Chapitre 1 : Le cauchemar

8 minutes de lecture

Tapis dans l'ombre, ils vous observent,

Scrutant votre âme sans réserve,

Leurs mains squelettiques prêtes à frapper,

Sauriez-vous les éviter ?

Elle se réveilla brusquement, le cœur battant à toute vitesse. Encore un rêve. Encore ce rêve. Toujours le même, et il s'arrêtait toujours au même moment, juste avant qu'elle puisse le voir, lui, celui qui hantait ses nuits.

Elle jeta un regard autour d'elle et vit qu'elle était toujours dans la voiture. Elle se souvint alors qu'elle était en route pour sa nouvelle maison et cela ne l'enchantait guère. Mais elle n'avait pas le choix puisque personne ne lui avait demandé son avis. Elle se mit en boule sur son siège et observa le paysage défiler derrière la vitre froide. La pénombre engloutissait les arbres, ne laissant régner que l'obscurité.

Lorsque Marie Milse arriva enfin devant le manoir, la lune éclairait déjà la vieille bâtisse inhabitée depuis de longues années. Elle arrêta la voiture à quelques mètres du porche et observa silencieusement la grande maison.

- Qu'est-ce que vous en dites ? demanda-t-elle enfin à ses trois filles situées à l'arrière de la voiture.

- Ça a l'air... chaleureux ! répondit Emma en replaçant une mèche noire derrière son oreille.

La jeune fille âgée de quinze ans détacha sa ceinture et s'approcha de la fenêtre avant afin de pouvoir observer la maison.

- Et toi Alex, qu'est-ce que tu en dis ? Marie Milse s'adressa à Alexandra.

Celle-ci ne répondit rien. Elle avait les yeux fixés sur son sac-à-dos posé sur ses genoux. Sa mère n'était pas surprise de la voir ainsi car elle savait que sa fille de treize ans détestait l'idée de déménager. « Elle s'y fera », tenta-t-elle de se rassurer.

- Bon allez, on y va ? proposa la jeune maman tout en sortant de la voiture.

Emma et Aglaé, la cadette de la fratrie, la suivirent. C'était une calme et douce nuit de fin août. Bien qu’imprégné d’humidité, l’air de la campagne était frais et vivifiant, ce qui contrastait avec le bruit et l'air lourd de la ville où habitait la petite famille auparavant.

Marie grimpa les quelques marches du perron, s'approcha de la porte d'entrée et sortit de son sac une grosse clef qu'elle enfonça dans la serrure. Et malgré un certain temps d'inutilité, elle tourna facilement.

La jeune maman ouvrit la porte qui se mit à gronder sur ses gonds laissant échapper un petit nuage de poussière et de sciure. Elle tenta d'y voir les meubles tapis dans l'obscurité, mais ceux-ci restèrent invisibles malgré la lueur que dégageait la lune. Elle tâtonnât donc de sa main, le mur à la recherche de l'interrupteur. Quand elle appuya sur celui-ci... rien.

- Emma, reste là avec ta sœur, demanda-t-elle.

Marie alluma sa lampe torche et partit à la recherche du compteur s'enfonçant peu à peu dans les ténèbres où le silence était maître des lieux.

- J'espère qu'elle va trouver le compteur, s'inquiéta l'ainée une fois sa mère partie.

- Pourquoi tu as peur ? demanda Aglaé malicieusement.

- Moi ?! Ce n'est pas moi qui passerais la nuit avec maman si jamais il y a une panne de courant.

- Hé ! Je ne suis plus en bébé, j'ai presque dix ans ! s'indigna Aglaé.

- Oh tu as entendu ? s'exclama Emma en essayant de faire peur à sa petite sœur.

Même s'il n'y avait eu aucun bruit Aglaé prit peur et se cacha derrière Emma.

-Quoi ?! Quoi ?! Qu'est-ce qu'il y a ?! s'inquiéta la petite blonde.

Emma sourit, satisfaite d'avoir montré à sa sœur qu'elle n'était pas aussi courageuse qu'elle voulait le faire croire.

C'est à ce moment-là que toutes les lumières de la maison s'allumèrent et madame Milse regagna la voiture.

