Chapitre 19

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Lidéos était traîné sur le gravier, les frottements irritaient sa peau à travers ses vêtements. Il ne ressentait pas la moindre peur, ni doute depuis le début, il savait à quoi il s'exposait mais il le fallait, pour le bien des siens.

Il se rappelait son entraînement ce jour-là, quand Zayos avait ouvert brutalement la porte. Un frisson l'avait traversé car à l'expression de mépris sur le visage du roi, il comprit qu'il savait tout, qu'il venait d'être découvert.

—Comment oses-tu ? Cracha l'elfe de la nuit en se rapprochant, fou de rage. C'est comme ça que tu me remercies ?

Un feu ardent brûlait dans les pupilles du roi, une colère infinie qui ne datait pas de hier. L'ange mort se crispa mais il décida de se tenir droit, le menton haut pour garder une posture assurée.

—Je n'ai fait que ce que je pensais juste, déclara Lidéos.

—Juste ? Cria Zayos en gesticulant. Tu veux plutôt dire que tu m'as trahi !

L'elfe de la nuit l'attrapa par le col, si son regard pouvait tuer, l'histoire du jeune ange mort serait déjà fini.

—Je voyais un grand potentiel en toi, un homme qui aurait été capable de guider mes troupes sur le champ de bataille mais il faut croire que j'ai eu tort, tu n'es qu'une vermine.

Il le projeta contre le sac de frappe, le coup sonna légèrement Lidéos mais il n'en fit rien paraître.

—Te rends-tu compte de ce que tu m'obliges à faire ? Gronda Zayos. Je vais devoir te tuer pour que tu expies ce que tu as fait, que tu assumes ton erreur.

Le regard de l'elfe se voila, il faisait les cents pas dans la pièce en se tirant les cheveux par instant. Ses traits étaient tirés, ses sourcils fronçaient sous l'appréhension et la décision qu'il devait prendre.

—Pourquoi tu as fait ça ? Cria-t-il à nouveau. Tu ne pouvais pas faire quelque chose de moins grave aux yeux de la loi d'Oxyris ?

Zayos se retrouvait dans la façon d'être de Lidéos mais il ne voulait pas particulièrement le montrer, il fallait qu'il reste digne de l'image qu'on lui avait donné. Il se mordilla la lèvre inférieur car il savait qu'il ne pourrait rien faire pour empêcher ça. Sa tête se baissa, il ne voulait même plus regarder le garçon dans les yeux et il ordonna d'une voix froide :

—Gardes, amenez-le.

Des elfes de la nuit dans une armure blanchâtre rentrèrent et se précipitèrent avec des lances vers Lidéos. L'ange mort ne bougea pas, il ne tenta même pas de lutter, il préférait coopérer même si sa vie était mise à mort.

Zayos s'avança devant le garçon et lui attrapa le menton. Lidéos vit un léger tremblement de la mâchoire de l'elfe, qui le fit tiquer. Il agissait ainsi par respecter et obligation des lois plus qu'avec son cœur.

—Tu es condamné à mort pour avoir communiqué des informations confidentielles à l'ennemi.

Soudainement, il fut sortir de ses pensées car on venait de le pousser à genoux, ils lui attachèrent la tête à un tronc d'arbre. Il pouvait voir le roi avançait à grand pas vers lui, la pointe de son épée râpait sur le moindre petit gravillon. Il entendait les hurlements horrifiés des habitants : « Vous ne pouvez pas faire ça ! », « Mon dieu, quelle horreur... », « Ce n'est qu'un gamin ! ».

Lidéos détourna le regard pour observer le sol, il pensait à la lettre qui devait avoir rejoint Lunatios à cette heure-ci, peut-être même que la prêtresse était en train de le lire. Il espérait qu'elle agirait vite, que les autres royaumes soient rapidement mis au courant du conflit qui approche. Il acceptait sa mort car il savait qu'il avait fait le bon choix, qu'il s'était battu pour une cause qui valait le coup de mourir pour elle.

—Es-tu prêt à mourir, gamin ? Demanda Zayos en plantant son épée dans le sol.

Lidéos releva la tête pour croiser le regard de l'elfe de la nuit, il y voyait de la souffrance et une colère profondément enfouie.

—Et vous, êtes-vous prêt à perdre votre peuple ? Rétorqua Lidéos en grinçant des dents.

Des enfants observaient la scène tremblotants dans les bras de leurs parents, ils tentèrent de leur cacher la vue en plaçant leurs mains devant leurs regards innocents. Les femmes étaient terrifiées : s'il pouvait tuer un gamin cela voulait dire que même leurs enfants étaient en danger. Zayos marmonna dans sa barbe en voyant son peuple le regardait comme un être cruel mais il devait faire régner les lois, il avait l'obligation de protéger les siens.

Il se plaça à côté de Lidéos qui ne se débattait même pas. Zayos admirait le tempérament du garçon, il pensait à l'homme qu'il aurait pu devenir s'il ne s'était pas trouvé au milieu au moment où il voulait récupérer la guerrière ange morte. Il se remémorait ce regard déterminé, cette épée pointait contre son torse et l'ordre que lui avait donné l'ange mort.

« Lâchez-là tout de suite. Cette femme est notre prisonnière. »

Un rire franc s'était échappé d'entre ses lèvres, sa magie avait pris le-dessus pour désarmer le garçon. Il aurait pu le laisser là-bas, pourtant quelque chose l'avait attiré chez cet enfant, peut-être leur ressemblance dans leurs comportements ? Où bien cette volonté sans faille qu'il connaissait bien.

Il arma son épée dans les airs, il se préparait à trancher la tête du jeune homme tel un bourreau accomplissant sa mission.

Tout à coup, Sinélia apparut à genoux devant le guerrier, elle lui tenait la tête et murmurait :

« ça va aller, mon ami. Tu es libre maintenant. »

La foule hoqueta lorsque la lame trancha l'air dans un sifflement interminable, elle se rapprochait un peu plus de sa cible à chaque seconde. Lidéos paraissait serein à observer les yeux de la jeune ange morte que lui seule pouvait voir, il murmura :

« On se retrouvera. »

La lame s'enfonça dans sa chair, la douleur irradia dans tout son corps. Sinélia devenait de plus en plus floue, il entendait de nombreux hurlements mais la seule chose qu'il voyait, c'était la larme qui coulait sur le visage pâle de la jeune femme aux cheveux de cendres.

