Chapitre 10 : Le garçon.

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"Il suffit d'une seconde pour faire une rencontre, ou pour qu'elle n'ait pas lieu. Toutes les vies ne sont qu'une suite de hasards. Postuler ce qui aurait pu ne pas être est tout aussi gratuit qu'inventer ce qui n'arrivera pas."

"En souvenir d'André", Martin Winckler.

- Visible !

Alexandra ouvrit les yeux et vit Patenchon le sourire aux lèvres.

- J’ai réussi ?

- Tu as bien mis plusieurs secondes à t’en rendre compte, mais oui, tu as réussi.

La jeune fille était ravie. Ils répétèrent cet exercice tout l’après-midi. Même s’il y eut beaucoup de défaites, il y eu tout de même beaucoup de victoires. Elle avait même réussi, à la plus grande surprise de Patenchon, à sentir la présence invisible de son ami et savoir de quel endroit de la pièce elle émanait. Alex n’en était pas peu fière même s’il lui faudrait tout de même un peu plus d’entrainement.

- On peut savoir ce qui te rend d’aussi bonne humeur ? demanda Marie lors du dîner.

- Rien, j’ai juste passé une bonne journée.

- Et tu as fait quoi ? fit Aglaé.

La jeune fille ne répondit rien. Elle se voyait mal répondre « j’arrive à sentir la présence de mon ami le farfadet, lorsque celui est visible ou invisible. » Comment réagirait sa mère ? Mais ce qui la tracassait le plus, était de savoir combien de temps elle devrait garder le secret. Elle n’allait pas passer toute sa vie à mentir ?

Tout ceci lui donna mal à la tête et Alex décida de laisser ces interrogations dans un petit coin de sa tête qu’elle appelait « à régler plus tard ».

Après le dîner, elle supplia le farfadet de continuer l’exercice mais Patenchon refusa. Il était beaucoup trop fatigué.

La jeune fille le laissa se reposer et s’installa à son propre bureau avec son journal. Elle compléta ses notes en y racontant sa rencontre avec les laminaks, ce qu’elle avait perçu de leur caractère et fit une description physique. Elle consacra un gros paragraphe sur les énergies avant de se coucher.

- Qu’est-ce qu’on va acheter ? demanda Aglaé le lendemain dans la voiture.

Marie démarra le véhicule et s’engagea dans l’allée au milieu des arbres.

- Nous allons commencer par vos fournitures scolaires, ensuite nous allons acheter de quoi manger pour la semaine et après nous verrons, répondit la jeune maman.

Ce matin-là, Alex s’était levée très tôt afin de s’entraîner avec Patenchon sur l’exercice de la veille. Et elle n’était que peu fière de remarquer qu’elle avait presque fait un sans-faute ; jusqu’à ce que sa mère dise les mots « les filles préparez-vous, nous allons faire une course ». Et Alex en était ravi !

Bien sûr, qui ne rêvait pas de déambuler tel un fantôme dans les vieux rayons d’un magasin au lieu de rester au chaud chez soi à s’entrainer à deviner la présence d’un farfadet qui a la faculté de disparaitre ?! Jamais Alex n’aurait eu l’idée de prononcer cette phrase.

Elle regarda pendant de longues minutes les arbres défiler. La route en terre battue secouait légèrement la voiture. Au détour d’un virage, la route changea. La terre trouée de flaques de boue, laissa place à du béton dur et plat. La jeune fille vit une petite maison sur le bas-côté, avec un petit jardin. Puis elle en aperçut une autre et encore une autre. Bientôt se fut tout un petit village dans lequel elles pénétrèrent.

- Suis-je en train de rêver ou y a-t-il plus de dix habitants ? marmonna-t-elle sarcastique.

Sa mère jeta un coup d’œil dans le rétroviseur.

- Que dis-tu Alexandra ?

Oups…

- Je... j’étais juste étonnée de voir autant de monde dans ce petit village.

Sa mère esquissa un sourire.

La voiture continua de rouler. Les premières rues dans lequel elles avaient pénétrés étaient désertes : personnes en train de se balader sur les trottoirs, pas d’enfant dans les jardins. Aucun chien, aucun chat. À croire que tout le village était mort malgré le nombre assez important de maison.

