Chapitre 8 : Les Laminaks.

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“La légende est à mes yeux plus vraie que l'histoire.”

« Histoire de mes pensées », Alain

Le lendemain, à l’instar du soleil, l’humeur d’Alexandra était au beau fixe. Elle sortit de son lit s’étira de tout son long et alla ouvrir grand ses volets. La tempête avait cessé et le soleil rayonnait dans un ciel sans nuage, en dessous, une forêt encore recouverte d’une couverture de feuilles qui commençaient à tirer vers des couleurs de cuivre et d’or.

Elle inspira une grande goulée d’air frais et sourit : aujourd’hui elle allait enfin rencontrer les laminaks. Et cette perspective l’enchantait !

- Qu’est ce qui te rend d’aussi bonne humeur ? demanda Marie lorsque sa fille descendit toujours en souriant.

Vite, une excuse !

- Rien, je suis contente parce que je vais pouvoir passer la journée dehors. Il ne pleut plus, fit-elle remarquer.

Après un rapide petit déjeuné, elle monta dans sa chambre et rajouta dans sa sacoche son journal. Puis elle alla dehors accompagnée de Patenchon qui la suivait discrètement.

Prenant garde à s’enfoncer légèrement dans la forêt afin d’être cachés par le feuillage des arbres des regards indiscrets, les deux amis s’assirent à l’ombre d’un arbre. Alex sortit son journal et nota ce que Patenchon lui dictait.

- Les laminaks sont des créatures qui vivent à l'origine près des vieux villages de montagne. On raconte qu'ils viennent dans les maisons, la nuit lorsque les humains dorment, afin de ranger leur logis.

- Ils feraient mieux de venir ranger ma chambre, marmonna la jeune fille en finissant décrire.

Elle leva la tête et vit Patenchon qui la regardait d'un regard soutenu. Décidément, la remarque ne lui avait pas plu.

- C'est bon, je plaisantais, se défendit-elle en écrivant sur son carnet. Tu peux continuer ; ils viennent la nuit pour ne pas se faire voir et...

- Ce n'est pas que pour cette raison, la coupa Patenchon.

- Au fait, est-ce que c’est un chêne contre lequel je suis assise ? demanda-t-elle distraite en levant la tête.

En effet, elle gardait un mauvais souvenir des chênes…

- Alexandra, pourrais-tu te concentrer ?

Alex baissa la tête vers son amis qui avait les bras croisés et les sourcils froncés.

Non.

- Oui.

Le farfadet continua :

- Les laminaks sont des créatures nocturnes et qui détestent les humains.

- Pourquoi ? demanda l'adolescente.

- Il y aurait des centaines d'années, alors que nous vivions parmi les humains, les laminaks étaient payés pour construire des ponts...

- Et on ne leur a pas donné leurs pièces !

- Une seconde Alexandra, laisse-moi finir !

Patenchon lui expliqua que les laminaks étaient payés en pièces or. Tandis que les hommes construisaient des ponts, les femmes assuraient la fonction de sages-femmes auprès des humains.

Un jour un seigneur promit au chef des laminaks la main de sa chère fille à n’importe lequel d'entre eux si toutefois, ils finissaient de construire un pont en trois nuits. Les laminaks acceptèrent mais au moment où ils allaient poser leur dernière pierre, l'amant de la belle, qui n'était point satisfait du pacte, fit chanter le coq avant que le soleil ne se lève vraiment.

Les laminaks durent partir car les rayons du soleil étaient nocifs pour eux. Ils lâchèrent donc la dernière pierre et se sauvèrent. Seul un laminaks pouvait mettre la dernière pièce du pont : une chose qu'ils ne firent pas car ils perdirent toute confiance envers les humains et refusèrent de rester en contact avec eux. On raconte encore aujourd’hui, que ce pont présente toujours un trou.

Cependant certain persistent par tradition, à vouloir aider les humains. C'était pour cette raison qu'ils venaient la nuit ranger les maisons.

