Chapitre 1

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 Je roulai la feuille, les mains légèrement tremblantes, et sortis mon sachet. Je lançai quelques coups d'oeil compulsifs autour de moi, l'angoisse grandissante au creux de mon estomac. Je tapotai doucement le coin du sachet, pour en faire tomber un peu de poudre blanche. Trop.

 — Putain ! lançai-je en tentant de réduire la quantité.

 La nausée me prenait. D'ici une ou deux minutes, je me mettrai à vomir et à suer. J'en avais besoin maintenant, peu importe la dose. Le morceau de papier racla désagréablement l'intérieur de mon nez mais tant pis, il le fallait. J'inspirai difficilement, plusieurs fois, pour être sûr, avant de ranger mes affaires. J'agissai toujours de la même manière. Taper la feuille au-dessus du sachet pour récupérer quelques grains égarés de cette fameuse poussière, refermer le sachet, soigneusement, l'emballer dans un autre, plus grand, me désinfecter les mains au gel hydroalcolique et m'adosser au mur en tentant de ne pas vomir, en attendant que la poudre fasse enfin effet. Et ça ne tarda pas. Ce fut plus violent que d'habitude. Je me mis à trembler, sans pouvoir me calmer. Je surveillai mon téléphone du coin de l'oeil. Une minute. Deux. Ca ne s'arrêtait pas. J'attrapai mes mains entre elles, pour tenter de faire dispaître leurs horribles convulsions. En vain. Je transpirai, bien plus qu'avant, et un étau enserrait mon coeur. Je m'encourageai mentalement à prendre une première inspiration, puis une deuxième, difficilement, mais l'écart de temps entre les deux étaient trop important. Je me tournai, violement, croyant voir quelque chose. Une hallucination ? Un homme s'approchait à pas rapides. Il s'agenouilla près de moi. Je soufflai bruyamment et fus pris d'un haut-le-coeur, que je réprimai difficilement.

Tout allait bien gros, c'était qu'une overdose. T'en as connu des pires. Non, non, non ! Je n'avais jamais autant halluciné ! De là à voir aussi précisement cet homme !

 Je le repoussai et basculai en avant. Je me retrouvai à quatre pattes, mes membres me portant à peine. Ce n'était peut-être pas une hallucination. J'avais senti le tissus de sa chemise, précisément. Devoir le toucher de cette manière me répugnais. Je détestai ça, les gens, les voir, les toucher...

 Une voix me parvint. A la fois douce et rocailleuse. Je le poussai encore, à bout de force.

 — Tout va bien, je suis là, assis-toi et essaie de respirer calmement.

 Va te faire foutre !

 Une main se posa sur mon dos, m'aida à me redresser. Je n'avais pas la force de lui dire de partir.

 Je papillonai des paupières sans reconnaitre la pièce autour de moi. Une chambre. Pleine de dossiers, richement décorée. Je me frottai les yeux, sans vraiment réaliser si j'étais vraiment là, si c'était une nouvelle halucination ou si j'étais dans un rêve. Je me redressai, repoussai brusquemment la couverture en me rendant compte que c'était bien la réalité. Dégoûtant, dégoûtant, dégoûtant. Je frottai mes mains entre elles et posai mes pieds froids sur le sol. Froids ? Je baissai les yeux sur mes jambes, nues. J'avançai de quelques pas, malgré le brouillard devant mes yeux. Je me retournai pour voir le lit défait, puis l'armoire, dont dépassait le tiroir à sous-vêtements. D'homme. Je marchai jusqu'à la porte en frissonant à cause de ma nudité. Je croisai mes bras sur ma poitrine découverte, dans le but de me réchauffer. Je crevai de froid. Si je ne me couvrai pas d'ici quelques minutes, j'allais tomber malade. Nous n'étions que fin janvier après tout. Mais bon, ma priorité était encore de sortir d'ici. La porte s'ouvrit. C'était loin d'être violent mais je reculai rapidement, m'écroulant à moitié sur le sol. Je me rattrapai à,la table de chevet bondé, faisant tomber une pile de dossier en équilibre précaire. Mon coeur cognait violement dans ma poitrine, et mes lèvres étaient sèches. Je ne rêvai que d'une chose; partir, loin d'ici.