Elles arrivèrent enfin dans le centre de village. À cet endroit-ci, des enfants, des adultes, des vieux et même des jeunes de l’âge d’Alex se baladaient entrant et sortant de quelques bâtiments.

Le centre du village était composé d’une grande place ornée d’arbres et de bancs. Deux vieilles dames promenaient leur chien. Une maman et sa petite fille sortaient d’une boulangerie avec une baguette de pain à la main. La petite fille pleurait, sans doute n’avait-elle pas eu la chocolatine ou l’éclair au chocolat qu’elle réclamait. Il y avait aussi un petit restaurant : un homme et une femme prenaient un café en terrasse tandis qu’un autre homme sortait du bâtiment une boisson fumante à la main. Il y avait également une mairie, une petite salle des fêtes...

Elles dépassèrent rapidement le centre du village et la voiture continua de déambuler entre les petites rues. Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’elles aperçurent un petit centre commercial.

- Emma, voici ta liste déclara Marie une fois dans le magasin.

Elle tendit une feuille pliée en quatre à sa fille ainée et fit de même avec Alex.

- Bien, on se retrouve ici dans 15 minutes.

Les deux ainées prirent un sac avant que Marie s’éloigne avec Aglaé. Emma partit à son tour, concentrée sur sa liste de fourniture. Alex, elle, contemplait le super marché.

Il y faisait froid et les gens s’activaient. Une lumière d’un jaune très artificiel emplissait le grand bâtiment. Alexandra n’aimait pas cette lumière qui n’apportait aucune chaleur. Elle n’aimait pas non plus le bruit des chariots qui roulaient sur les pavés disjoints, les gens qui parlaient fort et les bips perçants des caisses de paiements.

Le choix des fournitures fut une tâche qui se fit très rapidement car Alexandra ne s’embarrassait pas à choisir et prenait les premières choses qu’elle trouvait.

Elle rejoignit ensuite sa mère au point de rendez-vous.

- Vérifie que tu aies bien tout, lui conseilla Marie.

Alex s’exécuta.

- J’ai oublié ma gomme !

- Vas vite la chercher, mais dépêche-toi. Je commence à partir en caisse.

Alex se mit à courir à travers les rayons et prit la première gomme qu’elle trouva.

Soudain, elle entendit des cris et un roulement de roue d’un chariot Ce n’était pas le genre de bruit que faisait un chariot roulant tranquillement et rebondissant légèrement sur le carrelage cabossé. C’était le bruit d’un chariot roulant à toute vitesse.

C’est à ce moment-là qu’Alex aperçut un petit garçon d’une dizaine d’année courir en poussant un chariot qui transportait un autre garçonnet du même âge. Ils fonçaient droit sur la jeune fille.

Celle-ci plaqua son dos contre un des rayons et sentit le chariot la frôler. Un des enfants en profita pour lui arracher la gomme des mains et la jeta dans un autre rayon.

- Nous sommes les rois du monde ! s’écria l’un d’entre eux tandis qu’ils s’éloignaient.

Alexandra luttait contre l’envie de les poursuivre et de les étriper. Elle ravala sa rage et partit chercher le petit objet.

Ce dernier avait atterri deux rayons plus loin. La jeune fille se baissa pour la ramasser et vit alors une paire de pied s’avancer et s’arrêter à quelques centimètres d’elle.

Elle leva la tête et vit que quelqu’un l’observait. Elle se leva et se trouva nez à nez avec un jeune garçon qui devait avoir une quinzaine d’année. Il l’observait sans rien dire. Il était plus tôt grand, avait des cheveux châtains qui se posaient sur son front et des joues rouges parsemées de petites taches de rousseurs. Il fallait reconnaitre qu’il était d’une beauté remarquable !

N'importe quoi Alex…

Son regard brun était étrangement insistant. Mais ce n’était pas la couleur qui était étrange. C’était la profondeur. En effet, ils étaient d’un marron profond, envoutant. Comme s’il savait tout ce que les autres ne savaient pas, comme s’il connaissait tous les secrets du monde, la réponse aux plus grandes énigmes.

- C’est toi Alexandra ? demanda-t-il.

