Chapitre 12
- Ecoute Laura, on ne peut pas y aller seuls tu comprends ? Mes hommes...
- Tes hommes ont des familles ! Il n'est pas question que nous leur demandions de participer à l'échange !
Doc freina d'un coup sec à quelques mètres seulement du Mambo Pacifique. Ce qui surprit quelques passants.
- Putain Laura ça suffit maintenant !!! C'est une opération de sauvetage oui ou merde ?!!
Elle le regarda stupéfaite puis se ressaisit prête à rugir. Avant même qu'elle n'ait le temps de parler il reprit plus calmement.
- Je sais que tu as la frousse Laura. Je sais que tu t'en veux. Mais tu te laisses mener par tes émotions et si tu ne te reprends pas, on va y passer tous les deux. Alors respire et réfléchis à ce que tu vas dire.
Elle ouvrit la bouche mais rien ne sortit. Comme elle n'eut pas l'air de vouloir parler, il se décida.
- Ecoute, avec l'aide de mes gars, nous avons une chance de sauver T, Sarah et nos deux culs. Ils sont entraînés et n'attendent qu'une occasion de montrer ce qu'ils valent sur des opérations de cette ampleur. Un tireur d'élite, deux bastonneurs et un éclaireur. Ni plus, ni moins.
- On n'a même pas de plan...
- J'ai déjà réfléchi à cette option. Les gars sont au courant et ils nous attendent avec un plan.
- Quoi ?! Mais depuis quand tu prépares ça ?!
- Depuis que nous savons pour la prise d'otage.
Elle le regardait l'air médusé. Elle retint son souffle quelques secondes comme si elle voulait parler et puis se relâcha d'un coup en se renfonçant dans le siège passager. Elle aurait du s'en douter.
Doc venait de passer la porte automatique du parking privé de son immeuble.
- Franchement Laura, crois-tu sincèrement être la seule à te soucier d'eux ?
Elle ne repondit pas. Il détestait lorsqu'elle restait silencieuse. La communication était déjà difficile entre eux alors quand elle s'enfermait dans son mutisme puéril, il n'avait plus qu'à attendre. Encore que, cette fois ci, elle ne pouvait pas partir en claquant la porte comme elle l'eut fait temps de fois par le passé.
Ils descendirent de voiture et prirent l'ascenseur privé qui menait au penthouse. Les gars attendaient dans le salon. Décoré sobrement, Laura ne s'attarda pas longtemps dans son observation. De toute façon, elle connaissait ce lieu par coeur. Elle s'approcha de la table des opérations. Du moins c'est ce qu'elle intuita en les voyants réunis autour de la table centrale sur laquelle étaient éparpillés divers documents.
Ils se saluèrent les uns les autres. Laura les regardait d'un oeil noir. Elle avait le sentiment d'avoir été trahie. Elle avait beau comprendre les raisons qui avaient poussé Doc à lui cacher ses plans, elle lui en voulait. Ce n'était pas la première fois pourtant. Ils avaient déjà fait cavalier seul sur des affaires qu'ils savaient avoir en commun. "Chacun sa méthode" avait elle l'habitude de lui rappeler. Mais cette fois c'était différent. Ils étaient différents. Elle inspira prodonfément et décida qu'il était temps de passer aux choses sérieuses. La vie de ses amis était en danger et faire la gueule n'y changerait rien.
Elle brisa le silence de glace qu'elle savait avoir installé à peine arrivée.
- Bon, alors, comment s'y prend-on ?
Les quatre hommes jetèrent un coup d'oeil à Paolino. Histoire de prendre la température. Il leur fit signe d'un coup de tête pour qu'ils se jettent à l'eau.
Dylan, le plus ancien membre de l'équipe désigna une zone sur la carte du port où se situait le lieu de rendez-vous.
- Il y a deux accès évidents ici et ici. Je pense que c'est par la mer qu'ils arriveront. A mon avis ils auront installé des hommes là et là. Cela leur permettra d'avoir une vue en hauteur pour une meilleure visée. S'ils sont malins, ils se placeront derrière ce mur pour ne pas être vus et je pense que Cromwell sera accompagné de gardes du corps.
