Chapitre 13
Il regardait ailleurs. Heureusement, se disait Laura. Ce fumier les avait trahi !
- Bonsoir Mademoiselle Johnatan. C'est un plaisir de vous rencontrer en chair et en os.
La voix profonde de Cromwell résonna à ses oreilles comme mille coups de marteau. Elle ne répondit pas. Elle sentait sa propre rage et celle de Doc monter en même temps. Ils devaient se contenir. Pour la vie de leurs amis. Elle se décida.
- Ou sont T et Sarah ?
Cromwell afficha un faux air vexé. Il portait un trench gris duquel il avait remonté le col près de ses joues. Probablement pour éviter de sentir le ruissellement de l'eau dans son cou.
- Et bien ? Vous n'avez donc pas appris la politesse dans la police ? ... Oh en parlant de politesse, je ne vous ai pas présenté mon fils, Gabriel. Mais je crois que vous le connaissez déjà, n'est-ce pas ?
Le ton de sa voix était légèrement voilé de mépris. Gabriel semblait nerveux. Il carra ses épaules en arrière pour tenter de se redresser. Peut-être que le poids de la culpabilité lui pesait ? Mais Laura en doutait.
- Les traitres ne font pas parti de mon entourage ! Cracha Laura. Elle affichait un visage fermé et froid autant que possible et ne jeta pas un seul regard à Gabriel. Elle s'occuperait de lui en temps et en heure... Si jamais elle s'en sortait.
Petit à petit, des hommes armés s'étaient positionnés à différents endroits. Nul doute que certains étaient très bien cachés. Tout allait dépendre d'eux maintenant, d'elle. Si elle foirait l'échange, ils étaient morts.
- Je veux voir T et Sarah.
Cromwell pencha la tête sur le côté.
- Vous avez la dernière copie du dossier ?
- Oui, je l'ai.
Elle désigna son sac en effectuant un mouvement de l'épaule.
- Il n'y a rien de compromettant dans mon dossier Cromwell. Pourquoi vous le voulait tant !?!
- Je veux m'assurer que plus personne n'aura accès à des éléments me concernant. Compromettants ou non.
Elle essayait de gagner du temps. Pour permettre à ses coéquipiers dans l'ombre, d'agir.
Un garde du corps s'approcha de Cromwell et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Son chef lui répondit. Cromwell prit un air suffisant et il fit un signe avec deux doigts en regardant par dessus son épaule.
Une armoire à glace bodybuildée, au crâne rasé et ruisselant, jeta deux formes humaines au sol, devant eux. Laura les reconnut d'instinct mais ne broncha pas. T et Sarah étaient sérieusement amochés. T s'approcha ou plutôt se traîna jusqu'à Sarah. Lorsqu'il réussit enfin à l'atteindre il la serra dans ses bras. Personne ne s'interposa.
Gabriel était quand à lui choqué de ce qu'il voyait. Jamais il n'avait voulu ça. Il était convenu qu'aucun mal ne leur serait fait. Sa réaction ne se fit pas attendre.
- Tu avais dit que rien ne leur serait fait !!!!!
Cromwell fit claquer sa langue avant de se tourner vers Gabriel.
- Fils, laisse parler les grands veux-tu ?
Il avait dit cela en posant lourdement sa main sur l'épaule de Gabriel.
Ce dernier s'esquiva de cette étreinte d'un geste vif. Son visage portait le masque de la déception et du dégoût.
Cromwell se retourna vers Laura et Doc. Ses mains dans les poches, sa mâchoire se serra plus fortement. Signe d'une certaine impatience se dit Doc. Il regarda John du coin de l'oeil espérant un quelconque signal pour attaquer. Elle ne lui donna pas satisfaction.
Nul ne pouvait prévoir ce qui allait suivre ou peut-être que si tout compte fait.
- Comment voulez-vous procéder Cromwell ? Lança l'intéressée.
- Haaaa, enfin une marque politesse. Je savais bien que la police éduquait correctement ses chiens.
L'insulte la frappa directement dans l'estomac. Ne pas céder. C'était tout ce qu'il attendait. Elle devait rester calme. Peu importait qu'il l'insulte, la rabaisse ou l'humilie, elle devait rester droite dans ses bottes. Pour ses amis, pour l'équipe.
- En effet. Ils m'ont bien dressée. De votre côté, vous avez manqué de fermeté concernant les vôtres. Rétorqua-t-elle en désignant T et Sarah avachis sur le sol.
- Je vous l'accorde Mademoiselle Johnatan. Mais vos amis sont de bons chiens voyez vous ? Ils... Comment dire ? Ils savent mordre. Ce n'est que le résultat d'un combat de chiens.
