Les Monts De Cuivre -10 -

5 minutes de lecture

Dokar se redressa brusquement. Son attention se dirigea vers le seuil de l'habitation. Une lueur blafarde filtrait à travers le rideau qu'il avait tiré devant l'entrée, avant de se coucher.

"L'aube est déjà là ?"

Puis ses pensées s'ordonnèrent dans son esprit. Il se leva. Ses yeux se posèrent sur Ovaïa. Une profonde tristesse le submergea. La veille au soir, elle avait pleuré longtemps entre ses bras, Jusqu'à l'épuisement. Ensuite, elle s'était étendue sur le sol et endormie.

Dokar percevait son souffle calme. Il entendait aussi l'enfant pousser de petits cris impatients. Le jeune seigneur d'Ikryl hésitait à la réveiller. Il songea aussi, qu'il n'était pas très judicieux de s'attarder. Il fallait profiter de la relative clarté du jour pour avancer le plus possible, d'autant plus que leur prochaine halte se ferait sur un site nettement moins confortable.

Dokar s'avança vers elle, et la secoua doucement. Elle s'éveilla avant de sourire à son beau-frère.

— Bonjour.

— Bonjour Ovaïa.

Il alla chercher un paquet de nourriture pour la jeune femme et aussi un peu d'eau. Il lui donna tout ceci.

— Il faut nous hâter.

Il quitta l'habitation sur ces mots. La jeune femme se redressa, glissa un mamelon dans la bouche impatiente de son bébé et à son tour, commença à manger.



Dokar, dès qu'il fut sorti, vit arriver un homme vers lui. Il s'agissait du cavalier chargé de la nourriture et de l'eau. Une sorte d'intendant, prénommé Ulkir.

— Déjà levé ?

— Je n'ai pas beaucoup dormi.

Le seigneur d'Ikryl soupira :

— Nous en sommes tous là...

Il demanda dans la foulée :

— Que se passe-t-il ?

— Seigneur, je voulais vous en parler hier soir déjà, mais vous étiez si fatigué que...

Dokar l'interrompit sans réelle méchanceté.

— Viens-en au fait. Je n'ai pas de temps à perdre.

— Nous risquons de manquer d'eau.

Sur un ton calme qu'il était loin d'éprouver, Dokar hasarda :

— Il n'y a pas un puits ici ? Il me semble qu'hier, nous sommes passés devant.

— Il est à sec, Seigneur.

Le jeune homme passa sa main sur son visage.

— Dans ce cas, il faut former des équipes pour partir en exploration. Quitte à ce que notre départ soit retardé d'une journée. Il y a sûrement des points d'eau aux alentours.

— Pardonnez-moi, Seigneur, mais d'après ce que les autochtones m'ont dit, quasiment tous les points d'eau des montagnes sont taris depuis des mois.

Il ajouta :

— Néanmoins, une vieille femme m'a assuré qu'Abeth connaissait les endroits où elle coulait encore.

Dokar se raidit.

— Tu veux dire que nous devons nous assurer les services de ce cloporte ?

— Hélas Seigneur, je crains que nous ne puissions pas l'éviter.

Le jeune Seigneur se massa les tempes.

— Les Dieux ne nous auront rien épargné !

Il réfléchit puis décida :

— Fort bien, j'irai parler moi-même à Abeth. En attendant, Il est nécessaire de rationner l'eau pour tout le monde, sans distinction. Je laisse ce problème entre tes mains compétentes. Oh, si tu vois Obro, dis-lui de venir me voir.

Il retourna dans l'habitation sur ces paroles. Quant à Ulkir, il s'empressa, afin de suivre au plus vite les directives de son seigneur.

Dokar trouva Ovaïa qui commençait à emballer ses affaires.

— En définitive, ne te précipite pas. J'ai décidé de retarder notre départ d'une journée.

— Pourquoi ?

Il lui donna les explications demandées.

— Bien sûr, étant donné que tu nourris ton enfant, ces restrictions ne te concernent pas, conclut-il

Elle sursauta, et presque offusquée, s'exclama :

— Il est hors de question que je bénéficie d'un traitement de faveur !

— Ovaïa, ne sois pas têtue. Ton fils est l'avenir d'Eraland, mais aussi d'Ikryl.

— Même si c'est vrai, pourquoi privilégier l'avenir de ma lignée ? Quant à Ikryl, ton fils...