Alexandra, qui était toujours dans le véhicule, observait l'entrée de la maison. Lorsqu'elle vit sa mère s'approcher, elle baissa immédiatement la tête et regarda son sac. Marie ouvrit la portière et attendit une réaction de la part de sa fille.

- Tu vas continuer encore longtemps à faire la tête ?

Alex fusilla sa mère du regard. La maman dégagea une mèche brune et ondulé du visage de sa fille faisant ainsi ressortir ses grands yeux couleurs noisette.

Alexandra n'était pas une jeune fille coquette. En réalité, elle ne l'était pas du tout. Mais elle avait la chance d'être par nature assez jolie. Elle n'était pas très grande mais mince avec des cheveux mi- longs, bruns et ondulés qui présentaient quelques reflets roux. Sa peau blanche et ses joues légèrement rosées, accueillaient une multitude de taches de rousseurs et ses grands yeux noisette étaient entourés de longs cils noirs. Ses jolis yeux qui avaient toujours trahi ses émotions – au grand désarrois de leur propriétaire.

- Écoute, reprit Marie, je sais que tu ne voulais pas déménager, mais nous n'avions plus d'autres choix.

La gorge d'Alex se noua en repensant à la manière dont son père les avait abandonnées, ne donnant plus aucun signe de vie. C'est là que les problèmes avaient commencé. Elle n'avait alors que sept ans et la douleur était toujours aussi forte aujourd'hui.

La jeune fille ravala un sanglot. Il était hors de question pour elle de pleurer devant sa mère. Elle avait beaucoup trop de fierté pour cela. Cependant la tristesse qui s'emparait d'elle n'avait pas échappé à la jeune maman.

- Je sais que c'est dur. Mais on va y arriver. Je te promets de faire des efforts à condition que tu en fasses à ton tour. Tu me promets d'y mettre du tien ? demanda Marie, inquiète pour sa fille.

Elle savait qu'Alexandra allait mal. Marie s'efforçait de lui accorder une attention particulière. Toutefois elle perdait souvent patience à cause du caractère très têtu de l'adolescente.

Alex hocha la tête et sortit de la voiture, son sac à dos sur une épaule. Elle examina la maison.

Celle-ci était entièrement construite en pierre sombre dont la majeure partie était grignoté par le lierre qui montaient jusqu'aux tuiles. Chaque fenêtre était cachée par des volets à deux battants qui laissaient paraître la lumière intérieure donnant à la maison un côté mystérieux.

« Super, se dit-elle, je vais devoir passer toute ma vie dans une maison hantée perdue au milieu de nulle part ». La jeune fille poussa un soupir d'agacement.

Elle ouvrit le coffre de la voiture, en sortit une petite valise et fit quelques pas dans la pelouse mal tondu avant de remonter sans entrain l’allée de gravillon jusqu’au porche, les cailloux crissant sous ses pieds.

A peine arrivée à la porte, elle tressaillit. Le froid se faisait mordant dans cette demeure et assaillit chaque passerelle de son corps.

Alexandra fit quelques pas et arriva dans le hall d’entrée qui se révéla très spacieux. De là, elle distingué une charmante petite cuisine et un vaste salon. Quelques tableaux représentant des paysages étaient accrochés aux murs et à certains endroit, des tapis recouvraient le sol. C’était une vielle maison et la décoration en témoignait…

Elle fixa son attention sur le large escalier blanc qui menait à l’étage. Le parquet grinçait sous ses pieds mais elle ne s’en formalisa pas.

En haut des marches, ses sœurs déballaient déjà leurs affaires et la petite brune osa un regard dans leur chambre : Emma rangeait ses vêtements dans une commode tandis qu'Aglaé avait seulement posé sa valise ouverte sur son lit et se regardait dans son miroir tout en se parlant et en faisant tourner sa robe.

Même si Emma soignait son image, comme toutes les jeunes filles de son âge, Aglaé souffrait de « coquetterie aigue » comme le disait Alex. La petite ne pouvait s'empêcher de prendre, de temps à autres, le maquillage d'Emma, de mettre dans les cheveux des tonnes de rubans assortis à sa robe, et tous les bijoux qu'elle pouvait trouver.

En plus d'être coquette, Aglaé était une petite fille très vive : toujours en train de sauter de crier et de rire. Mais attention, sous ses airs d'ange se cachait une fillette avec un fort caractère.