T releva la tête et s'exclama.
- C'est toi le sale chien !
Il prit une droite directement dans la figure qui l'assoma. Sarah hurla en essayant de soutenir T du meux qu'elle pouvait. Ses vêtement étaient déchirés par endroits et elle portait encore des traces fraîches de coups reçus sur le visages et d'autres parties visibles de son corps.
Laura serrait les dents. Entrer dans ce type de jeu, elle l'avait fait cent fois durant sa carrière de flic. Mais jamais elle n'avait eu à jouer pour la vie de gens proches. Cette situation créait en elle un conflit intérieur difficile à gérer. D'un côté, la vie de ses amis, de l'autre l'envie de meurtre qui grandissait.
- Voilà comment nous allons procéder Mademoiselle. Vous allez vous avancer main en l'air jusqu'à la moitié de la distance qui nous sépare et déposer le dossier sur le sol.
Un bref silence indiqua à Laura qu'elle devait agir maintenant. Elle inspira profondément, regarda Doc une faction de seconde puis s'avança jusqu'au centre. A ce moment précis, nul doute qu'elle était mise en joue et qu'au moindre faux pas, elle y passait. Elle s'agenouilla, fit glisser son sac de son épaule et l'ouvrit. Elle en sortit le dossier.
- Qu'est-ce qui vous dit que je n'ai pas d'autres copies ?
- Au vue de la situation actuelle, prendriez-vous le risque ?
Elle admit intérieurement que ce connard était fort, très fort. Elle dépose donc la dernière copie du dossier là où Cromwell le lui avait indiqué puis retourna à sa place initiale.
- Et maintenant ?
La pluie fine devenait de plus en plus dense. L'armoire à glace attrapa brutalement les otages leur arrachant de gémissements de douleur. Il les traîna plus qu'il ne les emmenait, vers le dossier. Il les poussa vers Laura et Doc. Doc se précipita à leur rencontre pour les amener près d'eux. Pendant ce temps-là, l'armoire à glace avait récupéré le dossier et le tendait à Cromwell.
Une voix jusqu'alors restée silencieuse s'éleva dans l'air.
- Au fait Johnatan ! J'ai adoré baisé ta copine ! Elle a un cul d'enfer ! Je suis sur que son mec a kiffé regarder ! Il en a appris de choses pour la tringler comme il se doit maintenant !
Quelques rires s'échappèrent.
Inspirer. Expirer. Laura sortit son flingue de son étui, visa et tira. Personne n'eut le temps de réagir. Sa balle se logea entre les deux yeux de Cromwell qui s'écroula sur le sol, le dossier entre les mains.
Quand chacun réalisa ce qu'il venait de se passer, ce fut un carnage. Les balles fusèrent, les cris résonnèrent et le sang coula. Quand les chargeurs furent vidés, les poings s'armèrent pour répliquer.
La froideur des actions et l'adrénaline se cotoyaient. Gabriel tenta de se cacher un moment. En vain. Doc le retrouva et le saisi par le col. Il le colla contre la paroi d'un conteneur. Gabriel se débattait des jambes et tenait la main serrée autour de son cou. Il émettait des gargouillements alors qu'il essayait de parler. Doc se moquait bien de ce que ce traître avait à dire. Il serra, serra et serra encore. Quand Gabriel ne montra plus aucun signe de vie, il le laissa tomber au sol, cracha sur le corps inerte puis se lança à nouveau dans le combat. Il remarqua T qu tirait le corps de Sarah. Il fit du mieux qu'il put pour esquiver les balles et les rejoignit.
- Putain Doc ! Elle a prit une balle !
Doc voyait son nouvel ami pleurer. La morve coulait de son nez et il paniquait. Sarah perdait énormément de sang. Doc chercha la blessure en la palpant.
- MERDE ! FAIS CHIER !
T l'interrogea de son regard emplit de larmes.
- La balle est dans le dos. Il faut la mettre sur le ventre.
Pendant qu'il parlait, il tourna Sarah qui était inconsciente. Il attrapa des morceaux de tissus sales qui pendaient encore de la tenue de T et les posa sur la plaie qui saignait abondemment.
- T, faut appuier fort ok !
T ne réagit pas.
- PUTAIN BOUGE TOI BORDEL SINON ELLE VA Y PASSER !
D'un coup il se déverrouilla et posa ses mains sur les linges qui s'imbibaient. Puis Doc repartit sans rien dire. T se retrouva seul entre deux conteneurs, appuyant du mieux qu'il le pouvait sur la blessure de sa compagne. Il pleurait en silence sans rien attendre. Bloqué d'un présent insoutenable.