Les laminaks vivent en communauté dans des grottes ou des cavernes dans les montagnes. Ils se nourrissent de fruit, de légumes, et parfois même de poissons. Ce sont des créatures très sociables avec ceux qui ne recherchent ni profit ni intentions mauvaises. Si c'est le cas, ils peuvent se montrer particulièrement maléfiques.

- Les humains sont méchants de les avoir ainsi trahi, pesta Alex.

L'adolescente rougir de honte. Elle aussi était humaine. Elle aussi faisait partit de ces êtres odieux qui avaient été si malhonnêtes avec ces créatures. Elle décida de laisser cette idée de côté et se risqua de demander :

- Tu crois qu'ils seraient d'accord pour me voir ? J'aimerai tellement les rencontrer.

Patenchon hocha la tête.

- Mais comment vont-ils faires pour venir si le soleil est nocif pour eux ?

- Il s’avère que depuis quelques années, les nouveaux nés sont barbouillés d'une pommade à base de trèfles à quatre feuilles juste après leur naissance et cela durant trois jours et trois nuits. C'est très efficace et ils peuvent maintenant gambader à leur guise dans les bois ensoleillés.

Alex posa son journal sur l'herbe et se leva.

- Comment dois-je faire ?

- Tu dois les appeler, lui répondit Patenchon.

Alex porta ses mains à sa bouche en forme de haut-parleur, puis se mit à crier.

- Les laminaks ! Ohé ! Où êtes-vous ?!

- Tais-toi Alexandra, arrêtes de crier comme ça ! l'interrompit le farfadet paniqué en tirant sur la veste de la jeune fille. Tu vas seulement alerter tout le voisinage.

- Mais comment faut-il faire alors ? Tu m'as dit de les appeler, c'est ce que je fais !

- Ce n'est pas comme ça que cela fonctionne. Il faut que tu te concentres sur ton objectif : qu'est-ce que tu veux, pourquoi tu le veux et que ressentirais-tu si tu les rencontrais. Il faut les appeler intérieurement.

Alex était sceptique mais s'exécuta malgré tout, sans trop savoir ce qu'elle était censée faire. Elle ferma les yeux et se concentra sur la seule chose qu'elle savait des Laminaks : que c'était des laminaks. C'était tout ? N'avait-elle pas besoin de plus d’informations ?

Elle ouvrit un œil et se risqua de demander :

- Je ne pourrais pas avoir aux moins leurs noms ?

- NON !

- Mais je ne comprends rien, comment faut-il faire ?!

- Alexandra !

La jeune fille tapa le sol de son pied et souffla agacée par l'obstination du farfadet. Elle referma les yeux, debout, droite comme un paquet, au milieu des arbres. Elle tenta de faire abstraction de tout ce qui l'entourait ; du vent dans ses cheveux, des mélodies des oiseaux, du chant des arbres et du soleil sur ses joues.

Ses bras se crispèrent, ses poings se serrèrent et sa respiration se fit plus rapide. Elle se fia à ses pensée. Elle voulait rencontrer les laminaks. Elle le voulait vraiment. Elle voulait les connaitre, leur parler, les comprendre et peut-être même, avoir leur amitié.

Soudain sans savoir comment, Alex se sentit courir, courir très vite entre les arbres. Cette sorte de vision avait l'air si réelle ! Si nette aussi. Elle pouvait percevoir chaque arbre, chaque feuille, chaque gland. Elle sentait l'odeur des pins, la terre mouillée. Le vent cinglait son visage, quelques gouttes glissaient le long des branches, tachetant ses bras.

Alex se força à ouvrir les yeux. Elle était au même endroit. Autour d'elle, rien n'avait bougé. Patenchon avait l'air satisfait et affichait un petit sourire à peine perceptible.

- Qu'y a-t-il ? demanda Alex.

Le farfadet se tourna et d'un signe du menton lui indiqua une direction que la jeune fille suivit des yeux. Elle vit un mouvement entre les branches.

Puis surgirent trois petites créatures…

« Les mêmes que l'autre jour », songea Alex.

