7 - Survie et symboles

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Je me suis éveillé en pleine forêt, au son harmonieux des oiseaux. Mes doigts et orteils me faisaient souffrir à chaque mouvement, à cause des engelures. Malgré cela et mon essoufflement, je réussis à me mettre debout.
Mes paumes, mes genoux étaient horriblement écorchés et saignaient. Pas assez pour me mettre en danger, heureusement ! Mais j'étais dans un sale état.

Me surplombant, le feuillage des arbres se balançait agréablement selon le vent. Si calme... Et dire que précédemment, ce même vent n'était que chaos.
Il me restait toujours ma veste et tout ce qui se trouvait à l'intérieur, mais mon bâton avait disparu. Je fis l'inventaire une fois de plus : Un sac de dés ―totalement inutile―, un bonnet d'hiver, deux ficelles, des écouteurs, une paire de gants en tissu, un bic, mon téléphone et plusieurs cure-dents.

Mes oreilles étant cryogénisées, je mis le bonnet sur ma tête ; ensuite, il aurait été préférable de ne pas trop jouer avec les plaies de mes mains, donc j'enfilai les gants ; et je fourrai un cure-dents entre mes dents, pour me préparer au pire.
Déjà, la mystérieuse divinité a insinué que j'aurai à me défendre... D'autres de ses mots me revinrent en tête : "Quoi qu'il arrive, tu ne devras pas blesser ni tuer des gens pour avancer"... Quelle était donc la raison sur la mise en évidence du mot "gens" ?
Quoi qu'il arrive, je ne me sens pas en sécurité lorsque je me promène seul et sans bâton dans la nature. Je cherchai donc une branche ou un très jeune arbre, assez fin, long et droit, que je trouvai assez rapidement.

À l'aide de l'outil scie de mon canif, j'abattit le plus robuste de tous les jeunes arbres qui s'offraient à moi. À chaque manipulation du canif, à chaque pression supplémentaire, les plaies sur mes mains me faisaient souffrir, cependant je me devais de surpasser la douleur. Je coupai mon nouvel accessoire d'une hauteur à peu près pareille à la mienne, et puis entreprit de tester sa solidité et sa souplesse.
Ce bâton s'était avéré très prometteur. Très rigide, assez léger, et j'eus beau essayer de le fracasser contre des troncs, il n'a pas daigné craquer.

Comme je n'avais aucune idée de ce que je pouvais faire, j'entrepris de le tailler. Affûter le plus petit bout en pointe, et tailler le côté le plus large de manière un peu plus esthétique. Lorsque j'eus fini, je lâchai mon œuvre sur le sol et retirai mes gants. Mes pauvres mains... Rougies par le sang, meurtries par l'effort... Si mes gants ne paraissaient pas ensanglantés, c'était uniquement à cause de leur couleur noire.
Je me couchai sur le sol, exalté à l'idée d'avoir autant de calme après tous ces événements tumultueux. Le dos sur un tapis de feuille et de mousse, le regard tourné vers les feuillages tranquilles, l'ouïe concentrée sur les gazouillis, un ciel aux tournures de plus en plus orangées... C'était la première fois depuis des lustres que je me sentais bien. Plusieurs fois, j'avais été dans la même situation, mais cette fois-ci, c'est comme si une nouvelle énergie m'habitait.

Tous mes rêves s'étaient réalisés en un instant. Moi qui cherchais l'évasion, j'avais obtenu le droit d'accéder à un autre monde ; Moi qui étais passionné de mythologies, j'appris que les dieux existaient ; Moi qui raffolais du déchaînement de la nature, j'en avais expérimenté la force ; Moi qui idolâtrais l'électricité plus que tout, je pouvais à présent bénéficier de ses bienfaits... à ce propos, étais-je déjà un maître de la foudre ?

Je me devais d'essayer. J'avais hâte de sentir les électrons parcourir mes phalanges !


Lorsque je me relevai, le cerf et la chouette étaient de nouveau dans mon champ de vision.

-Salut, vous deux ! fis-je, comme je parlerais à n'importe quel animal. Vous êtes copains ?