— Il est mort !

Cela jeta un froid, puis le chagrin fondit sur Ovaïa.

— Dieux ! Non ! Ton petit Seïlan ? Comment ? C'était un enfant robuste !

— Il y a eu une sorte d'épidémie, juste après le début de la grande obscurité. Elle a tué beaucoup de gens. Seïlan en faisait partie...

Une grande souffrance filtrait dans sa voix. Puis il la domina et ajouta sur un ton ferme :

— Tu es importante Ovaïa, Quoi que tu en dises. Ton enfant est important aussi. Compte sur moi pour œuvrer de toutes mes forces, afin de le garder en vie et toi avec.

La jeune femme ne répondit pas. Qu'aurait-elle pu dire de toute façon ? C'est à ce moment-là que Jolo et Obro entrèrent dans la maison.

Les arrivants saluèrent l'homme et la femme. Puis Obro déclara aussitôt :

— Seigneur, je viens de voir Ulkir. Il m'a dit pour l'eau, mais aussi pour Abeth, pardonnez-moi Seigneur, mais vous voulez vraiment demander l'aide de ce pourceau ?

Jolo, lui, se taisait, mais il n'en pensait pas moins. Ovaïa, à cet instant décida de sortir pour prendre l'air. De ce fait, elle ne comprit pas la réponse de Dokar. Elle passa le seuil et commença à se promener autour de la maison.

La première chose qu'elle remarqua, c'est le totem enfoncé dans le sol, juste à côté de la demeure, où elle avait dormi.

"Bizarre, je ne l'ai pas remarqué hier. C'est vrai qu'il faisait sombre quand nous sommes arrivés !"

Elle réalisa qu'il était très haut, imposant, s'avança et en fit le tour. C'est là qu'elle remarqua le Kurior, sagement allongé au pied de l'édifice.

Elle fut surprise, mais nullement effrayée. Elle se rapprocha de lui, s'accroupit et s'adressaà à lui. 

— Qu'est-ce que tu fais là ? Tu me suis encore ? J'espère que tu n'as pas l'intention de massacrer tout le monde, cette fois ?

Il la fixait de ses yeux rouge-sang. Il inclina légèrement sa tête massive sur le côté. Elle eut l'impression qu'il l'écoutait. Elle se redressa et, sans le quitter des yeux, lui dit à nouveau :

— Si tu veux un conseil, tu devrais partir avant qu'ils ne te voient. Sinon, rends-toi utile et trouve-nous de quoi boire. Après tout, c'est ce que tu es n'est-ce pas, un chercheur d'eau ?

Le ton de la jeune mère était ironique, la bête cilla. Elle pencha la tête de l'autre côté. Ses yeux se rétrécirent, sa langue bifide fusa brièvement de sa gueule hérissée de dents. Ovaïa la contemplait. Elle ne ressentait vraiment aucune peur.

Ovaïa s'éloigna, et continua sa promenade. Le Kurior la suivit du regard...

Quand elle retourna dans la maison, Dokar et Obro discutaient encore. Jolo s'était mis à l'écart. Il grignotait un morceau de pain de voyage. D'emblée, elle alla s'asseoir à côté de lui.

— Tu n'es pas rentré cette nuit.

— J'ai dormi ailleurs.

— Oh ? Pourquoi ?

— Comme je devais faire des tours de garde, j'ai trouvé que c'était plus pratique.

La jeune Dame le scrutait, à demi convaincue, elle sentait qu'il y avait une autre raison à son absence dans la maison, la nuit précédente. Elle ne chercha pas à la connaitre, elle se leva et s'éloigna de lui. Jolo continua à manger.

Pendant ce temps, Obro et Dokar avaient fini de parler. Le jeune seigneur apostropha Jolo en ces termes :

— Tu es d'accord pour te joindre à Obro lorsqu'il escortera Abeth ?

— Bien sûr.

— Je te remercie.

Puis il ajouta :

— Bien, je vais aller parler à ce cafard. Obro, tu viens avec moi.

Les deux hommes sortirent ensemble, laissant seuls Ovaïa et le jeune homme du marais. Ces deux-là ne devaient plus s'adresser la parole, au moins durant plusieurs heures. La communication entre eux était en passe de se rompre...

Annotations

Vous aimez lire Beatrice Luminet-dupuy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0