—Inutile de pleurer, nous combattrons à nouveau ensemble. J'ai fait ma part du marché, souffla-t-il une dernière fois avant d'entendre le cri de son amie résonner en lui.

L'épée trancha une première fois la nuque du gamin, s'en suivit un second et un dernier coup avant que la tête ne rejoigne le sol. Le peuple des elfes de la nuit s'arrêta brusquement de crier, ils regardaient tous médusés le corps sans tête, leur roi venait de tuer un innocent, un adolescent.

Zayos observait la foule, la haine se lisait sur chacun de leurs visages ainsi qu'une forme de méfiance envers lui, cependant il n'avait pas le choix, la loi était la loi. Il ne pouvait pas se permettre de laisser la vie sauve à un traître. Il fallait maintenant qu'il reprenne les choses en main, qu'il prévienne le roi des Enfers.

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Sinélia était à genoux face au vide maintenant, là où était le jeune guerrier quelques minutes auparavant avant qu'il ne disparaisse, leur lien venait de se détruire.

—Lidéos, murmura-t-elle d'une voix briser. Nous nous retrouverons, tu mérites de reposer en paix après tout ce que tu as vécu.

Ce qui les unissait leurs avait permis de découvrir la vie de l'autre à travers de courts souvenirs. La jeune femme était restée perplexe face aux révélations ce jour-là.

Elle se rappelait des cries de Lidéos lorsqu'on lui avait coupé ses ailes, que des humains l'avait pourchassé dans la forêt.

Lidéos courrait en évitant le plus possible les racines des arbres, il regardait parfois derrière-lui terrifié. Il entendait les pas se rapprocher de plus en plus, son cœur battait comme un fou dans sa poitrine, il ne savait pas où aller, il ne connaissait même pas l'endroit où il se trouvait. Ses pas foulaient la terre encore humide, il savait qu'il laissait des traces derrière-lui mais il ne pouvait pas s'arrêter, ces inconnus étaient à ses trousses.

Il vit au loin une clairière où il pourrait tenter de s'envoler pour s'échapper, quelques rayons solaire éclairait l'abord de la forêt, il fallait qu'il accélère un peu et il serait bientôt libre. Ses ailes se déployèrent derrière-lui, il aimait sentir les caresses du vent dessus comme si cet élément l'appelait, le guidait vers le ciel.

Il espérait que sa petite sœur réussirait à rejoindre Vénusis ou bien Elfagos pour être en sécurité. Il avait voulu bien faire pour son anniversaire, en l'amenant découvrir Névésias secrètement, à aucun moment il se serait douter que l'espèce humaine tenterait de les tuer. Une première flèche s'était plantée dans son bras et c'est à ce moment-là, qu'il ordonna à sa sœur de s'enfuir. La panique écarquillait son regard innocent, il avait entendu les voix l'appelaient, lui demander ce qu'il était mais lui, il ne pensait qu'à protéger sa cadette de dix ans.

—Rejoins Vénusis ou le royaume des Elfes, tu seras en sécurité, ordonna-t-il. Ne te retourne jamais, d'accord ? Tu dois toujours avancer sans t'arrêter une seule seconde, Nia.

—Mais je ne veux pas, reste avec moi ! Cria-t-elle en pleure.

—Si quelqu'un doit vivre entre nous deux, ça sera toi, annonça-t-il. Tu es tout mon univers, je ne pourrai jamais t'abandonner, je te retrouverai toujours, Nia.

Il la laissa là à la lisière de la forêt, elle essuya ses larmes avant de s'enfuir.

—Je suis là, hurla-t-il aussi fort que possible. Venez me chercher.

Il vit une flèche frôler son oreille et c'est à ce moment-là, qu'il courut en sachant qu'il guiderait ses poursuivants loin de sa sœur. S'il mourrait, elle s'en sortirait et cette pensée lui réchauffait le cœur, il savait qu'il prenait la bonne décision, que son choix était juste. Il acceptait le sort qu'il pourrait lui arriver car il finirait toujours par la retrouver.

Ses pas le rapprochaient de la clairière, la lumière l'aveuglait légèrement. Il voulait se couvrir les yeux pour se protéger de l'intensité du Soleil mais ça le déstabiliserait bien trop dans sa course. Lorsqu'il passa à côté du dernier arbre, il remua ses ailes pour voir si elles étaient prêtes à s'envoler. Il battit une première fois puis plus régulièrement pour se décoller du sol, il fallait qu'il fasse vite car ses poursuivants se rapprochaient. Il monta à peu près à la hauteur des arbres quand il sentit une vive douleur le lancer dans son pied, il baissa son regard dans sa direction et vit une flèche , elle avait transpercé sa chaussure et même sa chair, cependant une corde se trouvait accrocher au bout. Il tenta de battre plus rapidement des ailes pour s'éloigner mais ses ailes n'étaient pas suffisamment fortes pour contrer la force des hommes en bas, qui le tiraient.

Brutalement, son corps cogna contre le sol, il grimaça lors du choc. Son pied endolorit prenait une teinte bleutée, qui n'annonçait rien de bon. Les inconnus s'approchèrent de lui, ils regardèrent et touchèrent ses ailes à plusieurs reprises. Il ne pouvait pas se défendre, il risquerait de perdre rapidement l'équilibre et la vie tout simplement. Peut-être qu'ils ne le tueraient pas... Il aurait alors la chance de revoir sa sœur.

Tout à coup, un cri traversa ses lèvres, il hurla aussi fort que possible. On venait de commencer à couper l'une de ses ailes, il tenta de se débattre et fit tomber un homme au sol.

—Lâchez-moi, cria-t-il paniqué.

La douleur ne cessa d'augmenter à la base de son aile, des larmes dévalaient le long de ses joues enfantines. Il se releva sur un pied et frappa avec la seconde un des inconnus. On lui bloqua ses ailes avant de le plaquer au sol, sur le ventre.

—Maintenez ce monstre !

—À l'aide, cria Lidéos en essayant de se débattre.