 — Eh, panique pas, c'est pas grave, c'est de ma faute, j'aurais pas du laisser ça là, commença l'homme d'une voix douce.

 Je reconnus rapidement la peau mate et les cheveux bouclés de l'homme de la ruelle. Il voulut ramasser ses papiers mais je m'écartai, en emportant une grande partie avec moi.

 — Tu peux me les donner s'il te plaît ?

 J'hésitai, avant de commencer à réunir les feuilles éparses. Je lui tendai avec une certaine méfiance. Il les pris, avec la douceur comme mot d'ordre, et me remercia. Il les rangea dans un ordre connu de lui seul et cette fois-ci, ils les posa sur le bureau, par dessus une autre pile volumineuse.

 Puis il me tendit sa main. Je me relevai prudemment, sans accepter son aide.

 — Mes affaires, grommelai-je avec une furieuse envie de partir.

 — Ils sont dans la machine, tu as vomi.

 Je n'eu pas le temps de me sentir honteux qui me proposait déjà de manger.

 —J'ai fait des pâtes à la crème avec des lardons, lança-t-il comme argument.

 —Je... ne mange pas de porc.

 —Ah...

 Il s'arrêta une seconde, pour réfléchir, avant de reprendre:

 — Je ne mélangerais pas alors ! Au moins tu pourras en manger. Je vais te prêter des habits, en attendant que les tiens-

 — Je vais rentrer, coupai-je.

 — Je ne peux pas te laisser partir, désolé.

 — Quoi ? J'ai dit que je voulais partir, il est hors de question que je reste ici !

 — T'as fait une overdose, je peux pas te laisser partir...

 Je chancelai difficilement, les mains légèrement tremblantes puis me tournai, pour voir les piles de dossier ; un étudiant en médecine.

 — Je vais pas te dénoncer, mais j'aimerais qu'on en parle. C'est dangereux, ce que t'as fait. Je sais pas si c'est la première fois mais...

 — Ca suffit ! J'ai décrété que je partais, alors tu n'as pas le droit de me retenir. C'est de la séquestration, article 224-1 !

 — Tu fais du droit ? Alors tu dois bien savoir que si je te dénonce, tu risques gros.

 Je soufflai bruyamment.

 — T'as pas de preuves.

 — En fait, si. J'ai trouvé ta cocaine en fouillant dans tes affaires. Je voulais trouver un téléphone pour trouver un membre de ta famille mais-

 — Tu as fait quoi ? grondai-je en me redressant de toute ma hauteur.

 — Je suis désolé... Ne t'énerves pas, ma seule intention était de t'aider. C'est tout.

 — Tu as... putain, j'arrive pas à croire que t'ais fouillé dans mes affaires...

 — Il fallait que je contacte quelqu'un...

 — Tu l'as fait ?

 — Ton téléphone était verrouillé.

 — Bien sûr qu'il l'était ! A quoi d'autres est-ce que tu as touché ?

 Il resta silencieux. Je le connaissai depui peu et pourtant, je devinai que ce n'était pas normal.

 — Qu'est-ce que tu as pris ? insistai-je.

 Je me demandai comment nous en étions arrivé là ? Lui, immobile, le regard honteux et fuyant et moi, à moitié nu, une haine grandissante dans mes prunelles noires.

 — Je l'ai fait pour toi, d'accord ?

 Je pâlis, en entrevoyant tout ce qu'il aurait pu faire pendant le laps de temps où je dormais. Je reposai ma question, une angoisse grandissante au fond de l'estomac.

