Les Monts de Cuivre - 1 -

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"... Et il vint à elle, effrayant, menaçant. Et il s'attaqua à elle, car il était mu par des forces invisibles et hostiles. Et le dragon d'eau ne la reconnut pas. Mais elle avait le talisman avec elle ! Et, grâce au talisman, elle brisa le charme qui le retenait prisonnier..."

Chroniques des Temps Obscurs - Bibliothèque Royale de la cité de Jade"


Jolo et Ovaïa venaient de quitter les marais. Ils étaient parvenus à la lisière d'un petit bois.

Les Monts de Cuivre commençaient juste après. Ils entrèrent sous le couvert des arbres, la jeune femme fixa son compagnon de voyage, en demandant :

— Aucun regret ? Tu peux encore rebrousser chemin et tenter de défendre ta cause auprès des tiens.

Il lui jeta un regard égal.

— Les regrets sont inutiles. Je te l'ai dit tout à l'heure. Il est vain de regretter d'avoir tourné à droite plutôt qu'à gauche. L'essentiel c'est d'assumer.

Il eut un bref sourire qui s'effaça très vite.

— Allons-y !

Elle n'insista plus. Ils rentrèrent dans le bois.


En passant sous les frondaisons, Ovaïa constata que cette parcelle de nature, n'avait pas l'air misérable.

— Ça n'est pas trop abîmé ici.

Il s'étonna :

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Depuis que j'ai quitté l'Eraland, je n'ai croisé que des paysages dévastés, une nature mourante, sans compter le gibier raréfié. Il semblerait que cette dévastation n'ait pas encore atteint cet endroit. Cela laisse espérer que nous pourrons faire quelques réserves de nourriture.

— Il est vrai que les provisions que j'ai prises au village ne dureront pas longtemps. D'autre part, les Monts de Cuivre ne sont pas réputés pour abriter beaucoup de gibier. Il n'y a pas grand-chose qui pousse là-bas.

— C'est à cause des mines de cuivre.

Elle ajouta rêveuse :

—Quand j'étais enfant, mon grand-père me parlait de ces montagnes. Il me disait qu'avant l'exploitation du minerai, il y avait beaucoup d'aigles couronnés, de lapins de pierre, de chèvres de rocher. Même si la végétation était plus rare que dans les plaines, elle y croissait malgré tout abondante et harmonieuse.

Jolo fataliste déclara :

— Il faut croire que parfois, nous n'avons pas besoin de démons pour corrompre ce que nous touchons.

Ovaïa ne le nia pas, elle savait que ce n'était hélas, que trop vrai !

— Eh bien, je vais chasser. Tu n'as qu'à te reposer un peu, si tu le veux, ajouta Jolo.

Elle jeta un coup d'œil à son enfant qui, pelotonné contre elle, dormait paisiblement.

— Je vais plutôt chercher quelques plantes comestibles. Peut-être des champignons aussi, ce genre de choses.

Il hocha la tête, désigna un arbre non loin d'eux et dit :

— Retrouvons-nous ici dans une heure !

Il s'éloigna ensuite de la jeune femme. Celle-ci commença à examiner son environnement....


Quand Jolo, plus tard, s'avança vers l'arbre, Ovaïa l'y attendait depuis 10 minutes. Assise sur le sol, elle triait quelques plantes. Elle leva les yeux sur le jeune homme.

— Bonne chasse ?

Il désigna l'animal mort qui pendait à sa ceinture .

— Juste une Tarolui avec ses petits que j'ai laissés là-bas, ils étaient tous morts.

La jeune femme fixa l'animal. il ressemblait à une sorte de cochon. Sauf qu'il n'avait pas d'oreilles. À la place, deux trous dissimulés sous quelques poils. Ses yeux étaient recouverts d'une membrane grisâtre.

— Tu as creusé le sol pour la dénicher ?

— Non, elle était à la surface, elle extirpait sa portée de son terrier.

— Les Taroluis femelles ne sortent jamais en pleine journée. Une preuve de plus que le monde part en morceaux.