Il n'était qu'un enfant, il ne faisait pas le poids contre des hommes bien plus âgés et costaud. Il ne pouvait pas résister à leurs forces même s'il le voulait. Son appartenance aux anges morts ne le rendait pas plus fort comme un super-héro, il restait en grande partie humaine malgré ses ailes et sa capacité à lire dans les pensées. Il mordilla sa lèvre pour ne pas hurler lorsque la lame recommença, tout son corps tremblait, il pleurait en silence. Il n'avait que quatorze ans, il se sentait souiller car pour un ange mort, ses ailes étaient la chose la plus chère à ses yeux, sans elles que deviendrait-il ? Il se déconnecta de la réalité tellement la douleur était forte physiquement et psychologiquement. Il cessa de se débattre et laissa son corps aux mains de ces hommes.

Au bout de quelques temps, la deuxième aile s'écroula au sol.

— Elles doivent valoir un certain prix sur le marché, vous imaginez ce qu'on pourrait faire avec ? Ricana un d'eux.

—Faut qu'on s'en aille, des personnes s'approchent !

Il les entendit partir avec une partie de lui, son regard était vague. Qui était-il maintenant ? Un ange mort ou tout simplement un corps sans vie ? Son sang recouvrait toutes l'herbes autour de lui, la clairière resterait la seule témoin de cette barbarie, d'à quel point on l'avait souillé. Il tendit la main dans son dos pour découvrir l'ampleur des dégâts, il retenu un cri lorsqu'il sentit seulement la base de ses ailes, des larmes coulèrent le long de ses joues tandis qu'il mordait sa lèvre jusqu'au sang. Il souffrait terriblement, pourquoi on lui avait fait ça?Qu'avait-il fait de mal à part vouloir faire rêver sa petite sœur pendant un jour ? Son cœur se serra à la pensée de sa cadette, avait-elle réussi à s'enfuir ? Comment allait-elle ?

Il se releva en titubant, ses pas le guidèrent vers ce qu'il espérait être Lunatios plus à l'Est de Névésias. Il était épuisé, brisé aussi mais il fallait qu'il rentre, qu'il retrouve son chez-lui, l'orphelinat dans lequel ils avaient grandi.

Après quelques heures, il était au abord de Lunatios, quand le froid gagna totalement son corps. Le monde bascula autour de lui alors qu'il s'écroulait dans la terre. Ses paupières papillonnaient comme pour se maintenir éveiller mais il le sentait, il partait petit à petit. Il se remémorait le sourire de sa sœur, son air enjoué lorsqu'il lui avait acheté une glace quelques minutes plus tôt, son regard émerveillé face aux architectures humaine. Elle était si douce, si joviale et il avait réussi à la faire rêver un court instant. Sa mission était accomplie, il espérait qu'elle pourrait encore rêver pendant longtemps pour lui, pour la vie qu'ils auraient pu avoir. Ses yeux se fermèrent alors qu'il entendait des voix approcher.

—On se retrouvera, Nia.

Sinélia sursauta à ce souvenir, à la fin qui lui brisa le cœur. Il n'avait jamais pu retrouver sa petite sœur de son vivant, il ne parlait même pas d'elle. Était-elle encore vivante comme il l'avait espéré ? La croyait-il morte ?

Elle épousseta ses vêtements en se relevant, un simple corset blanc aux laçages noir avec une fine jupe accompagnée de petites bottes en cuir. Elle entendit quelqu'un frapper contre la porte avant qu'elle ne soit violemment ouverte. Deux gardes rentrèrent et l'attrapèrent par les bras en la tirant vers une destination inconnue.

—Que faîtes-vous ? Laissez-moi ! Hurla l'ange morte.

Brusquement, elle fut jetée dans la salle du trône où attendait Kolaris, assis calmement dans son siège royal, il tapotait son doigt sur l'accoudoir tandis que Xocarès était débout à ses côtés en train de regard ailleurs.

—Que me voulez-vous ? Cracha-t-elle d'une voix méprisante.

—Que tu vois le futur, que tu m'annonces ce qui arrivera.

Il l'observait d'un air supérieur. Ses plans étaient construits et peaufinés depuis un certain temps, il voulait avoir accès à la moindre petite faille qu'il pourrait y avoir.

Kolaris ordonna qu'on amène l'ange morte jusqu'à lui. La jeune femme aux cheveux de cendres l'observait avec inquiétude, elle tenta de reculer mais les gardes l'interceptèrent aussitôt. Ils l'obligèrent à s'agenouiller face au roi, Kolaris attrapa la main fine de Sinélia. Elle ne put empêcher son pouvoir de s'exercer en un bref claquement de doigt, elle fut projetée sur le champ de bataille.

Elle observait le combat en détails, elle découvrait certains de ses amis mais l'histoire se modifiait déjà avec la mort de Lidéos. Elle vit Chad combattre seul face à bien trop d'ennemis, il finit par tomber à genoux dans la terre boueuse, à leurs merci. Son père et Azuria tombèrent eux aussi avant qu'elle ne puisse remarquer Pheone courir avec haine et ardeur vers son géniteur, elle vit les deux dagues s'entrechoquer avec l'épée tandis qu'elle hurlait toute sa rage, elle chargea encore et encore. Les deux s'épuisaient à force de contrer et d'attaquer, elle réussit à le toucher à la jambe ce qui lui ouvra une ouverture pour tenter un nouvel assaut. Elle glissa dans la boue pour esquiver un coup d'épée et passer derrière-lui, à ce moment-là elle sut que c'était fini. Ses deux dagues en mains, elle les planta sans le moindre remord dans le dos de son géniteur.

—Adieu père, cracha-t-elle avant de se retourner.

Un feu jaillit des airs, il montrait la présence d'un dragon, il brûlait le moindre démon sur son passage pendant que la kitsune sur son dos tirait encochés quelques flèches.

Sinélia découvrit un homme qu'elle ne connaissait pas, il courrait rapidement et paraissait très agile. Il tuait chacun de ses adversaires avec dextérité et il adoptait leurs apparences pour se faufiler plus facilement entre eux, il devait être le mercenaire dont plusieurs royaumes parlaient, Nils, prince de Mikanos. Elle se tourna et remarqua Ash, lui aussi était en train de combattre en frappant à de multiples reprises de son épée ses adversaires avant qu'une larme ne traverse son corps, il tomba à genoux en appuyant ses mains autour de la lame. Zayos se tenait derrière-lui victorieux, il retira l'épée d'un coup.