Alex écarquilla les yeux car aucun son ne sortait de sa bouche. Puis, comme satisfait d’avoir eu ce qu’il voulait, il fit demi-tour les mains dans les poches.

Alors qu’il s’éloignait, la jeune fille sentit soudain une sensation étrange l’envahir. Comme si quelque chose lui procurait de la chaleur au fond d’elle-même. Cette sensation... elle l’avait déjà ressentie il y avait peu... Mais oui ! C’était ce que Patenchon appelait l’énergie verte ! Ce pouvait-il qu’un humain dégage une telle énergie ? Était-ce possible ? Il fallait qu’elle en ait le cœur net. Mais elle devait se dépêcher. L’inconnu s’en allait et allait tourner dans un autre rayon.

- Attends ! s’écria-t-elle.

Le garçon la regarda d’abord étonné puis amusé et se mit à courir. Elle s’élança à sa poursuite mais ce qu’elle avait redouté arriva. Le garçon tournait dans un autre rayon.

Elle se mit à courir plus vite, tourna dans le même rayonnage que lui et poussa un cri lorsqu’elle rentra en collision avec quelqu’un : avec Emma.

- Mais qu’est-ce que tu fais ? lui demanda-t-elle. On te cherchait partout, maman est partie en caisse.

Alex ne répondit rien. Elle se tournait en tous sens, cherchant le garçon du regard. Elle jeta un coup d’œil derrière sa sœur. Il y avait une zone de travaux, délimitée par un ruban rouge et blanc. L’espace était vide, désert aucun objet derrière lequel se cacher.

- C’est impossible, murmura Alex.

- Quoi ? Que se passe-t-il ? demanda Emma.

- Tu n’aurais pas vu un garçon ?

Emma se mit à rire en hochant négativement la tête.

- Mais si, un garçon grand brun ! Il est passé par là quelques secondes avant moi, insista Alex non pour convaincre sa sœur mais pour se convaincre elle-même qu’elle n’avait pas rêvé.

- Je t’assure que je n’ai vu personne, répondit l’ainée qui avait fini de rire et qui commençait à s’inquiéter.

- Mais si, répéta Alex.

- Bon maintenant ça suffit, s’emporta Emma. Puisque je te dis qu’il n’y avait personne ! Tu ne veux pas juste une fois te comporter normalement ? Nous ferions mieux de nous dépêcher, maman nous attend.

Alexandra s’avança le plus près possible du visage de sa sœur.

- Tu - n’es pas - ma mère !

Puis elle se retourna et rejoignit le point de rendez-vous établi par Marie, Emma sur ses talons.

- Vous voilà enfin ! fit la jeune maman en les voyant arriver.

Alex se rendit compte qu’elle n’avait pas la gomme qu’elle était partie chercher.

- Je t’en prêterai une, j’en ai plusieurs, dit Aglaé.

Elle esquiça un demi-sourire et ébouriffa la tête de sa petite sœur.

Une fois dans la voiture, les deux ainées de la fratrie étaient toujours en colère l’une contre l’autre mais Marie ne semblait pas s’en être rendue compte, ou du moins, ne faisait-elle aucune remarque.

Alex s’était roulée en boule sur son siège et regardait le paysage défiler derrière la vitre. Quelques nuages parsemaient le ciel. La jeune fille repensa à la fois ou elle et sa famille, lorsque son père était là, étaient partis quelques jours à la montagne.

Ils avaient logé dans un petit village. D’après Alexandra c’était « le village parfait » : assez grand afin qu’il contienne suffisamment de commerces et d’habitations mais suffisamment petit pour pouvoir se balader à pied et faire le tour du village en peu de temps, et où tout le monde se connaissait. Cela avait l’air d’être la même chose ici. Ce qui réjouissait la jeune fille.

Elles passèrent alors devant un parc où quelques familles se baladaient. C’est alors qu’elle aperçut, appuyé contre un arbre les bras croisés sur la poitrine, le garçon du super marché ! Il semblait l’avoir vu car un semblant de sourire malicieux se dessina sur son visage. Surprise, Alex se colla le nez contre la vitre :

- Il est là ! Le garçon du supermarché !


Merci d'avoir lu jusqu'ici, j'espère que ce chapitre vous a plu.

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