Tom, un petit jeune d'environ vingt-cinq ans prit le relais. Il avait été radié de l'armée après avoir émasculé un violeur qui venait d'agresser une petite fille de cinq ans devant ses yeux lors d'une opération d'extraction au Sénégal. Depuis, il bossait pour Doc qui recrutait ce type de profil pour s'assurer leur fidélité et des capacités hors normes.
- Le choix du lieu est intéressant. Suffisament discret pour ne pas attirer l'attention mais pas trop, ce qui implique uniquement des petits groupes d'intervention.
Laura ne comprit pas et le questionna. Il précisa :
- C'est-à-dire qu'il ne peut pas se pointer avec une armée et nous non plus. Il viendra au maximum avec cinq ou six gars.
Doc ajouta :
- S'il vient avec plus, il risque de se faire repérer. Et nous aussi. Je pense même qu'au moment de l'échange, certains dockers seront en pause pour ne pas alarmer par un surnombre inhabituel. Je pense qu'ils les remplacera par des hommes à lui.
Dana qui ne s'était pas exprimée jusque là pris la parole. Elle était très fine, mais athlétique. Sa discrétion indiquait qu'elle était probablement l'éclaireuse de l'équipe.
- Je suis allée faire un repérage afin de définir les zones de passage et les angles de tir. Le seul endroit où Cromwell pourra se positionner pour être le moins visé c'est sur cette plateforme. Cela nous laisse peu de visuel pour l'atteindre sachant que ses gars seront placés directement dans les lignes de mire pour sa protection.
Justin se dandinait depuis le début. Le crâne rasé, les yeux verts, la machoire carrée, il avait tout du bon petit soldat. Doc avait choisi les meilleurs de son équipe.
Dylan expliqua alors le plan. Il se placerait en hauteur sur une tourelle plus éloignée. Ici, il pourrait avoir les tireurs d'élite de Cromwell. Dana experte en backstabbing s'occuperait de ceux qui seraient potentiellement positionnés en retrait caché. Tom et Justin, les gros bras de l'équipe accompagneraient Doc et Laura directement sur la plateforme pour combattre en cas de besoin.
C'était clair. La stratégie était posée. Le risque était énorme. L'extraction d'otages dans ces conditions équivalait carrément à un suicide. Ils en avaient tous conscience.
Et Laura le savait.
Elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui avait merdé dans cette affaire pour en arriver là. Une fois que tout fut mis au clair pour chacun d'entre eux, Doc les emmena dans son armurerie pour se préparer. Gilets pare-balles, pistolets, couteaux, armes de jets, fusil de précision, tout le matériel fut passé en revue. Le cliquetis des armes résonnait dans la pièce et la tension était palpable. Une tension qui annonçait la venue d'un sang-foid glaçant. Ce sang-froid annonciateur de moments décisifs, d'affrontement inévitable. Celui qui vous fait presque oublier que vous êtes humain.
Lorsqu'il furent prêts, un premier groupe constitué de Dylan et de Dana partit en avance pour se positionner le plus discrètement possible en amont. Leur rôle était crucial pour la mise en place des autres membres. Ils devaient assurer leur sécurité bien qu'elle fusse toute relative.
Tom, Justin, Doc et Laura attendirent patiement leur tour. Assis pour les uns, faisant les cent pas pour les autres. Très peu de mots furent échangés pendant que s'égrainaient les minutes. Les respirations lourdent se mélangeaient aux gouttes de sueur qui coulaient sur les visages fermés.
Laura était bien plus froide que d'habitude. Tout se téléscopait dans sa tête. Sonia, Sarah, T. Une colère froide montait en elle. Lentement, elle prenait possession de son esprit et de son corps. C'était comme si plus rien d'autre ne comptait que de libérer ses amis. "Amis"... Oui, ses amis. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle repousse son attachement aux autres ? Ils étaient ses co-équipiers, ses amis, ... Sa famille. Et ce fils de pute de Cromwell aurait ce qu'il méritait. Elle s'en faisait la promesse.
L'attente.