À ses pieds, le démon crachait du sang alors qu'il tentait d'arrêter l’hémorragie. Son teint livide faisait peur à voir, il entendait les corps tomber, les coups, les cries même si ses oreilles bourdonnaient. Il voyait le monde tourner autour de lui jusqu'à que dans son champ de vision, l'elfe de la nuit apparaisse.

—Tu as bien combattu mais le temps est venu, tu es libre.

Un hurlement strident fit rabattre leurs mains à tout le monde pour protéger leurs oreilles, le cri était assourdissant, même magique. Des lianes arrivaient rapidement vers Zayos, il n'eut pas le temps de les esquiver qu'elles s'enroulaient autour de ses chevilles pour remonter le long de ses cuisses. Il tentait de les arrêter en les tranchant mais d'autres repoussaient aussitôt. Il remarqua dans le coin de l'oeil, la démone aux cheveux roux avançait vers lui en frappant d'un coup net et vif les soldats qui s'interposaient.

Elle s'arrêta devant lui, elle le regard un court instant ce qui fit tressaillir l'elfe de la nuit. Elle se baissa pour poser les mains sur la plaie béante du démon, il l'observait avec un léger sourire.

—Reste avec moi, Ash, murmura-t-elle d'une voix enrouée par les larmes qui se nichaient dans les coins de ses yeux prêtes à couler.

Il lui prit la main tout en toussotant du sang. Il la serra contre son cœur en croisant son regard, où elle put observer les milliers d'émotions qui habitaient le jeune homme. Elle ne pouvait se résoudre à abandonner même si elle sentait les battements de son cœur ralentir sous sa paume.

Avec l'autre main, elle appuya sur la plaie, elle décida d'appeler les éléments avec de faible murmure. Ses nombreux tatouages se mirent à briller, la lumière glissa le long du corps de la démone pour rejoindre le point de contact entre eux, elle entendit légèrement une voix mais n'en fit pas cas.

« Enfin... »

Pendant que son pouvoir guérissait la blessure, la démone ne remarqua pas que Ash avait cessé de respirer, que son pouls n'était plus.

Sinélia s'approcha doucement et s'assit à côté du corps, elle observa Pheone usait de son don mais quand elle vit la couleur des yeux d'Ash changer, elle comprit que ce n'était plus lui, quelqu'un d'autre venait de prendre sa place.

Toutefois, son regard fut attiré par son double qui se précipita vers la femme aux cheveux de feu, d'un geste agile elle la poignarda dans le dos. Une brusque explosion les projeta tous à quelques mètres.

—Non, ce n'est pas possible ! Cria Sinélia. Je ne peux pas avoir tuer Pheone, pourquoi j'aurai fait ça ?

Alors qu'elle faisait les cents pas en marmonnant, elle s'arrêta pour observer Ash se relever, le démon avait les yeux noirs où on ne pouvait apercevoir aucune émotion à l'intérieur. La Sinélia du futur recula rapidement avant de disparaître d'un coup, sans doute en lien avec le moment où elle avait vu Xocarès piégeait lors de la précédente vision. Pheone était gravement blessée et Zayos se releva lentement, il tituba à cause du choc.

—Quel bonheur de sentir à nouveau l'air contre son visage, déclara la voix d'Ash. Quel corps parfait, suffisamment agile et fort pour moi. Merci Pheone pour ce si beau présent.


Dans un sursaut de frayeur, Sinélia revient à elle. Le roi des Enfers affichait un grand sourire face à la réaction de la jeune femme, il imaginait déjà plusieurs possibilités plus alléchantes les unes des autres.

—Qu'as-tu vu ? La questionna-t-il.

—Votre mort, cracha-t-elle. Vous allez perdre tout simplement.

Kolaris éclata d'un rire franc, il attrapa l'ange morte au cou et la souleva. Elle tenta de se débattre car la pression exerçait empêcher l'air d'alimenter ses poumons. Xocarès observait la scène crisper, sa main se serrait autour de son arc mais il ne devait pas bouger de sa place tant qu'on ne lui ordonnait pas. Sa bouche se tordit en une grimace, il était inquiet pour son roi ou bien pour cette femme ?

—Perdre ? Je crois avoir mal entendu, déclara-t-il d'une voix autoritaire. Mon plan se déroulera comme prévu, je trancherai juste ta tête moi-même.

—Vous serez mort... avant de pouvoir le faire, annonça-t-elle.

Brusquement, il la lâcha et elle n'eut pas le temps de se réceptionner, ses genoux cognèrent contre le sol ainsi que ses mains, elle observa un court instant son reflet, les traits enfantins étaient devenus ceux d'une femme. Parfois, elle avait la sensation de voir quelqu'un d'autre, que ce corps ne pouvait pas être le sien.

—Par qui ? Gronda-t-il en lui tournant le dos.

—Vous le savez déjà.

Sinélia massait son cou endolori. Xocarès restait droit à côté de son roi, il observait du coin de l’œil la jeune femme aux cheveux de cendres. Kolaris alla se rasseoir sur son trône, il paraissait réfléchir, étudier les possibilités que Pheone puisse le tuer.

—Alors comme ça, mon propre enfant me tuera, répéta-t-il. La prophétie, est-ce qu'elle se réalisera ? Tueras-tu ma fille ?

Au début, elle fut déstabilisée, devait-elle dire la vérité ou mentir ? Sa vision ne pouvait-elle pas changer ou être modifié ?

Sinélia craignait ce passage de la prophétie, elle refusait d'avoir du sang sur les mains et surtout celui d'une proche. Elle n'avait jamais voulu de ce rôle pourtant c'était le sien, sa destinée, l'arme qui servira à libérer un autre monstre.

—Je ne sais pas, mentit-elle en relevant la tête vers le roi.

—Comment ça, tu ne sais pas ? S'exclama-t-il en frappant du poing l'accoudoir.

—Je disparais après avoir poignardé Pheone mais il est déjà trop tard...

