LE MARAIS - 2
La jeune femme se sentait piégée, prise en tenaille. Des deux dangers, quel était le pire ? Elle reporta son attention sur Kurior qui reculait. Ce qui était des plus positifs. Il ne restait à Ovaïa qu'à connaître les intentions des humains qui se ruaient vers elle .
Ils arrivèrent à sa hauteur, la dépassèrent, et poursuivirent leur course en direction de la bête. Le groupe ne l'attaquait pas vraiment. Ils la repoussaient simplement, la faisant reculer encore, toujours, inexorablement. La créature semblait apeurée, elle s'avérait moins effrayante qu'Ovaïa le pensait. En définitive, elle retourna dans l'eau noire, s'éloigna, s'immergea. Satisfaits, les humains attendirent encore un peu, avant de revenir vers la jeune femme.
Elle restait sur la défensive, incertaine, inquiète. Ces gens allaient-ils être amicaux ? Un homme attira son attention. Assez grand, pas très large d'épaules, Il possédait une musculature d'apparence noueuse. Sa peau était cuivrée, ses cheveux noirs, mi-longs et un peu hirsutes. Il s'approcha suffisamment pour qu'elle puisse voir ses yeux, d'un brun assez clair.
Il s'arrêta face à la jeune femme. Son regard franc et sans détour se planta dans le sien.
— Je suis Jolo, je te salue, voyageuse. Que viens-tu faire ici sur le territoire de mon clan, celui du marais ?
Ovaïa se reprit, redressa les épaules et parla. Elle eut du mal à reconnaître sa voix. C'est qu'il y avait si longtemps qu'elle ne s'était pas adressée à un autre humain. Depuis son départ du domaine familial, la jeune femme les évitait, car nombre d'entre eux, étaient retournés à la sauvagerie la plus abjecte.
Elle voulait faire confiance à cet homme et aux autres personnes. Ne l'avaient-ils pas sauvée de la bête ?
— Je suis Ovaïa, je viens d'Eraland, je vais en Surilor. Je vous remercie, vous tous de m'avoir aidée. Je ne fais que passer sur votre territoire, honorable peuple du marais. Je tiens à rejoindre les montagnes de cuivre, qui sont un passage obligé sur le chemin qui mène en Surilor.
Elle se tut, l'enfant, à ce moment-là, pleura. L'autochtone baissa les yeux sur la gorge de la jeune femme et vit le bébé. ovaïa redressa les épaules, entoura d'un bras protecteur le cocon servant de berceau à son fils et pointa sur lui un regard farouche.
— Je ne ferai de mal à aucun de vous deux. Le chemin qui mène en Surilor est long et périlleux, je te propose de te reposer dans mon village, qui n'est pas très loin. dit-il
Ovaïa cilla, hésita. C'était une proposition tentante et presque inespérée ! Elle le contemplait toujours. Alors qu'elle ne le connaissait pas. La jeune femme sut, de façon presque viscérale qu'elle pouvait s'en remettre à lui .
— Je te remercie, Jolo
Elle désigna l'eau du marais, l'endroit où son épée avait glissée.
— Je dois récupérer mon arme.
Jolo fixa une jeune guerrière .
— Plonge, Niali.
Sans discuter, elle obéit. Au terme d'un temps qui parut très long à Ovaïa, Niali revint à la surface. Elle jeta sur le sentier l'épée de la voyageuse. Enfin, elle se hissa à son tour hors de l'eau. La voyageuse n'attendit pas avant de récupérer son bien.
— Ma reconnaissance, Niali.
— Je t'en prie.
L'arme retrouva son fourreau. Jolo donna le signal du départ.
— Il est temps de partir, le dragon pourrait revenir.
Ovaïa comprit que c'est ainsi qu'il appelait le Kurior .
— Je te remercie encore de m'offrir un refuge.
— Suis-moi.
Elle se plaça dans ses pas. Les autres étaient derrière elle. Ainsi, en file indienne, ils se mirent en marche. Ils s'enfoncèrent plus avant sur le territoire du Jurosalk.
Ils ne marchèrent pas plus de dix minutes, avant d'arriver en vue d'une singulière agglomération.
Constituée de bateaux, attachés les uns aux autres, et amarrés au fond des eaux sombres du marécage ; leur assemblage n'avait pas été fait au hasard. En tous les cas Ovaïa le pensa. Au centre, se trouvait la plus grande des habitations flottantes. Le rouge sang dominait sur le bois solide de l'embarcation principale, des plumes, des objets couverts d'écailles, mais aussi de pièces scintillantes l'ornait.
À partir de celle-ci les bateaux étaient disposés en étoile, des passerelles de cordes permettaient de passer de l'un à l'autre.
— Vous restez toujours à cet endroit, ou il vous arrive parfois d'en changer ?
Jolo hésita un court moment.
— Normalement oui, mais cela fait presque deux saisons, que nous n'avons pas bougé.
Le guerrier ajouta très vite, comme s'il voulait éviter d'autres questions, sur ce sujet :
— Hâtons-nous, le chef et notre prophétesse t'attendent.
— Comment ça ?
Il ne répondit pas et l'entraîna très vite vers la grande embarcation.
L'homme la guida dans la partie centrale de cette résidence particulière. Là, se tenait une dizaine de personnes. Jolo chuchota.
— Voilà le conseil du clan.
Il devança quelque peu la jeune femme, s'inclinant avec cérémonie et déclara avec emphase :
— Voici Ovaïa, elle nous vient d'Eraland, elle se rend en Surilor... Elle demande à cette communauté, la permission de passer sur son territoire.
Durant cette présentation, la voyageuse ne cessa pas un seul instant d'observer les personnes rassemblées dans la salle.
Tout d'abord quatre guerriers, postés très opportunément devant les issues. Ensuite, elle reporta son attention sur deux autres personnages.
Le premier était assis sur un siège installé sur une estrade. Le second ou plutôt la seconde, se tenait debout derrière lui. Elle paraissait incroyablement âgée. Vêtue d'une longue robe à la couleur indéfinissable, elle portait un sautoir autour du cou. Une ribambelle d'objets hétéroclites y étaient accrochés. Ovaïa supposa qu'il s'agissait de talismans et identifia cette vieille femme comme la prophétesse évoquée par Jolo, plus tôt.
Quant au chef, c'était bien sûr l'homme assis sur l'estrade. Il se leva, justement.
— Sois la bienvenue, Ovaïa, ma maison est ta maison. Puisses-tu y trouver le repos et la sérénité jusqu'au jour de ton départ.
Elle réalisa alors, que prise dans son observation, elle avait raté le moment où son sauveur lui présentait cet éminent personnage.
Elle salua cet homme qui pouvait avoir une cinquantaine d'années. Il ressemblait à Jolo en plus âgé. Pour marquer sa position au sein du clan, il portait une sorte de coiffe recouverte d'écailles noires et argent. Mis à part ça, il avait sur lui, tout comme les autres, un pantalon et une tunique de tissu à La couleur aussi indéfinissable que la robe de la vieille femme.
Les civilités se terminaient. Personne d'autre que le chef n'avait parlé. Les autres personnes quittèrent la salle en silence. Jolo et la prophétesse restèrent.
Le chef fit signe à Ovaïa.
— Approche !
Elle obtempéra, mais avec prudence. La fatigue et la faim la fit chanceler, Jolo arriva vers elle pour la soutenir. Le bébé rappela sa présence, des cris affamés jaillirent de lui. Les personnes présentes sursautèrent et se figèrent de surprise...
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