Evidemment, ils ne me répondirent pas. La chouette hulula, puis s'envola à tire-d'aile. Je me levai doucement et m'approchai du cerf, qui tendit sa tête pour se laisser caresser. Je fis tout de même attention, avec ses bois il aurait facilement pu m'embrocher.

-Tu peux pas savoir à quel point ça fait plaisir, continuai-je. C'est la première fois que je vois un cervidé d'aussi près... Et en plus, tu es très sympathique ! Il ne doit pas avoir beaucoup de chasseurs ici, si tu es aussi affectueux envers les humains.

Le quadrupède renifla.

-Si tu cherches de la nourriture, désolé je n'en ai pas ! Mais cet endroit devrait regorger de nourriture pour toi, non ? Je suis sûr qu'il y a plein de baies bonnes à manger ! Tiens, ça me rappelle qu'il me faudra songer à la nourriture et à l'eau...

L'animal recula assez lentement avant de se relever pour me regarder.

-T'es vraiment sympa, toi ! continuai-je. Dis, tu saurais m'aider ? Je pense avoir des pouvoirs magiques, mais je ne sais pas comment m'y prendre.

Bien entendu, l'animal ne répondit pas.

-J'imagine que tu ne peux pas me parler non plus de ce qu'il faut faire dans cette fichue épreuve ?  demandai-je, avant de laisser un silence. Je divague... Je parle à un cerf, alors que je devrais être en train d'enquêter sur cet endroit... J'adorerais passer un peu plus de temps, mais je dois y aller.

Le fier roi de la forêt parut comprendre, puisqu'il me tourna le dos avant de s'éloigner plus profondément dans la végétation, me laissant seul dans le calme sylvestre.


Si j'avais déjà acquis la magie, il était nécessaire que je sache comment la manipuler. J'étais dans mon élément, il n'y avait pas de meilleur endroit pour m'entraîner qu'ici, seul, en pleine forêt, dans un calme olympien, avec un temps doux. Des pensées paranoïaques effleurèrent mon esprit, mais j'essayai de les chasser. Je pris mon bâton de ma main gauche, et me concentrai de ma main droite.

Je focalisai ma pensée sur la création d'un arc électrique. Tout n'était peut-être qu'une affaire de volonté et d'imagination. Malgré cela, j'essayai plusieurs fois l'exercice, avec différentes positions de mains, aucune ne fonctionna... J'eus plus d'espoir lors d'un essai, alors que j'avais positionné ma main d'une certaine manière... Index, pouce, majeur tendus vers le ciel, annulaire perpendiculaire à la paume et auriculaire plié vers le sol ―une position manuelle difficile à maintenir―. Pendant mon exercice de concentration, je sentis des picotements dans mon auriculaire... Mais toujours rien ne se passa.

J'étais certain, après cela, d'avoir trouvé la bonne posture. Peut-être n'étais-je pas suffisamment concentré...
Je fermai les yeux, tentant de faire fi de mes idées psychosées. C'est sans doute pour ça que j'aime autant jouer avec un bâton pendant mes promenades... Lorsque je me balade seul, j'ai l'impression que tous types de créatures pourraient surgir de la végétation et me courser. C'est le désavantage d'une bonne imagination...

Quoi qu'il en soit, je réussis à passer outre et à me concentrer. Serrant mon bâton bien fort de ma main gauche, plaçant ma main droite devant moi et dans la bonne posture, je me concentrai sur un rayon d'électricité. Presque instantanément, une sorte de chaleur très agréable me parcourut. C'était une toute nouvelle sensation, que je n'étais pas près d'oublier, une sensation qui me lava l'esprit de ses préoccupations. J'ouvris les yeux, me laissant apercevoir pendant une fraction de secondes un rayonnement de lumière provenant de mon auriculaire et frappant un tronc plus loin.

De la lumière ? Etrange... Je croyais avoir été doté de magie fulgurique. Sur l'écorce de l'arbre touché par la lumière, restait une marque circulaire de calcination. Ça y est... J'étais devenu capable de magie... Cette pensée me laissa dans une sorte d'euphorie.