Au loin sur les docks, le sirenes de police se firent entendre. De l'autre côté, le clapotis de la mer devint plus intense à l'arrivée des navettes de police. Ils étaient encerclés. La pluie s'était adoucie mais ne s'était pas arrêtée. Laura retrouva Doc qui la cherchait. Ils étaient couverts d'équimoses et du sang coulait des diverses coupures que les coups leur avaient infligés. Les derniers membres de l'équipe de Cromwell tentèrent de s'échapper. Le corps de leur patron gisait encore sur le sol quand la police intervint. L'eprit encore confu par cette échauffourée, Laura et Doc ne résistèrent pas lorsqu'on leur passa les menottes.
Tout leur semblait lointain. Laura regardait partout à la recherche de rien en particulier. Comment la police avait-elle pu être mise au courant ? Cette question l'effleura à peine. Elle n'aurait sans doute jamais la réponse. Des ambulances apparurent aussi. Les blessés furent transportés vers des centres de soins. Laura aperçut Sarah et T. Il tenait la main de Sarah, allongée sur un brancard. Un policier aposa la main sur la tête de Laura pour qu'elle entre dans le véhicule qui allait l'emmener au commissariat. Le trajet lui laissa le temps de reprendre quelque peu ses esprits. Doc était assis à côté d'elle, lui aussi était menotté. Ils se regardait tous l'un l'autre. Leurs yeux disaient ce qu'ils ne pouvaient dire tout haut. Pourquoi avait-elle tiré ? Elle ne pouvait pas laisser ce pourri en vie. Il le savait et lui donnait raison. Il ne lui en voulait pas. Mais elle, s'en voulait.
Ils arrivèrent sur le parking du commissariat. En descendant du véhicule, Laura chercha les membres de son équipe. Elle reconnut seulement Dylan. Les trois autres faisaient surement partie du gand de Cromwell. Ils passèrent des grandes portes vitrées et furent accueillis par un public en uniforme dont les regards se transformèrent, pour certains, quand ils reconnurent Laura. Sans autre forme de procés, ils furent mis en cellule. Procédure classique dans ce commissariat quand les flics faisaient une prise multiple. Cela évitait les bagarres et autres problèmes qui pouvaient dégénérer. Il ne restait que quelques heures avant le lever du soleil. Doc n'était pas dans la même cellule que Laura. Les hommes d'un côté et les femmes de l'autre. Il semblerait que cette politique permette d'éviter d'autres déconvenues liées aux comportements obscènes de certains détenus.
Les gars du cartel d'un côté de la cellule, Doc de l'autre côté, les yeux grands ouverts. Un dernier détenu se trouvait là à leur arrivée. Il cuvait bruyamment son vin allongé sur le sol au fond la pièce grise. Laura quant à elle, était seule dans sa cellule. Elle s'était assise sur le banc de pierre froide le regard pointé vers les gars qu'ils venaient de combattre. La vigilance était de mise. Bienqu'ils eut été fouillés, une bagarre pouvait éclater.
Un gardien fit sortir l'un d'entre eux. Il ne revint que quelques heures plus tard. Il portait des pensements frais. Puis ce fut le tour de Doc. En passant la porte de la cellule, il regarda Laura. Puis disparut derrière la porte du couloir.
Le policier le fit mener à l'infirmerie où il reçut les premiers soins. L'infirmier était un jeune homme dans la trentaine. Il portait des lunettes rondes et sa barbe naissante indiquait qu'il ne s'était pas encore rasé.
- Vous avez passé la nuit ici ?
- Et oui. Vous n'êtes pas le premier que je rafistole aujourd'hui voyez-vous.
Sa vois était neutre. Il répondait machinalement comme tout médecin répondrait après une longue garde de service. Il s'affairait rapidement mais surement. Doc sentait la maîtrise dans ses gestes. Il était entre de bonnes mains.
La garde passa la tête par la porte.
- Il est prêt. Tu peux l'emmener.
Doc se leva et remercia l'infirmier d'un sourir mal léché. Puis marcha jusqu'au garde. Quand il comprit qu'il ne faisait pas le chemin inverse, Doc demande au garde où il l'emmenait. Ce dernier ne répondit pas et une fois arrivés près d'un porte, la lui ouvrit et lui intima d'un geste de rentrer.
Une salle d'interrogatoire.
Cela faisait un bon moment maintenant que Doc était parti. Laura se doutait bien qu'il passait à l'interrogatoire. Elle était tendue et n'arrêtait pas de se demander comment la police avait elle eu vent de cet échange. Elle tournait comme un lion en cage.
L'un des types de la cellule d'en face empoigna les barreaux.