Jolo la regarda sans répondre. Il aurait voulu trouver les mots pour contredire son affirmation, et ainsi la rassurer, mais avait trop conscience de la situation, pour lui mentir. Il lui demanda quand même :

— Et toi, qu'as-tu trouvé ?

— Quelques plantes médicinales qui pourront être utiles. J'ai aussi des champignons très secs. Des châtaignes rouges et quelques glands.

Elle précisa en se saisissant de son sac, et en l'ouvrant :

— J'ai également trouvé ceci.

Elle lui montra l'intérieur. À sa grande surprise, il y découvrit des rayons de miel !

— Une ruche ?

— Oui, les abeilles étaient toutes mortes. Y compris les reines.

Jolo cilla, il s'assombrit. Une fois encore, sa compagne de voyage lui rappelait l'obscurité qui planait sur le monde. La mort des abeilles en était un exemple supplémentaire. Cependant, Ovaïa ajouta sur le ton de la conversation :

— Ce miel sera une source d'énergie remarquable.

Elle commença à ranger le produit de ses diverses récoltes et se remit debout .

— Il est temps de quitter le bois.

Il acquiesça, mais se mit devant elle. Ainsi ouvrant la marche, il la guida hors du couvert des arbres.


Ils atteignirent le pied des Monts de Cuivre en deux heures.


Au-dessus d'eux, les nuages s'accumulaient, recouvrant le ciel rougeâtre et assombrissant la nature environnante d'une chape de plomb. L'atmosphère pesante, comme avant un orage ne les étonna pas. Les jeunes gens savaient qu'il ne pleuvrait pas. Cela faisait des mois qu'aucune averse n'était venue rafraîchir la lourdeur ambiante. Les orages, quand ils survenaient, restaient secs. Cependant Jolo dit à Ovaïa :

— On y voit de moins en moins, je me demande s'il ne faudrait pas attendre demain pour entrer dans les Monts de Cuivre.

— Tu crois ?

Jolo ne répondit pas tout de suite, il jetait autour de lui des regards évaluateurs.

— Les nuages continuent à s'épaissir. Bientôt, nous ne pourrons plus avancer.

À son tour, la jeune femme regardait autour d'elle, en fait tous deux cherchaient un refuge. Ils étaient trop à découvert. Autour d'eux, la végétation se résumait à une herbe jaune et quelques buissons rabougris et cassants. Rien qui ne puisse offrir un abri aux voyageurs. Soudain, le regard d'Ovaïa s'arrêta sur un amas de roches grises et noires.
Elle venait de repérer une anfractuosité sur la paroi. Elle la désigna à Jolo .

— Il n'y a une grotte là-bas ?

À son tour, il remarqua la crevasse.

— Oui, ce doit être ça. J'espère qu'elle n'est pas occupée.

Il décida :

— Reste ici, je vais voir !

Il se dirigea seul vers la cavité.

Quand Jolo passa dans l'anfractuosité, Ovaïa sut que l'existence de la grotte se confirmait.
Il restait à savoir si le jeune homme n'y rencontrerait aucun danger. La voyageuse s'apprêta à patienter. Au terme d'un temps qui lui parut interminable, le jeune homme réapparut, il lui fit signe d'avancer. Ravie, elle le rejoignit. Il l'invita à entrer.

— Cet endroit est un cadeau des dieux. C'est frais, mais pas trop humide. L'endroit idéal jusqu'à demain.

Elle examina les lieux.

— Alors pas d'intrus ? D'hôtes indésirables ?

— Aucun. Personne n'est venu ici depuis bien longtemps. Ce qui est un peu étonnant.

— C'est très lumineux ici.

Jolo passa ses mains sur l'une des parois, puis il les présenta à la jeune femme.

— Il y a une sorte de mousse qui pousse. Regarde, elle produit une substance qui brille.

— J'espère que ce n'est pas dangereux.

Le jeune homme attendait son approbation en silence.

— Installons-nous ici, dit-elle

Ainsi fut-il décidé. Pendant ce temps dehors, l'obscurité s'étendait. Un roulement de tonnerre retentissait, l'orage éclata...

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