Les Monts De cuivre - 3 -
Une piste rocailleuse s'ouvrait devant eux. Un environnement minéral s'offrait aux voyageurs. Aucun arbre, aucune touffe d'herbe, même sèche et rabougrie ne venait adoucir le paysage stérile qui s'imposait à leurs yeux. Néanmoins, la jeune femme trouvait que cela ne manquait pas de majesté, voire de beauté ; sur le ciel rubescent se découpaiet un camaïeux de gris, de noir, de bleu entremélée ça et là de touches cuivrées.
Jolo guidait la femme. Celle-ci réalisa qu'il semblait savoir où il allait. Alors qu'ils s'engageaient dans un passage étroit, entre deux parois de roche gris-bleu, elle demanda :
— Tu es déjà venu dans ces montagnes ?
Sans arrêter sa progression, il répondit :
— Pourquoi cette question ?
— Eh bien, tu as l'air de savoir où tu mets les pieds.
Il stoppa brusquement sa marche, se tourna vers elle, et révéla :
— J'y suis venu avec mon père, il y a quelques années.
Elle le contempla et demanda encore :
— Pour faire quoi ? Chasser ?
— Non... Enfin, nous avons chassé, mais ce n'était pas vraiment le but du voyage dans ces montagnes.
Il reprit son ascension. Elle fit de même, mais insista :
— Alors ? C'était quoi le but ?
— Mon initiation... Mon passage du monde de l'enfance à celui de l'âge adulte.
— Je vois... Eh bien, nous n'avons rien de semblable chez moi... Je veux dire, nous n'avions rien de semblable... Enfin, il me semble.
Elle soupira. Un court silence suivit avant qu'elle ne reprenne.
— À quel point connais-tu ces montagnes ?
— Jusqu'à la mine du clan d'Abeth. Après, je dois admettre que mon savoir est plus incertain.
— Abeth ? Qui est-ce ?
— Un ami de mon père et un allié. Nous pourrons trouver refuge chez lui et les siens... En fait, nous faisons commerce, Même si depuis plusieurs semaines, nous n'avons aucune nouvelle de son clan. J'espère qu'ils ont survécu à la grande obscurité.
Ovaïa faillit lui dire qu'elle en doutait, mais préféra se taire. Après tout qu'en savait-elle ? Quoi qu'il en soit, elle ne posa pas d'autres questions. L'un suivant l'autre, ils continuèrent leur route.
Ils ne parlèrent pas beaucoup, durant les deux heures qui suivirent. Tous deux se concentraient sur leur avancement. La piste était abrupte, difficile, semée d'écueils. De petits cailloux tranchants roulaient sous leurs pieds, menaçant de les blesser à tout instant. De plus, l'étroitesse de la sente les forçait à une vigilance constante.
C'est pour toutes ces raisons que leurs échanges verbaux se limitaient au strict nécessaire. Heureusement pour Ovaïa, son bébé était tranquille. Il ne dormait certes pas, mais il ne s'agitait pas non plus. Il se contentait d'ouvrir grand ses yeux sombres qu'il posait parfois sur le visage de sa mère. Celle-ci, toute occupée à sa marche ne faisait guère attention à lui. Il lui suffisait de le sentir lové contre elle, à l'abri et pour le moment, au moins, hors de danger.
Son compagnon de voyage ne pensait guère non plus à la jeune femme et sa progéniture. Lui aussi se focalisait sur le moment présent. Ce qui l'entourait lui importait peu. Ce qui aurait pu, éventuellement l'interpeller, c'est le silence profond et l'ambiance lourde qui régnaient dans les parages.
La dernière fois qu'il était venu dans ces montagnes avec son père, c'était très différent. D'abord, il y faisait beaucoup plus frais. Ensuite, on entendait parfois des cris ou des bruits relatifs à une vie animale encore assez présente à cette époque-là. Cependant, l'existence de ce silence ne le déconcentrait pas...
Le couple arriva au terme du raidillon. Il déboucha sur une esplanade aride. De celle-ci, ils avaient une vue imprenable sur le territoire qu'ils venaient de quitter. Jolo posa sa main en visière et fixa son regard au loin avant de dire, avec une certaine nostalgie :
— Le marais est très visible d'ici !
À son tour, Ovaïa braqua ses yeux sur le paysage distant qui s'offrait à leurs regards. Elle admit :
— C'est vrai !
Elle se détourna aussitôt, en examinant les alentours, ensuite elle demanda :
— Où sommes-nous ?
Jolo se détourna du panorama qu'il contemplait. Il répondit en même temps :
— Juste au début de notre périple. Nous allons faire une pause. Après, il ne nous sera pas possible de nous arrêter avant un bon moment !
Il précisa :
— Profites-en pour t'occuper de ton bébé.
Lui-même alla s'asseoir près de deux rochers accolés l'un à l'autre. Ils surplombaient une vasque minérale naturelle. Il dit à Ovaïa :
— Avant, de l'eau coulait d'ici. Elle était fraîche et désaltérante.
La jeune femme, fataliste répliqua :
— De toute évidence, la source est tarie...
Elle prit place à côté du jeune homme. Sans hésiter, elle détacha l'enfant d'elle et s'en occupa. Quant à Jolo, il se détourna et se plongea dans une sorte de rêverie...
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