Une larme de culpabilité coula le long de sa joue pâle. Elle tuait Pheone, celle dont elle l'admirait sa capacité à s'adapter, à toujours être prête à avancer malgré les obstacles. Elle ne méritait pas une tel mort, une telle trahison et coup bas. Elles n'étaient pas vraiment proches l'une de l'autre mais elle la savait vouée à de grande chose, Sinélia la voyait parfois dans ses visions comme une guide, une femme qui serait la menée sur le droit chemin. Comment pourrait-elle encore se regarder dans le miroir après ça ? Comment arriverait-elle à se pardonner une telle traîtrise ?

Elle souhaita de tout son cœur que cette vision ne puisse pas se réaliser, néanmoins elle ressentit un pincement au cœur lui indiquait que c'était le cours de l'histoire, qu'elle ne pourrait rien y changer.

Après un instant de réflexion, le roi la sortit de ses pensées. Il paraissait bien plus inquiet qu'auparavant comme si son unique enfant avait une quelconque importance pour lui.

—Qu'arrive-t-il ? Demanda Kolaris.

—Le mage noir.

La jeune femme ne put retenir plus longtemps un sanglot, elle tenta de se cacher derrière ses mains pourtant ses épaules étaient secouées par son chagrin. Elle entendit à peine le roi ordonner à l'archer de la ramener dans sa chambre, elle ne sentit même pas son toucher, qu'une nouvelle vision arrivait.


Xocarès était devant-elle tout souriant, il la faisait voltiger dans les airs en rigolant alors qu'elle lui criait de la lâcher. Ils étaient tout les deux sur une île différente de celle où la jeune femme avait grandi, tout bien plus beau, plus verdoyant et immensément grand. Elle pouvait voir un petit chalet au bord d'un ruisseau avec un grand chêne, un peu plus loin une forêt qui s'étendait sur plusieurs hectares. Elle entendit des hennissements de chevaux, ils galopaient dans le pré juste à côté alors que l'archer la déposait délicatement au sol, il enfouit sa tête dans le cou de l'ange morte. Elle aimait le sentir aussi proche d'elle, de voir apparaître les filaments qui la traversaient pour rejoindre le corps du démon en brillant d'un fil d'or.

—C'est si magnifique, murmura-t-elle en écarquillant les yeux.

Elle visualisait chaque détail de l'environnement autour d'elle. La chaleur du Soleil venait se refléter contre les vitres de la maison, des légumes poussaient paisiblement dans un petit champ. Le piaillement des oiseaux résonnaient dans la vallée. Elle ferma les yeux pour profiter de cette douce symphonie, de la délicieuse odeur qui s'échappait de cet endroit.

—C'est chez nous.

Il lui prit la main et la tira vers l'entrée du chalet devant lequel elle s'arrêta pour l'admirer un instant. Un porche en bois comme elle en avait rêvé, une chaise à bascule pour siroter son thé chaque matin, des volets en bois fait à l'ancienne. Elle entendit le bois craquer sous ses pieds, un sourire étira ses lèvres à ce bruit si familier. Sinélia s'appuya contre une rambarde comme une petite fille à qui on venait de réaliser son plus grand rêve. Elle observait la beauté de ce paysage, de ce lieu inconnu mais si paisible, si calme.

—Viens voir à l'intérieur, murmura Xocarès à son oreille.

Ses joues se teintèrent légèrement à l'entente de cette voix si rauque. Elle se retourna et le suivit dedans, à ce moment-là, elle hoqueta en appuyant ses mains sur sa bouche. Elle était époustouflée par un tel aménagement, une telle disposition des meubles et harmonies dans les couleurs. Le hall d'entrée avait un gros buffet couleur bois avec le dessus en marbre blanc, des cadres photos d'elle, de son père, de Xocarès décoraient le long du mûr. La cuisine présentait toujours des tons bois, elle abordait un style plus ancien, des vieilles serrures sur chaque meuble et une table en bois massif.

—C'est exactement comme dans mes rêves, murmura-t-elle, les yeux larmoyants.

Elle avança jusqu'au salon, cette pièce se trouvait plus dans le genre rétro, un canapé et deux fauteuils en cuir autour de la cheminée, un tapis blanc reposait sous la table basse. Une bibliothèque se trouvait à l'entrée du salon avec de nombreux livres de grands romanciers et quelques cadres photos de chacun de leurs proches.

—Il serait fier de toi, murmura le démon.

—Je ne pense pas, pas après ce que j'ai fait à Pheone.

Elle continua de découvrir le chalet, la chambre parentale avec une salle de bain dans les tons bleus. Cette maison était celle de ses rêves et justement, ce n'était qu'une vision.

Sinélia se retourna et s'approcha doucement de l'homme qui partageait sa vie dans cet endroit, elle déposa sa main sur sa joue et l'embrassa tendrement. Un baiser où leurs filaments se joignirent les uns aux autres en brillants de tout leurs éclats.

—Ceci n'est pas réel, chuchota-t-elle en se détachant de ses bras. Nous ne pourrons jamais être ensemble et les miens ont besoin de moi, surtout après la guerre qui s'annonce.

—Chérie, ça va ? Tu es toute pâle ? s'inquiéta-t-il en lui touchant le front.

Elle recula en sentant une boule d'angoisse monter en elle, pourrait-elle abandonner les siens dans un futur proche ? Aurait-elle la chance de partager sa vie avec quelqu'un ? Non... pour ça, il faudrait déjà être sûr qu'ils puissent s'en sortir vivant.

—Je vais bien mais tout ça, c'est bien trop beau pour être vrai.

Sinélia franchit la porte du chalet, elle marchait vers le ruisseau où une eau très claire coulait. Elle observa son reflet à l'intérieur et fut étonnée de voir des traits plus âgés. Elle toucha son visage et détailla chaque nouvelle marque présente. À quel époque étaient-ils ? Dans quel royaume avait-il aménager ? Où se trouvait-elle ?

—Où sommes-nous ?

—Nous sommes à Hyndiana, répondit Xocarès.

—Où est-ce que ça se trouve ?

—C'est de l'autre côté des Terres Oubliées et de Kindénia.