Un bruit me tira de mes songes. Un craquement de branches, en hauteur. Revenu abruptement à la réalité, ma paranoïa revint, et je tournai subitement ma tête vers le bruit. J'eus à peine le temps de discerner une sombre forme humanoïde fuir entre les feuillages...

Apeuré, je serrai mon bâton dans mes deux mains et prit mes jambes à mon cou. Je n'étais pas seul. Et si cette créature me voulait du mal ? Je me rendis compte que si mes rêves étaient devenus réalité, mes cauchemars aussi s'étaient incarnés. Il me fallait quitter la forêt au plus vite, et rejoindre les plaines, là où il est impossible de se cacher. Peut-être que j'y aurais été à découvert, mais de potentiels agresseurs aussi.


Après quelques temps de course et de stress, j'étais enfin arrivé à une clairière, au pied de la montagne sur laquelle j'ai passé l'épreuve du vent. Je m'arrêtai, pantelant de sueur sous mon manteau presque hivernal, les genoux lancinants. Le soleil se couchait, du côté des grottes, à l'ouest, ce qui signifiait que je n'étais pas au bout de mes frayeurs : Je suis encore plus facilement effarouché lorsqu'il fait noir.

Mon estomac gargouilla. L'épreuve s'avérait déjà foireuse pour moi en termes de survie... Il me fallait trouver de la nourriture, de l'eau, un abri pour la nuit... Le meilleur moyen de trouver des vivres... C'était de revenir dans la forêt, pour chasser et cueillir des baies. Pas moyen ! Aucune chance que je revienne seul et en pleine nuit dans cette végétation où rôdent des trucs bizarres !

En ce qui concernait l'eau et le refuge, la montagne en était la solution. Durant ma montée vers la troposphère, j'avais remarqué plusieurs cavernes et une petite rivière qui reliait la montagne et la mer. Ce dernier détail indiquait logiquement qu'il existait une source sur la montagne, là où l'eau serait potable. Il ne me restait plus qu'à la trouver... Mais je n'avais plus le temps, ce soir. D'abord dormir, ensuite trouver la source.

L'idée de dormir dans une caverne m'effrayait peut-être plus que celle de retourner dans la forêt... Mais il est plus sûr de pieuter dans une grotte inhabitée que parmi la végétation où pourraient se trouver des loups, d'autres bêtes sauvages, des araignées, et... d'autres choses auxquelles je n'avais pas envie de penser. Je me mis donc à escalader de nouveau la pente, nouant mon manteau à ma taille.

Il ne fallut pas longtemps avant que le soleil ne se couche complètement. Plus haut, dans le ciel, des choses apparurent... La perspective ne jouait pas en ma faveur, mais j'aurais juré que c'étaient des symboles... Quelque cent mètres au-dessus de moi, une ligne. Puis quatre autres symboles, dont trois nuages formant un arc avec une flèche encochée, un trait vertical surmonté d'un point, et une ellipse. Bien plus haut, dominant le sommet de la montagne, c'était bel et bien un F de métal parcouru d'électricité qui se tenait fièrement.

Intrigué, je m'arrêtai. Je ne sais pas ce qui me poussa à me retourner ―peut-être la curiosité, ou l'envie de voir le paysage nocturne qui s'offrait à moi―, mais je découvris encore neuf symboles dans le ciel, répartis dans les cieux des quatre points cardinaux.
Vers la mer, au nord, se trouvaient un serpent recourbé dans une forme de C, une onde d'eau, et un iceberg dans la curieuse forme d'un H.
Tout à l'ouest, vers les grottes, c'étaient une pioche retournée vers le haut, un G à l'apparence métallique, et un P incrusté de pierres précieuses qui faisaient réfléchir la lumière de la lune.
Et enfin, côté volcan, un L, un X et un T, chacun fait de flammes.
Je remarquai un dernier symbole ―un E fait de branches et de feuilles― très proche de ma position, surplombant l'orée de la forêt...

-Qu'est-ce que ça signifie ? me suis-je dit à voix haute.

J'en avais marre de toujours me retrouver avec de plus en plus de questions sans réponses. Sans doute seraient-elles répondues quand tout serait fini, mais je suis du genre impatient.


