« Il faudrait parvenir à cette sagesse élémentaire de considérer les ténèbres où nous allons sans plus d'angoisse que les ténèbres d'où nous venons. Ainsi, la vie prend son vrai sens : un moment de lumière. »

Paul Guimard.

Alexandra essuyait un plat, le regard perdu vers la forêt qu’elle contemplait depuis la fenêtre de la cuisine. Elle ne cessait de repenser à la conversation qu’elle avait eût avec Amaron. Elle savait que quelque chose lui échappait, que cette rencontre était anormale. Mais qu’était-ce que la normale ? Aujourd’hui, elle ne savait plus. Elle laissait simplement faire les évènements qui la rencontraient, n’essayant pas d’empêcher ce qui arrivait, n’essayant pas de comprendre. C’était comme ça. Elle sentait au fond d’elle-même que tout cela était nécessaire et aurait forcément un sens au bout d’un moment.

- Je pense ce plat est sec, suggéra soudainement Marie tirant ainsi sa fille de ses pensées. Cela fait dix minutes que tu t’acharnes sur cette casserole.

Alex cligna plusieurs fois des yeux, abaissa son regard vers le grand plat et posa ce dernier sur le plan de travail. Elle prit ensuite un deuxième plat et entreprit de le sécher.

- Quelque chose ne va pas Alexandra ? demanda la douce voix maternelle de Marie.

Alex répondit le regard de nouveau perdu dans un océan de questions.

- Ça t’es déjà arrivé de laisser faire quelque chose qui ne te parait pas normale juste parce que tu as le sentiment que c’est important que ça se produise ?

L’adolescente arrêta net tous mouvements et regarda sa mère qui l’étudiait comme si elle était la plus grande des énigmes.

Alex, fais attention à ce que tu dis ! se sermonna-t-elle.

Un silence s’installa entre la mère et la fille. Alex, ne sachant quoi répliquer, baissa la tête vers le plat maintenant sec et alla le ranger dans un tiroir. Puis elle repartit vers sa mère afin de ranger le chiffon.

- Aurais-tu un quelconque problème avec quelqu’un Alexandra ? fit Marie inquiète.

- Non, ne t’inquiète pas, tout va bien, affirma-t-elle.

Voyant sa mère quelque peu septique, elle rajouta :

- C’est par rapport à… « Classé Top secret », j’ai regardé la saison quatre hier et il se passe… vraiment… plein de choses.

Elle fit un petit sourire forcé ce qui finit par rassurer la jeune maman.

- Bien. Mais si un jour tu as le moindre problème avec quelqu’un tu me le dis d’accord ?

Alex leva les yeux au ciel.

- Oui maman c’est promis, est-ce que je peux aller dehors s’il te plait ?

Marie esquissa un petit sourire puis hocha la tête.

- D’accord mais va chercher ton téléphone avant. Je veux pouvoir te joindre en cas de problème.

« En cas de problème » cela fit sourire Alex. C’est vrai qu’elle en avait besoin si elle se faisait attaquer par un écureuil. Puis elle repensa à ce que lui avait dit Patenchon lors de sa première leçon : « Il existe des tas de créatures… des gentilles et des méchantes ». Rien que de penser à l’idée d’être confronté avec des monstres lui donnait froid dans le dos.

- Et je veux que tu sois rentrée avant la nuit, est-ce claire ? rajouta Marie.

Sa mère s’inquiétait beaucoup trop à son gout. La petite brune hocha la tête et monta dans sa chambre.

Mais ce qu’Alexandra ne savait pas, c’est que bientôt, elle aussi aurait matière à s’inquiéter…

Lorsqu’elle pénétra dans sa chambre, elle sentit la présence invisible du farfadet au milieu du grand tapi. La petite créature se rendit alors visible au moment où Alex prenait son téléphone qui était posé sur sa table de chevet.

- Alexandra ! l’interpella-t-il. Les laminaks sont dans la forêt, que dirais-tu d’aller les voir ?

L’adolescente réfléchit quelques instants. Elle était supposée voir Amaron, il ne fallait en aucun cas qu’il la voit en présence des laminaks. Elle jeta un coup d’œil à son téléphone : deux heures n’avaient pas encore sonné. L’après-midi était longue et elle pouvait commencer par rendre visite aux laminaks et voir Amaron ensuite.

- C’est d’accord !

Le farfadet sourit et tous deux se dirigèrent dans le jardin puis ils s’enfoncèrent dans la forêt jusqu’à atteindre un petit pont en bois qui passait aux dessus d’un ruisseau.

L’endroit était magnifique. Ce vert, ce marron, ce bleu, toutes ces couleurs représentaient merveilleusement bien la forêt comme l’aimait Alex. On voyait le ciel transparaitre par-dessus la haute cime des arbres et les feuilles, qui tombaient en voletant, venaient se poser délicatement sur le sol. Le tout était bercé par le chant des oiseaux. Des coucous, des éperviers, des alouettes, des rouges-gorges : une symphonie de sons qui berçait et rythmait la vie des habitants de ce bois.

Des bruits de pas accompagnés de petites voix fluettes se firent entendre et Alex reconnu, avançant vers eux, Lakie, Smisy et Sikou. Ils avaient l’aire en pleine discussion.