Elle tourna sur elle-même à plusieurs reprises en se demandant comment ils avaient pu arriver ici. Comment avaient-ils découvert l'existence de cette île ? D'autres peuples y vivaient-ils ?

Elle eut juste le temps d'apercevoir le visage de l'archer avant d'être brusquement sortie de sa vision.

Quand elle ouvrit les yeux d'un coup, elle paraissait paniquée mais remarqua le démon aux pieds du lit, il la regardait calmement.

—Vous aviez une vision ? La questionna-t-il en se triturant les mains stressé.

—Oui, rien de bien important que vous devriez dire à votre roi, rétorqua-t-elle en fronçant les sourcils.

—Sinélia, je ne vous veux aucun mal mais Kolaris reste mon roi. Je me devais de lui parler de la prophétie, je ne vous connaissais pas encore à ce moment-là.

Il voulut lui attraper la main mais la jeune femme la retira aussitôt.

—Je vous en prie, qu'avez-vous vu lorsque je vous ai amené ici ?

Elle le regarda un court instant, les filaments apparaissaient autour d'eux sans qu'elle ne puisse les arrêter, ils se rejoignaient aux niveaux de leurs mains.

—Vous et moi, voilà ce que j'ai vu mais cette situation était totalement absurde.

—Pourquoi ? Demanda-t-il soudainement.

Il la regarda avec une étincelle particulière dans les yeux, celle qu'il avait lorsqu'ils s'étaient embrassés. Sans savoir pourquoi, elle s'avança vers lui, leurs visages se rapprochèrent jusqu'à que leurs nez se touchent.

Il fixait les lèvres de la jeune femme aux cheveux de cendres tandis qu'elle observait son regard sombre. En un laps de temps, ils fondirent l'un sur l'autre, leurs lèvres se caressèrent dans une danse sensuelle, un baiser passionné où leurs mains se promenaient sur le corps de l'autre. Il la poussa doucement sur le lit en l'allongeant sous son corps, il observa entièrement la jeune femme, chaque petit détail d'elle.

—Sinélia, grogna-t-il alors qu'elle venait de lui mordiller la lèvre inférieur.

Elle lui enleva son haut puis les autres vêtements suivirent, elle faisait de même pour les siens. Ils se retrouvèrent dénudés face l'un à l'autre, sous leurs regards intenses. Une certaine attraction animait les deux amants, ils ne pouvaient s'empêcher de s'embraser aux contacts l'un de l'autre tel un charme.

Leurs corps s'assemblèrent dans un élan de chaleur au milieu des draps du lit avec des mouvements de bassin du jeune homme. Des sourires étiraient leurs lèvres, leurs mains se joignirent pendant que les filaments d'or éclairaient la pièce autour d'eux comme des lucioles.

Au réveil, Sinélia vit qu'elle était maintenant seule au milieu du lit. Xocarès avait dû partir très tôt pour ne pas révéler le moindre soupçon sur leur...relation ?

Elle se leva doucement, Sinélia se plaça devant le miroir et observa son corps nu, le démon avait laissé quelques marques surtout le long de sa poitrine. Elle repensa à cette nuit de tendresse, où Xocarès lui avait demandé du regard son consentement, où il avait de lui-même décider de se protéger pour éviter la moindre grossesse. Elle rougit à l'idée de pouvoir avoir un enfant avec lui, leurs espèces pouvaient-elles se reproduire ensemble ?

Elle avait tant aimé sentir les mains de l'archer découvrir les moindre recoins de son corps, tout en la regardant avec cette étincelle de désir pur. Sinélia toucha ses lèvres en se remémorant le goût de leurs baisers interdits.

—Qu'avons-nous fait mon doux démon ? Où est-ce que cette histoire va nous mener, se demanda la jeune femme en observant les draps de son lit.

~~~~

Depuis quelques jours, Ash et Chad arpentaient les routes la journée pour se reposer la nuit. Ils étaient arrivés il y avait peu à Pénisia, le royaume des kitsunes, il se trouvait au milieu d'un immense désert. Les tempêtes de sables les avaient forcés à s'arrêter parfois, à tenter de se protéger comme ils pouvaient dans des grottes. Des rumeurs courraient dans les rues du royaume, sur le fait qu'une guerre était proche.

Sur tout les mûrs, une fresque du Ligatios était dessiné, le renard légendaire du peuple des kitsunes. C'était un renard aux multiples queues de couleurs rouges avec une crinière comme celle d'un lion autour du cou. Le Ligatios était comme un dieu pour eux, ils le vénéraient à chaque instant de leur journée, il les avait sauvé lors de violentes tempêtes, les avait aidé à reconstruire Pénisia après la guerre de Biléos, entre Mikanos et Pénisia.

Le peuple des kitsunes était d'un teint plutôt halé par rapport au climat de leur région, ils portaient souvent des foulards et des tuniques lâches pour protéger leurs corps du Soleil, tout en étant suffisamment à l'aise à l'intérieur.

À leurs arrivés, ils ne croisèrent quasiment aucun soldat, à croire que Pénisia était laissé à l'abandon. Les deux hommes s'arrêtèrent dans une petite auberge plutôt familiale où beaucoup de rires fusaient de droite à gauche. Une petite femme gérait le bar et faisait quelques avances à Chad, il rougit jusqu'aux oreilles tandis que le démon éclata de rire. Il se dirigea avec deux bières à la main vers le loup-garou, il les déposa et observa son compagnon de route avant de s'asseoir.

—Nous sommes encore à quelques kilomètres de Mikanos, ce sera notre dernier arrêt avant Oxyris, déclara Ash en lui présentant le trajet sur une carte.

—Bientôt, nous pourrons venir en aide à nos amis, murmura Chad d'un air rêveur.

—Il nous faudra d'abord observer Oxyris mais de ce que j'en sais, il est très difficile d'y entrer.

Le loup guida son verre de bière jusqu'à ses fines lèvres, il grimaça sous le goût du nectar pendant qu'Ash continuait d'analyser la moindre faille en leur permettant une entrée plus sûr dans le royaume des elfes de la nuit.

—Avez-vous besoin de quelque chose d'autre ? Demanda une douce voix féminine en faisant relever la tête de Chad.

Il l'observa de la tête au pied, cette kitsune était plutôt plaisante ç observer mais il ne cessait de revoir la jeune femme aux cheveux de cendres devant-lui, elle lui manquait terriblement. Il secoua la tête et attrapa à nouveau son verre en fronçant les sourcils, un sentiment étrange habitait son cœur depuis quelques temps.

—Non, merci. Nous avons tout ce qu'il nous faut, répondit-il poliment.

Elle partit en affichant une légère grimace, le jeune homme resta perplexe par rapport à ses décisions et ses envies. Il ne devait pas oublier son objectif premier, celui de retrouver la gamine à Oxyris.

—Nous les retrouverons, mon ami, annonça le démon en lui déposant une main sur l'épaule. Quoi qu'il arrive, on les retrouvera.

Le loup hocha la tête en espérant que cela soit vrai et que ça arriverait bien avant la guerre qui se prépare.

Le soir tomba rapidement, en amenant avec lui, une tempête de sable. Le royaume ferma tout ses bâtiments, chaque volet pour se protéger de cette catastrophe naturelle. Ash s'était assis dans un coin de la salle, il triturait ses doigts en observant l'endroit, il entendit le rire d'un groupe de kitsunes et des verres s'entrechoquaient. Un léger sourire étira ses lèvres tandis que son regard se tournait vers Chad, il avait posé sa tête sur ses bras croisés pour se reposer un peu. Il sentit son cœur se serrer à l'idée que cette joie ne soit que passagère à cause de la guerre. Chacun des peuples sera obligé de choisir un camp et de finir par combattre qu'ils le veulent ou non, ils étaient tous concernés par ce qui arrivait.