- Bah alors ma petite. T'es tendue ?
Laura le regarda à peine.
- Ca te dirait une petite danse de la bite pour te calmer un peu ? Il lécha le barreau sale de la cellule tout en pressant son sexe à travers son pantalon.
Laura lui servit un majeur bien dressé et le dédaigna ouvertement. L'homme éclata de rire.
- Sois pas si coincée ma chérie. De toute façon tu sais très bien que ton bonhomme va tout balancer à la bleusaille et tout le monde va savoir que tu es une meurtrière.
Elle stoppa net ses cent pas. Elle lui tournait le dos. Il avait tapé juste. Elle se retourna et marcha lentement vers les barreaux de sa propre cellule.
- Je n'ai que faire de tes suspicions d'un merdeux dans ton genre. Pas plus que de ta bite. La mienne est plus grosse et tu en as eu une preuve aujourd'hui.
- Tssss. Il s'éloigna et alla s'assoir.
L'angoisse commençait à monter. Elle ne savait pas si T et Sarah allaient bien. Elle ne savait pas ce que les flics avaient comme infos et elle ne savait pas comment Doc allait s'en sortir.
Au bout d'un moment qui lui parut être des jours, Doc revint. Il lui offrit un léger sourire. Puis fut de nouveau enfermé.
Vers midi, une gardienne leur apporta un plateau repas plus ou moins grossier.
- C'est l'heure de manger. Tout le monde au fond des cellules.
Elle ne les regardait même pas. Elle ouvrit une trappe située à gauche des cellules et git glisser les plateau par terre. Au moment où elle se releva, la porte du couloir s'ouvrit. La gardienne se mit directement au garde à vous et salua.
- Repos sergent. Vous pouvez disposer.
Le sergent partit, l'homme s'approcha des cellules et se tourna sans hésitation vers Laura.
- Et bien ! On m'avait dit que tu étais en cellule. Je n'y croyais pas.
- Il faut bien une première fois à tout n'est-ce pas ?
- Tout de même. Le meilleur agent qu'ai jamais formé la police ! Dans quoi t'es tu fourrée ?
Le Commissaire Général de Police Vadeux était un homme petit, ventripotent et portait toujours une expression douce quand bien même il était en colère. Laura ne l'avait pas vu depuis au moins vingts ans alors qu'elle débutait dans la Police. Avant même qu'elle fasse ses armes dans les stupéfiants. Il avait toujours vu en elle un élément indispensable aux services de Police et l'avait soutenu dans toutes ses démarches. Mais à l'époque il n'était pas encore Commissaire Général de Police.
Quelques minutes plus tard, installés dans le bureau du Commandant du commissariat, Vadeux et Laura discutait. Ou plutôt, Laura expliquait tout ce qu'il s'était passé à un homme qu'elle savait de confiance du temps de sa prime jeunesse. Elle n'omit aucun détail. Les policiers tentaient d'écouter à la porte pendant que le Commandant fulminait, se sentant dépossédé de son autorité, à juste titre d'ailleurs. C'était à lui qu'on avait donné l'information sur l'échange. C'était lui qui avait organisé l'opération et donné l'assaut. C'était à lui que revenait le droit d'interroger la suspecte ! Il avait interrogé tous les autres.
- Ta situation est délicate Laura. Ton équipe et toi vous avez organisé illégalement un sauvetage. Bien que l'intention soit, si je puis dire, bonne et que tu n'aies pas été rémunérée pour cette action, cela sera considéré comme un crime proche du mercenariat.
Laura savait bien que ce qu'il disait était juste.
- Je vais te trouver un avocat et nous allons voir ce que nous pouvons faire.
- Merci.
Leur discussion prit fin. Il demanda à un gardien de la ramener à sa cellule. Vadeux invita ensuite le Commande à le rejoindre. La discussion fut brève mais intense. A travers les stores, les agents purent voir leur commandant passer de la colère à la peur, puis de la peur à l'ahurissement. Enfin, Vadeux sortit du bureau en ajustant la veste de son uniforme puis quitta le commissariat. Le Commandant quant à lui, était resté dans son bureau abasourdit.
Il devait désormais attendre que les avocats de ses suspects débarquent pour pouvoir continuer à les interroger. Foutue hierarchie ! Il jeta son mug à travers la pièce. Il sortit lui aussi du bureau, interpella le premier agent qui croisa son regard :
- Vous là ! Nettoyez moi ce foutoir !
Il se rendit compte que tout le monde le regardait.
- Au boulot et que ça saute !
Rouge de colère, il décida qu'il serait plus judicieux de sortir prendre l'air et c'est ce qu'il fit.
Commentaires
Annotations
Versions