- Tu ne voudrais pas faire attention pour une fois ? demanda Smisy à l’adresse de Sikou qui fermait la marche.

- Désolé, fit ce dernier tous penaud.

- Que ce passe-t-il ? demanda Patenchon une fois que les laminaks furent à leur hauteur.

Lakie hocha négativement la tête, signalant ainsi qu’il n’y avait rien de grave.

- Ce n’est rien, c’est encore Sikou qui à la tête dans les nuages, expliqua la petite laminake en donnant un coup de coude amicale au principal intéressé.

Celui-ci fit un petit sourire timide.

Les cinq amis commencèrent à discuter et Patenchon ne tarda pas à leur parler de la réussite de la jeune fille pour la détection d’énergie.

- C’est incroyable ! commenta Sikou.

- Si nous faisions un jeu ! proposa Smisy.

- Oh oui ! s’enjoua Sikou.

Alexandra les interrogea du regard et Laki lui expliqua :

- Tu n’as cas porter un bandeau sur les yeux et l’objectif serait que tu nous attrape en essayant de nous localiser grâce à l’énergie verte !

- Bonne idée ! s’exclama Patenchon.

Alex accepta. Le farfadet lui recouvrit alors les yeux avec un bandeau et Alex se concentra. Elle tenta de repérer cette petite braise au fond d’elle-même qui grandissait lorsqu’elle s’approchait d’une des créatures.

Au début, elle mit un peu de temps à les trouver. Puis elle s’habitua. Elle prit beaucoup de plaisir à jouer à ce jeu. Bien sûr elle manquait régulièrement de tomber en marchant sur des brindilles ce qui faisait beaucoup rire Patenchon et les laminaks. Au bout d’une demi-heure, elle avait réussi à les attraper chacun plusieurs fois.

- Nous sommes là ! s’exclama Laki.

Ce dernier ne cessait de lui parler pour la déconcentrer. Ceci marchait très bien. Alex avait déjà du mal à ne pas rire alors dès que l’un d’eux lui parlait, se concentrer devenait impossible.

- Allez Alexandra ! l’encouragea Smisy. Cela fait dix minutes que tu n’as attrapé personnes !

- Je sais ! s’exclama Alex entre deux rires. Mais c’est à cause de vous, je n’arrive plus à réfléchir !

Allez Alex, fait un effort !

La jeune fille s’arrêta et reprit son souffle.

Penses à cette petite braise !

Quelques secondes plus tard et l’adolescente était de nouveau prête. Elle marcha dans une direction prise au hasard et sentit soudain la flamme s’intensifier. Elle continua alors dans cette direction. Elle fit un pas, deux pas, trois pas. La flemme grandissait toujours. Quatre pas, cinq pas, six pas, mais elle n’avait toujours attrapé personne. Ce n’était pas normal, d’habitude la flamme ne grandissait pas autant à l’approche d’un de ses amis.

Intriguée, Alex retira son bandeau.

- Alexandra ?

L’intéressée se retourna et vit ses amis plus loin, perplexes. Pourquoi avait-elle sentie une énergie à un endroit où ils ne se trouvaient pas ?

Elle s’éloigna de quelques pas du petit groupe et s’approcha d’un arbre d’où l’énergie verte semblait provenir. C’est alors qu’elle vit se dessiner à travers le feuillage des arbres une silhouette prenant peu à peu forme.

Son cœur s’accéléra plus encore quand elle vit deux iris d’un brun envoutant.

- Alex ? fit Amaron encore à moitié dissimulé par les branches.

Alex se retourna vers les petites créatures.

- Dépêchez-vous, vous devez partir immédiatement, chuchota-telle.

Ils ne comprirent pas la réaction de la jeune fille et restèrent immobiles, perplexes. Puis, un à un, ils posèrent leur regard vers le grand brun qui approchait.

Alexandra devait faire quelque chose. Il ne fallait surtout pas que le jeune homme les voient !

Elle se précipita donc vers Amaron, lui attrapa les bras le forçant à faire demi-tour.

- Oh ! Tu es déjà là ! s’exclama la petite brune. Viens on va ailleurs.

Amaron la regarda, grandement étonné par son comportement. Puis il lança un regard vers les quatre petites créatures qui n’avaient pas bougé.

- Hey ! Salut les gars ! fit-il en levant une main.

- Bonjour Amaron, répondirent-ils en chœur.

…

Alex s’immobilisa pendant quelques secondes avant de faire un pas en arrière. Son regard incrédule passait du jeune homme à ses quatre compagnons.

- Vous… Vous vous connaissez ? demanda-t-elle ahurit.

Patenchon hocha la tête. C’était inimaginable. Serait-ce une coïncidence ? Elle croyait rêver.

Elle n’arrivait plus à réfléchir. Un lourd bourdonnement s’empara de sa tête et ses mains se mirent à trembler.

Elle tenta de se calmer en visualisant, comme durant la visite de son collège, la petite braise qui crépitait au fond d’elle-même. Mais cette toute petite flamme s’était transformait en un gigantesque brasier qui semblait consumer son âme.

Elle se sentit alors tomber. La dernière chose qu’elle vit fut la mine inquiète de Patenchon et Amaron se précipiter vers elle. Puis, tout devint noir.

Merci d'avoir lu jusqu'ici, j'espère que ce chapitre vous a plu.

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