Alexandra se dirigea vers sa chambre sans entrain. Quand elle appuya sur l'interrupteur, la lumière dévoila une magnifique et spacieuse pièce.

Quelques cartons contenant ses effets personnels attendaient dans un coin de la pièce.

Elle remarqua d’abord le grand lit à baldaquin au pied duquel reposait un coffre en bois. Elle avait un large bureau et les deux larges fenêtres face à elle laisseraient entrer beaucoup de lumière au lever du jour. Enfin, elle fut heureuse de constater la présence d’une cheminé en pierre qui pourrait la réchauffer en hiver.

La jeune fille posa sa valise sur son coffre et s'assit sur son lit.

- Toc toc toc ? dit Emma en passant la tête par l'embrassure de la porte.

Alexandra lui jeta un bref coup d'œil avant de baisser la tête. Emma déposa la paire de draps qu'elle tenait sur le lit et s'assit à côté de sa jeune sœur.

- Allez, courage, ça va aller, fit-elle en lui frottant l'épaule. Viens, on va préparer les lits.

Alex acquiesça sans conviction. Trop abattue pour protester, elle se résigna et aida sa sœur. Une fois cette besogne accomplie, elles regagnèrent chacune leur chambre.

La fatigue gagna la petite famille et les lumières s'éteignirent les unes après les autres tandis que dehors, sous la lumière de la lune, demeurait une silhouette encapuchonnée qui les observaient.

Dans la maison, tout le monde s’était endormi à l’exception d’Alexandra qui contrairement au reste de la famille, n’avait pas ôté de sa valise la moindre paire de chaussettes. De toute façon, elle n’avait aucune envie de rester vivre ici. Elle trouverait un moyen de convaincre sa mère de repartir dans leur ancienne ville.

La jeune fille s’était assise sur son lit, et avait feuilleté un recueil de photographie. Il y avait des photos d’insectes minuscules, de tout un tas d’animaux, et même des photographies de la Terre vue de l’espace. C’est cette partie l’impressionnait beaucoup : elle se sentait si petite lorsqu’elle regardait ses images et se problèmes semblaient insignifiant. En l’espace d’une heure, elle oublia qu’elle se trouvait dans une autre maison.

Quand elle eut terminé, elle se mit un pyjama très chaud à manches longues. Elle s’était ensuite attaché les cheveux en une queue de cheval basse.

Alexandra regarda son petit réveil blanc qu’elle avait soigneusement posé sur sa table de chevet (le seul objet qu’elle avait sorti de sa valise). Il indiquait 00h27. Elle posa son livre sur la table de nuit et s’enfonça dans les couvertures, juste après avoir éteint la lumière.

Dans ce lit, elle se senti flotter. Mais qu’est-ce qu’il faisait froid ! C’était étrange de dormir dans une autre chambre qu’elle ne considérait pas comme la sienne. Malgré ce froid ardent qui lui grignotait les pieds, le sommeil l’envahi très vite tant elle était éreintée. Elle se sentait étrangement en sécurité, aussi dormit-elle bien. Cette maison avait au moins un avantage.

Mais ce bonheur fut très vite interrompu. Elle fit une nouvelle fois ce cauchemar. Toujours le même, encore et encore. Elle avait espéré ne plus le faire dans cette nouvelle maison. Mais non, encore et toujours. Mais la fin fut différente cette fois-ci. Au lieu que cette main d’acier lui attrape l’épaule, le poursuivant ne cessait de frapper son dos de ses gros poings, le martelant de coups : Une sensation terrible qui l’empêchait de crier, de respirer, la poussant pourtant à continuer sa course.

Alexandra se réveilla en sursaut et s’assit brusquement sur son lit, son cœur battant à toute vitesse. Quelqu’un cognait et tapait contre les murs. Pendant quelques secondes, le silence. Puis les coups reprirent : plus secs, plus forts ! Alex regarda son réveil : il indiquait 4h44…

Merci d'avoir lu jusqu'ici, j'espère que ce chapitre vous a plu.

N'hésitez pas à partager votre avis en commentaire !

Annotations

Vous aimez lire Quit Leblanc ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0