temps de fermer le yeux, qu'elle retrouva Morphée pour ce qu'elle espérait être une longue nuit de sommeil.

                   ***

Un bruit sourd la tira de son rêve. A côté d'elle, T marmonna des mots incompréhensibles et tenta de se relever.

Les cris de Sara le firent se réveiller en sursaut. La scène se déroula tellement vite qu'il eut à peine le temps de comprendre ce qu'il se passait. Il en compta cinq. Deux détenaient sa chère et tendre. Et deux autres s'aggrippaient déjà à lui pour le ligoter et le bailloner à l'instar de Sara. Le cinquième mimait des gestes précis pendant que tous deux se débattaient autant qu'ils le pouvaient. En vain. Plus ils tentaient de leur échapper et plus ils se faisaient mal traiter.

Le coeur battant à tout rompre, Sara pleurait et hurlait.

T ne savait que faire. Il enrageait. Les alarmes n'avaient pas sonné, pourquoi ? En un temps record, ils furent trainés avec brutalité dans un camion à la peinture sombre. T se vit recevoir un sac de toile sur la tête, lui empéchant de voir quoi que ce soit.

Sara comprit que le camion démarrait et entamait son voyage.

Dès que T tentait de se relever, il recevait des coups.

Sara se rebellait aussi et fut mise KO par un coup sur la tête.

T ne l'entendit plus. La peur au ventre, couché sur le sol de l'habitacle, il cessa de bouger et attendit en tentant de calmer sa respiration. Leurs ravisseurs n'avaient pas décrocher un mot. Ces gars-là étaient des pros. Il fallait qu'il garde son calme pour avoir l'esprit clair. D'après les mouvements du véhicule et le temps de route qu'il estima de manière approximative, il tenta de déduire leur localisation. Environ trente minutes s'étaient écoulées depuis leur départ ce qui les amenaient, pensa-t-il, à l'extérieur de la ville. Ils n'avaient pas pris les voies rapides et d'après les mouvements de direction, ils étaient aux environs des bidonvilles du désert à quelques kilomètres à l'Est de la ville. Il n'en était pas certain, cependant il savait que le lieu était réputé pour cacher des cadavres et qu'aucune police n'osait y mettre les pieds. Les bidonvilles ont leur propre loi et les négociations sont rudes. T frémit.

Après avoir rouler sur des chemins cahoteux, le camion s'arrêta. Le sac encombrait toujours sa vue. Les sens en alerte, il sentit le sable sous ses pieds lorsqu'il sortit flanqué de deux individus. Ils commencèrent à avancer. De petits cailloux lui piquèrent la plante des pieds et il manqua plusieurs fois de tomber. Ses geoliers le rattrapaient pour mieux le pousser. Les mains liées dans son dos, il ne pouvait faire le moindre geste pour se défendre. Il ne savait pas si Sara était avec lui ou s'ils avaient été séparés au moment de sortir de leur prison roulante. Il s'intima au calme et malgré la douleur dans ses épaules et son dos, il tenait bon. Des voix s'interpellaient, des portes s'ouvraient et se fermaient, des véhicules circulaient. Puis tout à coup, il se sentit propulsé sur un sol froid et humide à l'odeur âcre. Le choc de la réception lui coupa le souffle. Il entendit un son étouffé juste à côté de lui puis, un bruit lourd métallique résonna autour de lui. Des pas claquèrent doucement sur le sol. Son sac lui fut vivement ôté de sa tête. Déboussolé, il regarda autour de lui. Sara était là,la tête libérée de son sac. Face à eux, un homme aux allures de body-builder et couvert de tatouages s'adressa à eux. Son visage anguleux portait une expression grave et fermée :

- Vous pouvez toujours tenter de faire quoi que ce soit, dans tous les cas, vous êtes morts.

Sara tenta de poser une question et reçut une gifle qui l'envoya au tapis. Un filet de sang compléta le tableau de son visage déjà tuméfié.

Le gorille sortit de la cellule en ricanant. Il se retrouvèrent seuls. A peine éclairée par la lumière du petit jour, la pièce était crasseuse. Un seau, de vieilles couvertures et des restes alimentaires étaient posés ça et là. T se tortilla et se rapprocha tant bien que mal de Sara qui pleurait en silence. Il tenta de la rassurer.

- Ca va aller mon coeur...

Elle murmura entre deux reniflements, les épaules affaissées :

- Non... Ca ne va pas aller.

Ils trouvèrent un coin où se tapir. Elle fit de son mieux pour se blottir contre lui malgré ses liens. Il fit de son mieux pour la réconforter. Tremblant de froid, ils attendirent leur châtiment sans comprendre ce qui leur arrivait ...

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