Pour chaque mission, le plus difficile était l'attente. Doc le savait. Il se revoyait dans sa prime jeunesse quand il était en garnison à l'étranger. Attendant l'ordre d'agir alors que cela faisait des heures qu'ils étaient prêts pour intervenir. Combien de fois avait-il rugi à son for intéreur ? Pourquoi les commandants de garnison ne les envoyaient-ils pas directement après l'équipement ? La statégie. Le conditionnement psychologique. Voilà les raisons. Parfois même, ils ne partaient pas. Les ordres changeaient en fonction de la situation à l'extérieur. Mais eux, ils attendaient. Dans le silence parfois, avec humour souvent. C'était une autre vie mais elle était encrée en lui comme un tatouage. Chacune de ses cellules portait en elle la mémoire de cette époque. Mais cette fois, il commandait la section. Et il savait qu'il fallait ce temps d'attente. Chacun se préparait mentalement. Résister à cette attente, c'était une moyen de mesurer la force mentale de chacun.
Un bip retentit. Doc regarda son téléphone. Dylan leur envoyait le feu vert. Cromwell était en approche par la mer comme ils l'avaient prévu. Décidés, ils quittèrent les lieux et se rendirent jusqu'aux véhicules postés au sous-sol. Ils en avaient prit deux pour multiplier les chances de sorties. Tom et Laura dans un, Doc et Justin dans l'autre.
La route ne fut pas longue. En tout cas, Laura ne la vit pas passer. Sa concentration était puissante. Comme si elle était entrée dans une sorte de méditation ou une obsession. Elle inspirait et expirait avec une conscience accrue de sa propre vitalité. Ce soir signerait la fin d'une torture longue de dix ans.
Ils choisirent des emplacements qu'ils considéraient comme stratégique pour parquer les autos. La nuit était moite. Le sol brillait du reflet des lampadaires sur la pellicule humide qui revêtait le sol. La pluie venait de s'inviter à la fête en goutellettes fines et sournoises. Quand ils arrivèrent près de l'entrée du Dock 14, un agent de sécurité les accueilla. Rien ne fut dit. D'un geste, d'un regard, il leur fit signe d'avancer. Un homme armé habillé de noir apparut sur leur droite et leur montra le chemin.
Une escorte armée. Ils s'y attendaient tous. Cromwell se doutait surement qu'elle ne viendrait pas seule. Qui pouvait prédire ce qui allait se passer ? Personne. Il vallait mieux assurer ses arrières que de parier sur l'honnêteté d'un criminel notoire qui échappe aux filets de la police depuis des décennies.
Ils déambulèrent entre les conteneurs aux couleurs abîmées par la rouille jusqu'à arriver aux abords du quai où était amarré un énorme cargo. Une grue de déchargement disposait les boîtes de métal pleines de marchandises en un labyrinthe aux hauteurs vertigineuses. L'équipe de travail de nuit semblait réduite. Arrivés en bas de la coupée, leur guide se posta et leur fit signe de monter. Il ne monta pas avec eux.
La pluie rendait les marches glissantes. Doc qui était passé devant, aperçu une silouhette tanquée qui parlait dans un talkie-walkie accroché à son épaule gauche. Un autre garde allait les accueillir en haut de la coupée. Il les devença et il le guida à son tour dans les méandres du bord.
A peine quelques minutes plus tard, il leur ouvrit la porte d'un sas qui donnait sur une plateforme de stockage. Le craquement du bateau donnait le rythme de la soirée. Lent et profond. Comme le râle d'un viel homme qui rend son dernier souffle.
Ils firent les derniers pas qui les menaient vers leur destin. Ce soir, ils jouaient le tout pour le tout.
L'homme qui les avait guidé se positionna sur leur gauche. Ils n'attendirent pas longtemps avant de percevoir du mouvement dans leur direction. Plusieurs ombres s'approchèrent. Il leur était difficile de distinguer correctement les arrivants entre la nuit, le bruine et les lumières diffuses.
Puis, petit à petit, alors que les individus s'approchaient d'eux, ils le virent très clairement.
Gabriel.
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