 — Je l'ai jeté.

 Je restai figé, dans l'incapacité d'émettre ne serait-ce qu'un seul son.

 — Ta cocaine. Je l'ai jeté, répéta-t-il, comme s'il réalisait tout juste ce qu'il avait fait.

 Le silence plana entre nous. Une porte claqua, je sursautai, m'extrayant difficilement de ma torpeur. La porte s'ouvrit de nouveau, sur une jeune femme à la chevelure flamboyante.

 — Oh, -elle parut étonné- enchanté.

 L'étudiant en face de moi se tourna vers la femme, se confrontant à son regard inquisiteur. Il tourna la tête vers moi, puis vers la femme, sans savoir quoi faire.

 — Je me casse, rends moi mes fringues, ordonnai-je durement.

 — Je peux...

 — Maintenant !

 Il finit par acquiescer et disparaître de ce qui semblait être un couloir, me laissant avec la rousse.

 — Tu es ?

 — Personne, crachai-je durement.

 Cette situation était une véritable source de stress pour moi et je n'avais qu'une hâte ; rentrer. En plus, il fallait maintenant que je passe au hangar. Que se passerait-il quand le dealer me verrait revenir, une semaine après m'avoir donné une dose suffisante pour tenir un bon moi ? Ma gorge se noua. Combien de temps allai-je tenir avant de faire une nouvelle crise de manque ? Quelques jours, une semaine, tout au plus. Je réfléchissai mentalement à combien il me restait de ma bourse d'étudiant, sans réussir à déterminer un chiffre. Il me manquait des souvenirs, pendant laquelle j'avais potentiellent de l'argent. Ce qui était sûr, c'est que, dans tous les cas, ça ne serait jamais assez. Faire crédit ? Mon dieu, c'était le début des ennuis.

 Le garçon réapparut avec une mine préoccupée, mes affaires qu'à moitié sèches,et mon sac. Je lui arrachai, et m'habillai à la hâte. Je fouillai dans mon sac. L'espace vide où était censé se trouver ma cocaine m'irrita, mais je continuai à chercher ce dont j'avai besoin. Je trouvai enfin le flacon de gel hydroalcoolique et en versai un peu dans mes mains. Je les lavai avec une certaine préoccuppation, me souciant peu du regard des deux étranges individus.

 — T'es maniaque ? demanda la femme. Ca se voit, tu sais ?

 — Foutez-moi la paix, marmonnai-je en les bousculant pour sortir.

 Heureusement, personne ne me retins. J'en fus rassuré, car je ne pensais pas être capable d'encore les repousser. D'autant plus qu'ils étaient deux maintenant. Je notai mentalement d'éviter la faculté de médecine pendant quelques temps, mais aussi ma petite ruelle habituelle. Il pourrait y retourner, ne sait-on jamais... Je grommelai tout en me mordant la lèvre inférieure. Je détestai devoir changer mes habitudes. A mes yeux, c'était signe d'insécurité.

 Je trouvai rapidement la sortie et sortis pour me retrouver dans une rue passante, près de la fac.