- Cette vision... en réalité je voyais à travers leurs yeux ? devina Alex.

Patenchon hocha la tête et un sourire fier se dessina sur son visage.

Les trois créatures avancèrent jusqu'aux deux amis. Le farfadet semblait ravi tandis qu'Alex, elle, restait immobile à observer les laminaks.

- Patenchon ! Ça fait un bong ! s'exclama l'un d'entre eux.

C'est une série d'embrassades et d'accolades qui débuta. Associant les « ça fait tellement longtemps », les « qu'est-ce que je suis content » et les « qu'as-tu faits pendant tout ce temps ? ».

Alex se sentit presque mal à l’aise, l'impression d'être de trop, jusqu'à ce que Patenchon ne la présente :

- Permettez-moi de vous présenter Alexandra Milse, elle habite dans le manoir. Alexandra, je te présente Lakie, Smisy et Sikou.

Les trois laminaks firent un signe de la tête accompagné d'un sourire pour saluer la jeune fille.

- Nous sommes ravis de te connaitre Alexandra, déclara Lakie.

Pendant que les quatre créatures discutaient, Alex prit le temps d'observer les laminaks. Ils avaient un corps relativement humain malgré leur taille ne dépassant pas les uns mètres, leurs oreilles pointues et leur peau se rapprochant très légèrement du vert olive. Concernant les vêtements, ils portaient les mêmes que la dernière fois : une tunique et un capuchon d'un tissu d'un vert profond ainsi que des chaussures d'un tissu brin.

Lakie faisait quelques centimètres de plus que ses amis. Il avait l'air plus sûr de lui et très à l'aise en toute circonstance, sans en être prétentieux. « Il doit être le chef du petit groupe » pensa l'adolescente.

Smisy, elle, avait des cheveux blonds, ondulés, qui entouraient son visage. Et une grande douceur ressortait de ses yeux.

Contrairement à ses amis, Sikou était très timide mais avait l'air très intelligent, quoiqu'un peu tête en l'air par moment.

- Alors te plais-tu dans ta nouvelle maison ?

Il fallut une seconde à Alex pour réaliser que c'était à elle que l’on s’adressait. C'était Smisy qui, pendant que Lakie et Sikou discutaient avec le farfadet, s'était approchée de la jeune fille pour lui poser cette question.

- Oui ça va. Il n'y a juste personne à des millions de kilomètres mais bon...

Alex se mordit les lèvres mais Smisy ne prêta pas attention à sa remarque péjorative.

- Ne t'inquiète pas je suis certaine que tu vas apprécier le coin, fit-elle le regard perdu au milieu des arbres.

Alex haussa les épaules, pas très convaincue. Ils restèrent ainsi un long moment. Alex ne parlait pas beaucoup. C'était la première fois qu'elle se trouvait en présence d'autant de créatures et elle n'était pas sûre d'avoir réellement sa place parmi eux.

De temps à autre, Smisy lui posait une ou deux questions et Alex y répondait en à peine trois mots. Elle ne cessait de se demander si beaucoup de personnes connaissaient l'existence de son monde, invisible en générale aux yeux des humains.

Soudain, sans qu'elle ne sache pourquoi, Alex se mit à tressaillir. Son pouls s’accéléra et sa respiration se fit plus saccadée. Ses poings se crispèrent et sa vue se brouilla. Ce qu'elle ressentait à cet instant, elle ne l'avait jamais ressenti au paravent.

C'était un mélange de stress, d'angoisse et de peur. Comme si quelque chose était en train de la ronger, de la détruire de l'intérieur. Elle s'assit à terre et tenta d'alerter ses compagnons mais elle n’avait même plus la force de parler.

Quand Sikou vit dans quel état se trouvait la jeune fille, il prévint ses compagnons.

- Alexandra que t’arrive-t-il ? demanda Patenchon.

Alex ouvrit la bouche pour répondre mais seul une frêle expiration en sortit.

- C’est nous ! s’exclama Sikou. C’est nous qui lui faisons cela !