~~~~

Sakina tourna en rond dans sa cellule en frappant les barreaux chaque nuit. Elle hurla tout un tas d'injures lorsque Miodisos se présenta devant-elle ou plutôt la chose.

—Toi, hurla la bête en s'accrochant aux barreaux. Je vais te dépecer, t'arracher chacun de tes membres si tu continues à me maintenir enfermée ici. Je te laisse en vie seulement pour cette immonde Phoenix.

L'elfe entendit le corps de Sakine se transformer quand la chose prit le dessus, le Ramhisa. Il voyait de moins en moins la douce Phoenix comme si elle disparaissait petit à petit.

—Oh Sakina, souffla-t-il chagriné.

Il s'approcha doucement et s'assit devant la cellule.

—J'aimerais comprendre pourquoi tu as fait ça.

Les premiers rayons du Soleil traversaient la petite fenêtre du cachot, ils s'abattaient sur l'horrible monstre qu'était le Ramhisa. Elle se mit à se tenir la tête en se débattant avec elle-même tandis que la transformation agissait de nouveau, la Phoenix réapparut en pleurs. Elle était nue mais cachée par la pénombre, l'elfe lui tendit une couverture avec des vêtements propres qu'elle attrapa brusquement, en griffant involontairement l'homme.

—Miodisos, la haine est la raison de tout ceci, avoua-t-elle. Je me suis laissée ronger par ce sentiment en enviant les autres, en pensant à tout ce que j'avais perdu que ça soit Shatïs, Angalion et Makoïs. Aujourd'hui, je ne sais même pas qui est encore en vie.

—Qu'as-tu fait pour qu'ils ne viennent pas te chercher ?

Miodisos avait le don pour mettre le doigt sur les choses qui faisaient mal, il savait toujours où viser mais il était aussi un homme compréhensif et à l'écoute.

—Je... Je les envoyés à la mort, sanglota-t-elle. C'est la pire erreur que j'ai pu faire.

L'elfe remarqua que l'aura de la Phoenix tremblait, quelques tâches de couleurs apparaissaient dans des tons blancs et orangés. Il comprenait que Sakina reprenait le-dessus sur la créature. En reconnaissant ses torts, elle faisait reculer le démon.

—Tu reconnais que tu as fait une erreur, c'est essentiel pour apprendre à se pardonner, expliqua-t-il. Je te connais Sakina, tu es une femme joyeuse et intrépide. Tu sauras affronter le Ramhisa.

Elle releva la tête en finissant d'enfiler ses vêtements, surprise par le nom que venait d'utiliser Miodisos.

—Ramhisa ? Le démon du tréfonds des Enfers, murmura-t-elle d'une voix blanche.

—Oui, tu lui as ouvert une porte en te laissant consumer par la haine mais je vois dans ton aura que tu peux lutter, ton pardon fait revenir la couleur d'origine de ton âme, lui avoua-t-il en souriant.

—Le battre... Combattre un ennemi qu'on ne voit pas est difficile, rétorqua-t-elle en grimaçant.

—Sauf que tu n'es pas n'importe qui, Phoenix.

L'elfe aveugle se releva et s'avança doucement vers la sortie avant d'ajouter.

—Tu es Sakina, la dernière combattante de son peuple et je sais que tu y arriveras.

Il referma la porte derrière-lui en laissant la jeune femme aux cheveux roux réfléchir à ses paroles, elle observa les rayons du soleil éclairer l'entièreté de la pièce.

—Miodisos croit en moi, je ne dois pas le décevoir, se répéta-t-elle.