 Je soupirai, un peu rassuré par ce détail, et pris le chemin de chez moi. J'avais froid, à cause de l'humidité de mes vêtements et, en plus, j'étais épuisé. D'autant plus que j'avais besoin d'une douche, pour me débarrassai de toute ces microbes d'inconnus. Je devai rentrer maintenant, tant pis. Je poussai le battant de l'immeuble sans avoir besoin de taper le code, puisque le système électronique était fichu depuis longtemps. Je montai deux étages avant d'arriver devant ma porte. Je trouvai ma clé dans la poche avant de mon sac et ouvris rapidement, n'appréciant pas le fait de devoir rester trop longtemps dans le couloir. Je rentrai enfin à l'intérieur et jetai mon sac sur le lit-canapé. Je me précipitai enfin vers la minuscule salle de bain, me débarassant rapidement de mes vêtements humides pour les jeter dans la panière de linge sale. J'allumai l'eau et me glissai sous le jet sans attendre qu'elle soit tiède. J'attrapai le savon et entreprit alors de récurer ma peau malgré ma légère somnolence. Je laissai mes ongles trainer sur mes bras, les grattant frénétiquement en pensant enlever les multiples bactéries avec lesquelles j'avais pu être en contact lors de ma perte de connaissance. Ce n'est que lorsque le sang commença à s'échapper des griffures que je décidais que c'était bon. Je sortis, passai une serviette autour de ma taille et entrepris de m'observer dans le miroir. Quelques poils drus trainaient sur mon menton. J'attrapai un rasoir, dans le meuble de salle de bain, ainsi que la mousse à raser. Je me sentis mieux une fois que mon visage était débarasser de cette pilosité qui me faisait tant ressembler à mon paternel. Je m'essuyai soigneusement, puis jetai ma serviette dans la panière. J'enfilai un pyjama épais puis m'assis sur mon lit, réfléchissant si oui ou non, il était utile de mettre mon sac à laver. Après tout, l'homme l'avait touché... Oui, le mieux était de faire ça, et de lancer tout de suite la machine, pour éviter que les microbes ne se répandent dans tout le placard à balais qui me servait d'appartement.

 Je me sentis mieux lorsque le grondement de la machine à laver retentit dans toute la pièce, faisant même trembler mon matelas. Je pris ensuite le temps de nettoyer mon téléphone au désinfectant, avant de m'installer sur mon lit, avec mon ordinateur sur les genoux, et mon livre de droit à côté de moi, sur le matelas. J'avais du travail en retard, je devais m'y mettre, une fois pour toute. Maintenant, le manque ne risquait plus de m'empêcher de travailler. En revanche, la fatigue...

 Je me concentrai, pendant plus d'une heure mais le cas était particulièrement complexe et mes yeux se fermaient d'eux-même. Je baillai, et me dis qu'il faudrait peut-être manger, à un moment. Et puis merde, je n'avais plus rien dans le frigo. Rien d'autre que de l'eau fraîche, du ketchup, et du pain dans le congélateur. Pas de quoi faire un repas, en somme. De plus, je ne pouvai plus me permettre de faire des courses, pas avec la cocaine que je devais racheter dans la semaine. Je soufflai doucement. De toute manière, ce truc me coupait la faim...

J'ouvris les yeux, doucement et baillais en me redressant, le corps endolori. J'étirai mes muscles douloureux et réprimai un nouveau baillement. Quelle heure était-il ? La lumière éclairait distinctement la pièce, comme si le soleil était levé depuis déjà des heures... Des heures ! Je tentai d'allumer l'ordinateur, pour avoir accès à l'heure, en vain, il était déchargé. Je jurai dans ma barbe inexistante et me résignai à me lever pour récupérer mon téléphone, sur le four à micro-onde, posé à même le sol. Dix heures et demi... J'avais déjà loupé deux cours, cela ne servait plus à rien d'y aller aujourd'hui. Tant pis... Je repensai à cette abruti d'étudiant en médecine. Tout ça était sa faute. S'il ne m'avait pas retenu, s'il m'avait foutu la paix, je n'aurai pas été dans un tel état de stress. Et si rien ne m'avait stressé, alors je n'aurais pas oublié ce foutu réveil ! Je grognai avec une mauvaise humeur évidente. Commencer une journée dans cet état était la pire des choses possibles.

 Non, je ne pouvais définitivement pas laisser passer ça. Je fouillai dans mon armoire minutieusement rangé, jusqu'à trouver une petite boîte. Un mélange de canabis, de tabac et d'un je ne sais quoi d'autre qui, ma foi, procurait toujours un bon effet.

 J'allais faire ça: fumer un join puis aller au hangar, avec le reste de mes économies.

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