Me reconcentrant sur ma tâche de trouver un abri pour la nuit, je me remis à gravir les hauteurs. Je mis des heures avant d'enfin trouver une grotte... Vu la visibilité que j'avais, j'ai aussi dû en louper quelques-unes.
J'hésitai beaucoup avant d'entrer. Et si quelque chose vivait à l'intérieur ? Pourquoi faisait-il si sombre ?

Je tentai de faire un peu de magie de lumière, avant d'abandonner et de me rappeler de mon téléphone. C'est à des moments comme ça qu'on se sent con...
Je le sorti de ma poche et activai la lampe. Elle ne me fournissait pas une lumière suffisante, mais c'était déjà mieux que rien...

La lumière blanche se réfléchissait sur les pierres humides de la grotte. Quelques gouttes dégringolaient périodiquement de stalactites minces mais abondantes. De l'eau ! Pas en quantité suffisante pour étancher ma soif, mais c'était déjà ça. J'enlevai mes gants et mouillai mes mains pour laver mes plaies. 

La caverne était relativement petite. Minimum deux mètres de haut, maximum six de large et sept mètres de profondeur. Aucun autre tunnel, ce qui était bon pour ma paranoïa. Si seulement il y avait un seul autre passage vers les profondeurs de la terre, je n'aurais pas pu dormir.

Je crevais de fatigue. J'aurais tant souhaité dormir, mais mon estomac était tellement vide... Faute de nourriture, je pouvais au moins couper ma faim en buvant de l'eau. Je me couchai donc sous une stalactite, la bouche ouverte pour boire au compte-goutte. Ah, si seulement j'avais emporté ne fut-ce qu'une gourde vide...
Il me fallut longtemps avant que je ne pusse être libéré de mes douleurs, et j'en avais déjà plus qu'assez de boire à cette vitesse. Je me relevai, et cherchai un endroit pour me coucher.

Soudainement, je me figeai. A l'entrée de la grotte, une silhouette avait fait son apparition. Elle avait l'air d'un homme, tenant un arc entre ses mains... Il était là, immobile, me fixant du regard. Je n'osais même pas bouger. Qui était cet homme ? Que me voulait-il ? Pourquoi me fixait-il avec autant d'insistance de ses yeux cachés par l'obscurité ?
Je faillis pousser un cri de surprise, suivi d'un soupir de soulagement lorsque ses jambes se plièrent vers l'arrière et qu'il s'éloigna de l'entrée de la grotte. Depuis le début, il ne m'avait jamais fait face, il ne m'avait jamais regardé, puisqu'il me tournait le dos...

Ses pas se dissipèrent dans la distance. Prenant mon courage à deux mains, je mis le nez dehors, espérant que personne d'autre ne passerait. Au loin, aucun des symboles n'avait bougé... Sinon ceux faits de nuages.
La sorte de "i" avait disparu, l'ellipse se trouvait désormais en plein dans les plaines, et l'arc se trouvait très proche de ma position, juste un peu plus en contrebas. Intéressant... Ces symboles étaient-ils des balises, marquant la position de tous les participants ?

Ils ressemblaient à peu près tous à des lettres, aussi... Quelle en était la raison ? Était-ce des initiales ?
Si telle en était la chose, alors ce X ardent, près du volcan, marquerait la position de Xenthores... Si loin ! Il me faudrait des jours pour atteindre cette position !


Je sortis de mes pensées, sali par un sentiment de peur presque insurmontable. Je courus me réfugier plus profond dans la grotte, éteignant ma lampe. Si j'avais peur de ce pourraient receler les ténèbres, j'étais épouvanté par ces autres humains, et je n'avais pas envie de savoir ce qu'ils voudraient faire de moi tant que le jour ne s'était pas levé.
C'est à tâtons que je fouillai la grotte, dans l'espoir de trouver une pierre sur laquelle me reposer. Après plusieurs minutes de galère, je dénichai enfin la perle rare, sur laquelle je me posai. Avec mon bonnet en guise de coussin et mon manteau pour seule couverture, je fermai les yeux, tentant de dormir...

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