Le goût du vrai
Ce texte est inspiré de celui de Destiny. Vous trouverez tous les liens en coms. Ayant obtenu sa permission, voici donc ma version…
Elle l’avait retrouvé par hasard.
Mais n’avait pu s’empêcher d’établir le contact.
Quinze ans après la dernière page de leur histoire.
Il était là, dans la lumière chaleureuse d’un café de province.
Un livre à la main, il lisait, nonchalant, en l’attendant.
Elle retrouva sa ride si familière entre les sourcils, celle qu’il avait quand il était absorbé par un récit, mais légèrement plus marquée.
Il n’avait pas changé, du moins en apparence.
Ils s’étaient souri comme deux étrangers qui se reconnaissent.
— Tu es toujours à Paris ? avait-il demandé.
— Non, j’ai fui. Ou plutôt, j’ai fini par admettre que je n’y étais jamais vraiment chez moi.
Il avait hoché la tête, comme si cette réponse lui appartenait aussi.
C’est vrai, elle y était venue avec lui.
Autour d’eux, les autres clients murmuraient, buvaient, s’éclipsaient.
Leurs tasses de café, à eux, étaient restées pleines. Ce n’était pas la soif qui les avait réunis, mais la curiosité — ou peut-être ce goût étrange pour les choses inachevées.
— Tu es heureux ? avait-elle lancé, sans vraiment y croire.
Il avait souri, ce sourire qu’elle lui connaissait : une esquisse douce.
— Je crois, oui. Et toi ?
Elle avait ri. Pas un vrai rire. Celui qu’on offre quand les mots sont trop risqués.
Et pourtant, elle avait répondu :
— Je mens bien, maintenant. Ça aide.
Le silence qui suivit n’était pas gênant.
C’était un silence complice, celui des gens qui ont traversé une guerre intime, et qui en gardent des cicatrices.
Lui, parce qu’il avait depuis longtemps fait son deuil. Elle, parce qu’elle se délectait encore de son mensonge.
Puis il dit :
— Tu te rappelles ce que tu m’as dit, le soir où tu es partie ?
Elle avait hoché la tête.
— “Je ne t’aime plus”, elle posa un silence. C’était faux.
Elle baissa les yeux sur ses mains fines et nerveuses.
— Ah…
Il avait souri. Encore cette esquisse douce.
— Il y a des vérités qu’on s’avoue… mais trop tard, ajouta-t-il.
Elle l’avait regardé longuement. Puis elle avait murmuré :
— Et certains mensonges que l'on savoure…
Elle se rappela le plaisir qu’elle avait ressenti à le blesser avec ces mots.
Elle l’aimait, oui, elle ne pouvait le nier — mais pas assez pour rester.
Le serveur leur avait demandé s’ils voulaient autre chose. Ils avaient dit non. Ils n’avaient rien bu, rien mangé.
Lui s’était nourri de cette vérité, qui, même si elle n’était plus qu’un souvenir, soulagea une blessure oubliée.
Elle, en revanche, resta affamée. Sa présence n’avait donc aucun effet sur lui ?
Quand elle s’était levée pour partir, il n’avait pas tenté de la retenir.
Son ego avait pris un coup. Mais elle resta droite, fière.
Ce mensonge, qu’elle avait longtemps apprécié, n’en était plus un :
Elle ne l’aimait effectivement plus depuis longtemps.
Mais voir la vérité — pas celle qu’elle s’imaginait — non, celle d’un homme apaisé, sincèrement heureux, ça, non.
Il émanait de lui comme une aura tranquille.
Elle se l’avoua enfin, déçue :
Elle aurait voulu qu’il la retienne. Qu’il lui montre qu’elle comptait encore.
Mais très vite, elle se dit que cela ne devait être qu'une facade. Lui heureux ? Avec son petit livre, dans sa petite province et ce café miteux.
Ainsi un nouveau mensonge prit forme, le délicieux déni.
Elle avait rompu avec haine.
Il l’avait laissé partir avec amour.
Ce mensonge si plaisant, qu’elle avait chéri, n’était qu’un reflet de la noirceur de son âme.
Et cette vérité, avouée trop tard, n’était qu’une provocation, le besoin de voir sa réaction.
Mais lui ne mentait pas.
Il était heureux, comme il le croyait.
Et le mensonge qu’elle lui avait donné à l’époque, l’avait simplement épargné d’une relation toxique.
Cette vérité, il n’avait pas besoin de la dire.
Il l’incarnait.
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