- Tu veux dire que...

Sikou hocha la tête avant que Lakie ait le temps de terminer sa phrase.

- Tu ne lui en as pas encore parlé ? demanda Smisy.

- Non pas encore, je ne savais pas que cela irait si vite !

- Tu sais ce que cela signifie !? fit Lakie.

Patenchon hocha la tête.

« Mais de quoi parlent-t-ils !? » Alex voulait leur demander mais elle s’en sentait incapable.

Patenchon s’approcha de la jeune fille et lui prit la main.

- Vient Alexandra, je vais te ramener chez toi.

Le farfadet incita la jeune fille à se relever. Celle-ci s’exécuta. Quand elle fut enfin debout, ses oreilles se mirent à siffler. Une douleur aigue lui piquota les pieds comme si des centaines d’aiguilles lui transperçaient la plante. La douleur remonta le long de son corps tout entier jusqu’à atteindre son cerveau.

À ce moment, Alex se prit la tête dans ses mains. Autour d’elle, plus rien n’existait. Elle n’entendait plus la voix de ses amis qui l’appelaient, elle ne voyait plus les arbres qui l’entouraient. Elle ferma les yeux le plus fort possible espérant ainsi chasser la douleur qui s’était emparée de sa tête, mais en vain. Sa tête grondait si fort que s’en était insupportable. Elle en tomba à genoux. Le temps lui parut étrange. Elle avait l’impression que la douleur était là depuis une éternité, pourtant elle était presque sûre que cela faisait moins longtemps que sa crise avait débuté.

Mais que lui arrivait-il ? Devenait-elle folle ! Des centaines de questions grouillaient dans sa tête et grandissaient comme si son crâne allait explosait. Elle réussit, contre toute attente, à entendre une voix. Sûrement celle de Patenchon. Il criait quelque chose. Que disait-il ? À qui parlait-il ? Elle n’en avait aucune idée. Mais quoiqu’il en soit, il avait l’air d’être très en colère.

La douleur dans sa tête diminua légèrement.

- Vous avez entendu ! ? cria une nouvelle fois le farfadet très énervé.

- Alexandra, tu vas bien ?

Rêvait-elle ou avait-elle réellement entendu la voix de Smisy ?! Non elle ne rêvait pas. Elle avait recouvert la vue et l’ouïe. La douleur qui, quelques secondes plut tôt s’était piégée dans sa tête, avait disparu.

Elle hasarda son regard vers ses compagnons qui l’observaient visiblement inquiets. Il y avait quelque chose d’étrange dans leur regard... Alex en vint même à se demander si c’était de la pitié ou de l’amusement.

« Or de question que quelqu’un est pitié de moi ! »

Souhaitant garder sa dignité, la jeune fille se releva non sans quelques grimaces, trahissant son étourdissement.

- Ça va, dit-elle autant pour rassurer ses amis que pour s’en convaincre elle-même.

La douleur était bien partie mais Alex se sentait faible. Et tout ce qu’elle souhaitait était des réponses.

La jeune fille jeta un regard lourd de sens au farfadet qui comprit tout de suite qu’une discussion s’imposait.

- Nous devrions rentrer, propos a-t-il.

Avant de partir, Sikou chuchota quelque chose à l’oreille de Patenchon qui hocha la tête.

- Qu’est-ce que vous dites ? demanda Alex.

- Au revoir Alexandra, l’interrompit Smisy coupant court aux réflexions de l’adolescente.

Celle-ci eut à peine le temps de répondre que les laminaks s’étaient déjà éloignés.

- Vous reviendrez ? demanda-t-elle.

C’est Lakie qui lui répondit :

- Oui très vite.

Alex observa donc ses nouveaux amis disparaître entre les arbres, croisant les doigts pour que cela soit vrai. Maintenant, il lui fallait des réponses que seul le farfadet était en mesure de lui donner. La discussion promettait d’être longue…


Merci d'avoir lu jusqu'ici, j'espère que ce chapitre vous a plu.

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