Elle s'enroula dans la couverture que le roi lui avait laissé, son esprit se détendait au point qu'elle ne craignait plus le fait de se transformer jusqu'à cette nuit, où elle oublierait encore qui elle était. Comment pourrait-elle empêcher cela d'arriver ? Éviter de perdre la mémoire pour essayer de garder le contrôle sur elle-même. Elle devait trouver une solution et elle le ferait avant que ça ne soit trop tard mais...

~~~~

Néphélis avait regagné son appartement qui paraissait bien vide depuis l'absence de la démone.

Le premier jour, il s'était rendu au gouvernement pour les prévenir mais aucun d'entre eux n'avaient voulu l'écouter, ils le traitaient de fanatique. Pourtant, il avait tenté de tout leur expliquer et de leur donner la lettre d'Azuria.

—Sortez-le d'ici ! Hurla le chef du gouvernement.

Il fut mis à la porte en baissant la tête face au refus. Abattue, il avait décidé de retourner au bar où Pheone et lui étaient allé en espérant revoir le jeune serveur, mais ce fut en vain, pourtant il avait parcouru des yeux la salle entière sans l'apercevoir.

Il y retourna le lendemain, néanmoins il n'était toujours pas là. Il partit alors en utilisant son téléphone pour tenter de prévenir la population du danger qui approchait. Il se mit à écrire un long message qu'il posta sur chacun de ses réseaux sociaux :

« Je me dois de vous prévenir à tous.

Le gouvernement a refusé de m'écouter en tentant de me persuader que j'étais fou mais je peux vous prouver par ce message (lettre d'Azuria) que ce n'était pas le cas. Nous sommes en grand danger ! Une guerre est en train d'éclater entre les démons et les peuples de Kindénia, nous sommes tous concernés par celle-ci car si le roi des Enfers gagne, il prendra le pouvoir sur chacun d'entre nous et peut-être détruira-t-il comme il l'a déjà fait auparavant avec les dragons ou les mages.

Peuple humain, il est tant qu'on se relève et prête main forte à nos alliés, nos amis contre l'ennemi qui nous attend.

Préparez-vous, elle approche rapidement. »

Son message était partagé par des milliers de personnes puis des millions, il passa même dans les informations. Le gouvernement cria au mensonge avec quelques personnes haut placés tandis que d'autres y croyaient fermement et se disaient prêts à combattre. Néphélis ressentit une certaine fierté à l'évolution de son peuple, à l'idée que « l'espèce » dites la plus faible puisse se montrer forte dans ce genre de situation.

Dans les jours qui suivirent, le gouvernement tenta de se défendre sans grande réussite. Néphélis se rendait constamment dans le bar avec l'espoir de revoir le jeune homme mais plus les jours défilaient et plus l'espoir s'envolait.

Aujourd'hui, il venait de s'asseoir à sa place habituelle en attendant de voir peut-être le serveur pour commander une délicieuse boisson. Il était là, il le voyait travailler derrière le bar, néanmoins Néphélis ne comprenait pas pourquoi il ne venait pas le voir, ni ne lui échanger un sourire. Une serveuse toute souriante arriva à sa table en lui tendant un petit papier froissé.

—Tenez, c'est pour vous, murmura-t-elle avant de se retourner et de chantonner.

Il déplia le papier et lut ce qu'il comportait.

« Je suis désolé de ne pas pouvoir m'approcher de toi. Chaque jour, je te vois venir avec un immense sourire et repartir malheureux.

Il y a des humains ici qui ne veulent pas des espèces surnaturelles, ils m'ont menacé en me disant qu'ils ferait du mal à ma famille, à mon fils... Je suis si désolé Néphélis de ne pas pouvoir venir à ta table pour te servir et peut-être échanger quelques mots, voire plus par l'avenir. Je t'apprécie en tout cas et je te crois aussi. J'espère que tout cela sera bientôt fini pour pouvoir qu'on fasse plus ample connaissance. »

L'humain observait un court instant la pièce puis repartit comme à son habitude avec un sourire éteint. Lorsqu'il arriva au niveau de son domicile, il fut interpellé :

—Eh toi ! Cria quelqu'un derrière-lui.

Surpris, il se retourna et vit un groupe d'hommes venir vers lui, ils avaient une posture menaçante puis l'un d'eux gardait une main derrière son dos. Il sentit rapidement le danger, il continua de marcher un peu plus vite jusqu'à chez lui.

—Ne cherche pas à nous échappe ! On sait où tu habites, minable.

Néphélis se mit à courir en voyant les hommes le poursuivre. Il entendit un bruit de détonation alors qu'une balle alla s'écraser dans l'arbre juste à côté de lui. La panique le prit d'un coup, il hurla et tourna dans une rue étroite en continuant de courir, il regardait parfois derrière-lui en espérant qu'ils le perdraient de vue mais ce n'était pas le cas, malheureusement.

—On ne te veut pas de mal gamin ! On veut juste que tu nous livres tes amis surnaturels.

Il aperçut un petit coin entre un conteneur et un garage, il s'y faufila et attendit accroupi dans le coin, en écoutant le moindre bruit de pas de ses assaillants. Il tenta d'appeler la police municipale de Névésias sauf quelques secondes après, Néphélis comprit qui le poursuivait et qui voulait sans aucun doute le tuer. Son corps se mit à trembler pendant qu'il mordait sa main de toutes ses forces pour ne pas hurler.

Les pas passèrent précipitamment à quelques mètres de l'humain terrifié. Il attendit un long moment avant de sortir de sa cachette et de courir jusqu'à chez lui, où il referma la porte à clé et il se laissa glisser contre celle-ci en serrant ses genoux contre lui.

—Que vais-je faire ? Je suis seul dans cette situation.

Il devait faire à nouveau passer un message, alerter le peuple de la corruption du gouvernement. Il prit son téléphone et écrit un nouveau texte.

« Mes amis,

Aujourd'hui, je me suis fait agresser devant chez-moi. À aucun instant, j'aurai pensé qu'on essayerait d'attenter à ma vie, de me faire taire ainsi. J'ai voulu contacter la police lorsque je me trouvais en sécurité mais j'ai entendu le téléphone d'un de mes agresseurs sonner, j'ai rapidement raccroché.

Nous sommes tous en danger, vous comme moi car nous voulons une vraie justice, agir pour le bien de tous.

À tout ceux qui me croient, le gouvernement est corrompu. Vous devez faire attention à vous mais n'oubliez pas que la guerre est proche. »

Plusieurs commentaires arrivèrent avec énormément de partages, il y avait des avis positifs comme du négatif. Certains l'insultaient et d'autres lui donnaient raison. Il finit alors par donner un lieu de rendez-vous à tout ceux qui souhaitaient se battre, en les prévenant qu'ils risquaient de faire face à l'ennemi en ce même lieu. Il fallait qu'il les rassemble, que le peuple des humains s'unissent et rejoignent les rangs de Lunatios pour consolider l'armée qui était en marche.

Il écrivit une lettre à Azuria, Néphélis la roula avant de la déposer dans les serres du faucon messager, en lui disant :

« Azuria,

Je prépare mon peuple à s'unir au tien. Nous rejoindrons ton royaume dans quelques jours si tout se déroule bien sinon... tu sais ce qui sera arrivé.

À bientôt. »

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